Lost Creek, Etats-Unis | AFP | mercredi 11/10/2022 - Chase Hays est "déchiré". Après avoir vu des inondations ravager son hameau, dans les montagnes des Appalaches, il a porté plainte contre la mine qui le surplombe, mais cet Américain de 34 ans ne veut surtout pas être perçu comme un "ennemi" du charbon.
Comme lui, les habitants de l'est du Kentucky peinent à remettre en cause une industrie qui a longtemps offert les seuls emplois bien payés de la région. Et, à l'approche des élections de mi-mandat, rares sont les candidats qui osent leur parler de changement climatique.
Pourtant, le Kentucky a été dévasté récemment par des phénomènes extrêmes: en décembre, des tornades sans précédent ont tué 80 personnes dans l'ouest et, fin juillet, des pluies d'une violence inouïe ont emporté 40 habitants dans l'est.
Installé au fond d'une vallée isolée, au bord d'un petit ruisseau, Chase Hays n'avait jamais vu l'eau dévaler aussi vite.
A peine a-t-il eu le temps de découper une clôture pour fuir avec sa famille, que le courant avait fait disparaître son porche, une piscine hors sol, un cochon... et inondé les fondations de sa maison en préfabriqué.
Même s'il ne peut toujours pas y vivre, ce père au foyer estime être "l'un des plus chanceux" du lieu-dit "River Caney", où une vingtaine de maisons ont été totalement détruites et deux femmes emportées par les flots.
De plus, il était assuré, contrairement à ses voisins, dont certains dorment encore sous des tentes, sans perspective de retrouver un toit avant l'hiver.
"Pour eux", il a décidé de porter plainte contre la compagnie minière qui extrait du charbon au-dessus du hameau. Chase Hays est en effet convaincu que l'une de ses retenues d'eau a cédé quand la pluie s'est intensifiée.
"Les explosions étaient beaucoup trop fortes, ça a dû faire craquer le bassin", explique cet homme à la barbe broussailleuse en recevant l'AFP dans son jardin encore boueux, encombré par des tas de laine de verre détrempée.
Décapiter les montagnes
Pour autant, cet homme, qui descend d'une famille de mineurs, prend garde à ne pas généraliser: "Ce qui a eu lieu ici était dû à un problème de maintenance mais je ne peux pas dire que toute l'industrie est fautive".
Une cinquantaine de voisins se sont associés à sa plainte, dont Christy White, une femme de 57 ans dont la maison pimpante n'est plus qu'une carcasse humide.
Cette dynamique grand-mère, dont la voix se casse à l'évocation du déluge, blâme aussi l'entretien de la mine locale mais va un peu plus loin. "Si vous faites exploser la terre, que vous forez, que vous coupez ses angles, quelque chose finira par arriver, c'est du bon sens..."
Depuis quelques années, les compagnies minières des Appalaches ont développé une technique d'exploitation qui consiste à décapiter le sommet des montagnes pour accéder plus facilement aux veines de charbon.
Malgré les controverses, son impact sur les inondations reste "incertain", relève William Haneberg, géologue à l'université du Kentucky.
Cette technique "met les roches à nu, en retirant les arbres et toute végétation", dit-il. D'un autre côté, les gravats sont déversés dans les vallées, "ce qui aplanit les sols et pourrait diminuer l'intensité des inondations."
En revanche, "il y a un fort consensus" chez les scientifiques pour imputer le changement climatique à la combustion des énergies fossiles, poursuit M. Haneberg. "De cette manière, les mines de charbon ont une responsabilité évidente dans les récents événements."
"Hostilité"
Cette évidence peine pourtant à s'imposer au Kentucky, qui compte encore 20% des mines de charbon en activité aux Etats-Unis.
Chase Hays a bien entendu parler des études sur le changement climatique. "Mais ce n'est pas un bon sujet de conversation par ici, parce que sans le charbon, cet endroit va s'effondrer..."
Conseiller municipal sans étiquette dans la ville voisine de Hazard, Luke Glaser, qui a beaucoup participé aux secours, confirme l'existence, localement, d'"une hostilité aux initiatives sur le climat".
"Les habitants des Appalaches sont fiers que leur travail ait fourni de l'énergie au pays pendant des décennies et ont l'impression qu'on attaque leurs emplois mais aussi leurs valeurs", explique ce candidat à sa réélection.
L'Etat a d'ailleurs basculé dans le camp républicain dans les années 1990 "en partie à cause des questions énergétiques", rappelle Steve Voss, professeur de sciences politiques à l'université du Kentucky.
Depuis, les candidats des deux partis prennent soin de se "présenter comme amis du charbon", même si quelques démocrates commencent à parler du climat, dit-il.
Quoi qu'ils puissent dire, "je ne crois pas que les inondations auront un impact" sur le scrutin de novembre, estime Chase Hays.
Dans cette région pauvre de l'Etat, "on se sent oublié, méprisé et, à moins que quelqu'un ne prenne des mesures radicales, les opinions ne changeront pas", prophétise-t-il.
Quant à Christy White, une fervente admiratrice de l'ex-président Donald Trump, elle est trop occupée à nettoyer ce qui reste de sa maison pour avoir réfléchi à son bulletin de vote.
