Mahana Beach : Le quartier Tunaiti résiste encore et toujours à l'expulsion


Les représentants des différentes associations de riverains de Outumaoro
PUNAAUIA, le 5 mai 2015 - Les habitants des remblais d'Outumaoro, qui occupent ces terres domaniales depuis plusieurs décennies, voient d'un mauvais œil le projet Mahana Beach. Il est prévu de remplacer leurs maisons par des hôtels de luxe… Mais ils assurent rester ouverts à la discussion.


Pour le projet Tahiti Mahana Beach et ses 52 hectares dédiés à un projet d'aménagement touristique à 251 milliards Fcfp, le Pays se constitue une grosse réserve foncière. Avec l'acquisition des terrains de l'ancien Sofitel (7,8 hectares), en plus de ceux de l'ancien Bel Air ou des collines d’Outumaoro déjà dans l'escarcelle, il restait 11 hectares à récupérer en début d'année. Beaucoup de ces propriétaires seraient sur le point de se laisser convaincre par des rachats ou des échanges de terres… ce qui limiterait d'autant les expropriations.

Mais même parmi les hectares appartenant déjà officiellement au Pays, il reste des problèmes. Ainsi, la propriété des terrains des quartiers Tunaiti 1 et Tunaiti 2, à Outumaoro, est un sujet fortement débattu. Les habitants de ces terres, issues principalement des remblais de la RDO déposés là dans les années 60 et 70, y sont installés "depuis 50 ans" et en revendiquent la propriété. Ils maintiennent aussi qu'ils sont des peuples autochtones (au sens de l'ONU), chez eux, et que le droit international est de leur côté. Mais pour le Pays, ces hectares gagnés sur l'espace public maritime lui reviennent de droit. La justice a jusqu'à présent toujours penché dans ce sens…

Et certaines des familles ont déjà accepté de partir, contre des relogements. Ainsi, 27 familles à l'entrée du quartier ont été relocalisées fin 2014 dans un nouvel immeuble social situé au rond-point menant à l'Université. Mais il reste encore une centaine de familles bien décidées à rester : "on n'est pas à vendre c'est tout. On pense différemment," expliquent Monil Tetuanui et Inatio Faiua, qui représentent les associations de riverains de ces remblais maritimes d’Outumaoro. "Ca fait des années que ça se passe comme ça, expulsions, expulsions… c'est fini. Ca fait des années qu'ils nous marchent sur la tête. Il faut que les propriétaires de ces terres soient acteurs !"

D'accord pour le Mahana Beach, mais pas sans les habitants du quartier

Mais l'attitude dans la zone semble être à l'ouverture : "Nous voulons le projet Mahana Beach, mais pas pour amener des tetuanui pour remplacer des tetuanui. Ici ils veulent faire un village polynésien, mais ils vont mettre qui dedans ? Nous on veut rester ici, et on veut participer au projet, même si on doit apporter des choses."

Ce que les associations représentant les "propriétaires indivisaires des terres" veulent apporter, ce sont justement ces terrains dont ils revendiquent la propriété. "Ici ils veulent mettre des maohi qui font de l'artisanat, jouent de la musique, rappent le coco. Nous on est capables de le faire. Et ils viennent nous insulter en disant qu'il faut amener je ne sais pas qui à notre place !"

Vu comment la dernière expulsion en 2010 a failli tourner à l'émeute, et avec la grande expérience en procédures judiciaires acquise par les habitants du quartier au cours des nombreux procès, les associations ont des arguments de poids pour se faire entendre. Déjà, ils promettent qu'ils répondront à l'enquête publique mise en place dans le cadre du projet par une pétition de protestation "avec 10 000 signatures".

Surtout, ils ont déjà relevé de nombreuses erreurs dans les procédures. Le collectif de Outumaoro a ainsi, selon son président Inatio Fariua, fait constater par un huissier l'absence des rapports d'expertises, plan d'aménagement, évaluation d'impact environnemental, etc., qui auraient dû se trouver à la mairie. "Et pour nous, l'utilité publique de la procédure est très douteuse… La finalité, c'est le tribunal. On tiendra 10, 15 ans s'il le faut…"

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Mardi 5 Mai 2015 à 18:29 | Lu 2045 fois