Maintien de l'ordre : passe d'armes entre Darmanin et les parlementaires de gauche


LUDOVIC MARIN / AFP
Paris, France | AFP | mercredi 05/04/2023 - Les échanges entre les parlementaires de gauche et Gérald Darmanin, taxé de "ministre de la matraque", ont viré à la passe d'armes mercredi à l'Assemblée nationale et au Sénat, où ce dernier a de nouveau attribué à l'"ultragauche" une responsabilité dans les violences lors des manifestations.

Le ministre de l'Intérieur était invité à s'expliquer devant les députés, puis les sénateurs de la Commission des lois, sur l'usage de force par les policiers et les gendarmes lors des manifestations contre la réforme des retraites ou à Sainte-Soline (Deux-Sèvres).

Chiffres sur les armes saisies, photos d'attaques de bâtiments publics, vidéos de policiers pris à partie : le ministre a commencé ses auditions par un long exposé, en projetant derrière lui plusieurs diapositives. 

Autant de preuves de "l'extrême violence contre les forces de l'ordre", a-t-il dit, en citant les exemples de récents affrontements à Paris, Lyon, Bordeaux, Lorient et Dijon.

Au Palais-Bourbon, son exposé a été régulièrement perturbé par les interventions hors micro des parlementaires.

C'est "une audition Paris-Match, le poids des mots, le choc des photos", a dénoncé le député écologiste Benjamin Lucas, raillant "un joli PowerPoint façon McKinsey", le cabinet de conseil au coeur de plusieurs enquêtes concernant les campagnes présidentielles d'Emmanuel Macron en 2017 et 2022.

La charge la plus lourde est venue de l'Insoumis Thomas Portes qui a qualifié M. Darmanin de "ministre de la matraque". "Faudra-t-il un nouveau Malik Oussekine pour enfin vous faire revenir à la raison ?", s'est-il interrogé, en référence à un jeune homme mort sous les coups de policiers à moto en 1986, en marge d'une manifestation.

M. Darmanin a également révélé des notes du renseignement territorial évoquant une "mobilisation très forte de l'ultragauche" venue "infiltrer le mouvement social et en prendre la direction". "Si j'étais provocateur, je dirais qu'ils ont voulu (le) prendre en otage", a-t-il déclaré. 

"Nous essayons de rompre avec une forme de lâcheté ou de complaisance qu'il y a eu avec l'ultragauche", a-t-il lancé plus tard au Sénat.

Depuis le 16 mars et le début des tensions dans les manifestations après le recours au 49.3 pour faire adopter la réforme des retraites, 1 .851 personnes ont été interpellées, et 299 atteintes contre des institutions publiques (préfectures, mairies…) et 132 attaques de permanences parlementaires ont été recensées, a-t-il listé.

Un total de 2.500 feux sur la voie publique, 58 véhicules et 13 bâtiments incendiés, ont également été dénombrés.

A Sainte-Soline, où 8.000 personnes ont manifesté le 25 mars contre une réserve d'eau pour l'irrigation agricole, M. Darmanin a fustigé une "européanisation de la violence" avec la présence de membres de l'ultragauche venus de Suisse, d'Allemagne et d'Italie.

- Polémique sur la LDH -
Sans surprise, le ministre de l'Intérieur a de nouveau apporté son soutien aux forces de l'ordre, en dépit des critiques formulées par la Défenseure des droits, le Conseil de l'Europe ou le rapporteur spécial de l'ONU sur les défenseurs de l'environnement.

"Les policiers et gendarmes ne font que répliquer à des gens qui sont violents. Ce ne sont jamais eux qui, en premier, iraient dans les rues à Sainte-Soline, trouveraient des personnes dans un champ et les attaqueraient", a déclaré M. Darmanin. 

A Sainte-Soline, 47 gendarmes ont été blessés, selon les autorités. Les organisateurs ont fait état de 200 blessés parmi les manifestants, dont 40 grièvement. L'un d'entre eux était toujours mardi entre la vie et la mort.

La député LFI Clémence Guetté, présente à Sainte-Soline, a évoqué une "répression quoi qu'il en coûte", rappelant les 5.000 grenades lacrymogènes lancées par les gendarmes. 

On a le "sentiment que vous ne maîtrisez plus votre police", a lancé le député socialiste Roger Vicot au ministre, craignant une dérive vers "une république sécuritaire".

La sénatrice PS Marie-Pierre de La Gontrie a reproché à M. Darmanin ses récentes déclarations sur le "terrorisme intellectuel de l'extrême gauche". "Vous ne devriez pas utiliser le terme de terrorisme de manière un peu rapide", a-t-elle lancé.

"Vous n'êtes pas la police des mots", lui a rétorqué M. Darmanin. Plutôt que de "jeter aux chiens" policiers et gendarmes, "passez une journée avec la Brav-M (policiers à moto)", a-t-il encore dit.

En réponse à une intervention du sénateur LR François Bonhomme, qui appelait à "cesser de financer des associations qui mettent en cause gravement l'Etat", le ministre a déclaré à propos de la Ligue des droits de l'Homme: "Je ne connais pas la subvention donnée par l'Etat, mais ça mérite d'être regardé dans le cadre des actions qu'ils ont pu mener".

M. Darmanin, "les actions qui ont pu être menées" par la LDH depuis plus de 120 ans sont la défense des droits et libertés de toutes et tous, ne vous en déplaise", a répliqué la LDH dans un tweet, dont "la défense de la liberté de manifester mise à mal".

Rédigé par RB le Mercredi 5 Avril 2023 à 06:35 | Lu 473 fois