En triant ses affaires, elle glisse douter que le changement climatique soit à l'origine de son malheur. "Je pense que c'est la volonté de Dieu. Il veut nous préparer pour la suite".
Comme lui, les habitants de l'est du Kentucky peinent à remettre en cause une industrie qui a longtemps offert les seuls emplois bien payés de la région. Et, à l'approche des élections de mi-mandat, rares sont les candidats qui osent leur parler de changement climatique.
Pourtant, le Kentucky a été dévasté récemment par des phénomènes extrêmes: en décembre, des tornades sans précédent ont tué 80 personnes dans l'ouest et, fin juillet, des pluies d'une violence inouïe ont emporté 40 habitants dans l'est.
Installé au fond d'une vallée isolée, au bord d'un petit ruisseau, Chase Hays n'avait jamais vu l'eau dévaler aussi vite.
A peine a-t-il eu le temps de découper une clôture pour fuir avec sa famille, que le courant avait fait disparaître son porche, une piscine hors sol, un cochon... et inondé les fondations de sa maison en préfabriqué.
Même s'il ne peut toujours pas y vivre, ce père au foyer estime être "l'un des plus chanceux" du lieu-dit "River Caney", où une vingtaine de maisons ont été totalement détruites et deux femmes emportées par les flots.
De plus, il était assuré, contrairement à ses voisins, dont certains dorment encore sous des tentes, sans perspective de retrouver un toit avant l'hiver.
"Pour eux", il a décidé de porter plainte contre la compagnie minière qui extrait du charbon au-dessus du hameau. Chase Hays est en effet convaincu que l'une de ses retenues d'eau a cédé quand la pluie s'est intensifiée.
"Les explosions étaient beaucoup trop fortes, ça a dû faire craquer le bassin", explique cet homme à la barbe broussailleuse en recevant l'AFP dans son jardin encore boueux, encombré par des tas de laine de verre détrempée.
Décapiter les montagnes
Pour autant, cet homme, qui descend d'une famille de mineurs, prend garde à ne pas généraliser: "Ce qui a eu lieu ici était dû à un problème de maintenance mais je ne peux pas dire que toute l'industrie est fautive".
Une cinquantaine de voisins se sont associés à sa plainte, dont Christy White, une femme de 57 ans dont la maison pimpante n'est plus qu'une carcasse humide.
Cette dynamique grand-mère, dont la voix se casse à l'évocation du déluge, blâme aussi l'entretien de la mine locale mais va un peu plus loin. "Si vous faites exploser la terre, que vous forez, que vous coupez ses angles, quelque chose finira par arriver, c'est du bon sens..."
Depuis quelques années, les compagnies minières des Appalaches ont développé une technique d'exploitation qui consiste à décapiter le sommet des montagnes pour accéder plus facilement aux veines de charbon.
Malgré les controverses, son impact sur les inondations reste "incertain", relève William Haneberg, géologue à l'université du Kentucky.
Cette technique "met les roches à nu, en retirant les arbres et toute végétation", dit-il. D'un autre côté, les gravats sont déversés dans les vallées, "ce qui aplanit les sols et pourrait diminuer l'intensité des inondations."
En revanche, "il y a un fort consensus" chez les scientifiques pour imputer le changement climatique à la combustion des énergies fossiles, poursuit M. Haneberg. "De cette manière, les mines de charbon ont une responsabilité évidente dans les récents événements."
"Hostilité"
Cette évidence peine pourtant à s'imposer au Kentucky, qui compte encore 20% des mines de charbon en activité aux Etats-Unis.
Chase Hays a bien entendu parler des études sur le changement climatique. "Mais ce n'est pas un bon sujet de conversation par ici, parce que sans le charbon, cet endroit va s'effondrer..."
Conseiller municipal sans étiquette dans la ville voisine de Hazard, Luke Glaser, qui a beaucoup participé aux secours, confirme l'existence, localement, d'"une hostilité aux initiatives sur le climat".
"Les habitants des Appalaches sont fiers que leur travail ait fourni de l'énergie au pays pendant des décennies et ont l'impression qu'on attaque leurs emplois mais aussi leurs valeurs", explique ce candidat à sa réélection.
L'Etat a d'ailleurs basculé dans le camp républicain dans les années 1990 "en partie à cause des questions énergétiques", rappelle Steve Voss, professeur de sciences politiques à l'université du Kentucky.
Depuis, les candidats des deux partis prennent soin de se "présenter comme amis du charbon", même si quelques démocrates commencent à parler du climat, dit-il.
Quoi qu'ils puissent dire, "je ne crois pas que les inondations auront un impact" sur le scrutin de novembre, estime Chase Hays.
Dans cette région pauvre de l'Etat, "on se sent oublié, méprisé et, à moins que quelqu'un ne prenne des mesures radicales, les opinions ne changeront pas", prophétise-t-il.
Quant à Christy White, une fervente admiratrice de l'ex-président Donald Trump, elle est trop occupée à nettoyer ce qui reste de sa maison pour avoir réfléchi à son bulletin de vote.
En triant ses affaires, elle glisse douter que le changement climatique soit à l'origine de son malheur. "Je pense que c'est la volonté de Dieu. Il veut nous préparer pour la suite".