Malardé : 70 ans de travaux pour la santé des Polynésiens


En 1967, le Dr Louis Malardé, premier médecin polynésien diplômé de Santé publique, est nommé directeur de l'établissement. Malheureusement, une maladie l'emporte quelques mois plus tard seulement. Son nom a été donné à l’institut pour lui rendre hommage.
PAPEETE, le 20 février 2019. L’Institut Louis Malardé (ILM) fête cette année ses 70 ans. L’institut veille sur la santé des Polynésiens en travaillant sur la ciguatéra, la tuberculose, la lutte anti-vectorielle, la dengue, le Zika, les maladies liées à l’environnement... Des conférences et expositions sont prévues cette année.

L’histoire de l’institut Louis Malardé commence après la Seconde Guerre mondiale. William Albert Robinson, riche mécène américain installé à Tahiti, est ému par les ravages causés par la filariose. En 1947, la maladie frappait 82% des foyers.
Les premières recherches, menées grâce au mécène, montrent rapidement les premiers effets positifs de l’Hetrazan (nom de la Notézine américaine).
Au mois d’octobre 1948, l’institut de recherche médicale ouvre ses portes. Il sera inauguré officiellement le 26 septembre 1949.
Un service de soins est mis en place pour apporter des soins aux malades les plus sévèrement touchés. Dans le même temps, les équipes itinérantes de taote mariri dépistent les porteurs de microfilaires et distribuent à toute la population le seul traitement alors connu : la Notézine.
Conjuguée à la lutte antivectorielle, la chimioprophylaxie de masse fait reculer l’endémie filarienne. En dix ans, la prévalence moyenne de porteurs de microfilaires chute de 40% à 7%, le taux d’éléphantiasis de 8 à 1,2% et le taux d’infestation des moustiques vecteurs passe de 7,4% à 0,67%.
A partir de 1954, l’Institut se tourne vers d’autres activités de santé publique. Fort de son savoir-faire sur le terrain, il se voit confier le Service d’hygiène des districts et des îles puis le Centre de lutte contre la tuberculose, officiellement créé en 1960.
On reconnaît à l’Institut des missions de médecine préventive, d’hygiène publique et de recherche. Poursuivant ses actions de lutte contre la filariose et la tuberculose, l’Institut s’intéresse à de nouvelles pathologies et notamment la méningite à éosinophiles et la dengue.
Au cours des années 70 et 80, l’institut développe son activité de recherche. L’institut s’ouvre aux collaborations nationales et internationales.
En 2009 puis 2011, sont respectivement créés une unité de recherche sur les maladies non transmissibles et le pôle de recherche et de veille sur les maladies infectieuses émergentes.

Hervé Varet, directeur de l’institut Louis Malardé

« On travaille sur les composés bioactifs présents dans les micro-algues »

La première pierre du centre Innoventomo sera posée en septembre. Pouvez-vous expliquer en quoi consiste ce projet de rénovation et d’extension du laboratoire de recherche en entomologie médicale ?
« On a effectivement une rénovation du laboratoire d’entomologie médicale, qui a été mis en place en 1967. Nous avons obtenu, au titre du contrat de projets, un financement pour la rénovation entière de ce laboratoire et une extension avec un module expérimental pour la production de moustiques mâles stérilisants. On va pouvoir augmenter notre production de mâles stérilisants pour augmenter notre volume de lâchers. Aujourd’hui, on arrive globalement à fournir 150 000 mâles moustiques stérilisants par semaine. On compte arriver à une production hebdomadaire de 5 millions de moustiques mâles stérilisants. Cela nous permettra de changer d’échelle pour la lutte antivectorielle, de cibler des zones urbaines, des zones beaucoup plus importantes, de travailler sur des îles entières.

L’unité de production de micro-algues et de ciguatoxines va être inaugurée en septembre. Vos recherches vont pouvoir être valorisées commercialement.
Un laboratoire de recherche sur les micro-algues va en effet nous être livré. Au sein de l’institut, on a mené des recherches sur les micro-algues depuis une trentaine d’années. On a trouvé la cause de la maladie qu’est la ciguatera. Dans des micro-algues, on a identifié les toxines qu’on appelle ciguatoxine. Aujourd’hui, on est en mesure de produire ces ciguatoxines. L’intérêt majeur d’en produire c’est de mettre sur le marché des produits standards qui pourront servir de comparaison. Par exemple, quand vous êtes dans un laboratoire de recherche en Europe et que vous tombez sur un poisson qui visiblement a intoxiqué quelqu’un et que vous arrivez à en extraire une toxine, il est extrêmement important de pouvoir savoir de quelle toxine il s’agit. Donc il vous faut à ce moment-là des standards pour savoir s’il s’agit d’une ciguatoxine ou pas. Aujourd’hui, on a identifié une dizaine voire une quinzaine de ciguatoxines. On est susceptible d’en commercialiser déjà quatre ou cinq rapidement. On va tenter de les mettre sur le marché avant la fin de l’année.

A quoi pourront servir vos travaux sur les algues ?
Notre laboratoire travaille à la fois sur les toxines mais a également vocation à travailler sur autre chose que les micro-algues toxiques. On travaille avec un certain nombre d’instituts de recherche nationaux sur des composés bioactifs qui seraient présents dans les micro-algues et qui pourraient être utilisés en neurosciences ou en neuro- pharmacopée, pour des maladies comme Alzheimer ou Parkinson par exemple.

Le programme

16 au 23 avril : exposition photographique à l’Assemblée de Polynésie, mettant en parallèle le passé et le présent de l’ILM et conférence publique sur le thème « L’histoire de l’Institut, depuis sa création jusqu’à ce jour».

7 juin : conférence à l’Université de la Polynésie française (UPF) «L’ILM face aux grandes endémies, filariose, tuberculose/lèpre, ciguatera », présentée par des chercheurs de l’Institut Louis Malardé.

Septembre :
Conférence à l’Université de la Polynésie française sur « la lutte anti-vectorielle, les maladies émergentes »
Inauguration du centre Ciguaprod, à Paea,
Pose de la 1ère pierre du centre Innoventomo, à Paea
Célébration de la date anniversaire de l’ILM, le 26 septembre.

Novembre :
Hommage au fondateur de l’Institut Malardé, William Robinson, prévu en novembre.

Rédigé par Mélanie Thomas le Mercredi 20 Février 2019 à 16:18 | Lu 1083 fois