Macron suspend la chasse à la glu, arbitrant pour les écologistes et contre les chasseurs


Paris, France | AFP | jeudi 27/08/2020 - Arbitrant contre les chasseurs, Emmanuel Macron a décidé jeudi de suspendre pour cette saison la chasse à la glu que dénoncent écologistes et défenseurs des oiseaux. Une première victoire pour sa nouvelle ministre de la Transition écologique Barbara Pompili.

Le chef de l'Etat a reçu mercredi le président de la Fédération nationale des chasseurs Willy Schraen, en présence de Barbara Pompili, pour lui faire part de sa décision de fixer à zéro pour cette saison le quota de chasse à la glu pour les grives et les merles - seules espèces pour lesquelles elle était autorisée.

Jusqu'ici Emmanuel Macron, qui entretient de bons rapports avec les chasseurs, avait refusé d'interdire cette pratique. Mais il s'est depuis engagé avec force à faire de l'écologie une priorité de la fin de son quinquennat.

Avec ce geste, il répond à la fois aux demandes des écologistes et aux injonctions de la Commission européenne qui, début juillet, a donné trois mois à la France pour mettre fin à cette méthode de chasse non-sélective, interdite par une directive de 2009 sauf dérogation.

L'Elysée explique que cette suspension, une première en France, a été décidée dans l'attente de la réponse de la Cour de justice de l'UE, saisie fin 2019 par le Conseil d'Etat pour qu'elle précise si la directive "Oiseaux" de 2009 permet d'autoriser la capture à la glu de certaines espèces d'oiseaux sauvages. 

Le chef de l'Etat a en revanche décidé de maintenir les quotas des autres chasses traditionnelles, dont celui des tourterelles des bois, quasiment inchangé à 17.460 oiseaux, dont les associations réclament également l'interdiction de chasse.

- "Les chasseurs sauront s'en souvenir !" -
 
La France est le dernier pays européen à autoriser la chasse à la glu, seulement dans cinq départements du sud-est (Alpes-de-Haute-Provence, Alpes-Maritimes, Bouches-du-Rhône, Var et Vaucluse). 

Cette méthode consiste à piéger des oiseaux sur des tiges enduites de colle. Les petits oiseaux ainsi capturés sont mis en cage et servent, en chantant, à en attirer d'autres pour les chasseurs. 

Le 2 juillet, la Commission a de nouveau demandé à la France de mettre fin à "la chasse illégale", pointant du doigt la chasse à la glu et aux filets, pour les alouettes.

C'était aussi l'un des combats de Barbara Pompili qui, en recevant les chasseurs peu après sa nomination mi-juillet, leur avait indiqué vouloir faire interdire cette pratique.

Barbara Pompili a très sobrement salué la décision, en tweetant: "La chasse à la glu, pratique de chasse non sélective et sous la menace d'une condamnation européenne, ne sera pas autorisée dès cet automne en France". Une formulation qui peut évoquer une interdiction définitive.

Dans l'entourage de la ministre, on se félicite d'avoir remporté cet arbitrage en soulignant que Mme Pompili, qui a pris soin de ne pas s'exprimer publiquement sur la question, a instruit ce dossier en prenant en compte la "fragilité juridique très forte" d'une chasse à la "non-sélectivité évidente".

Alain Bougrain Dubourg, emblématique président de la Ligue de protection des oiseaux, qui a contesté à de nombreuses reprises en justice la chasse à la glu, s'est félicité d'une "victoire pour une faune à l'agonie", rendant "hommage à Madame Pompili qui a refusé qu'une telle pratique puisse perdurer". Il a par contre jugé "tout simplement scandaleuse" la décision sur la chasse à la tourterelle, également condamnée par Bruxelles.

Le secrétaire national des Verts Julien Bayou, qui accusait le gouvernement de "tergiverser sur l'arrêt de la cruelle chasse à la glu", s'est félicité d'une "victoire pour la biodiversité" mais a demandé une interdiction définitive.

"On a une chasse légale qui vient d'être aribitrairement arrêtée, c'est inacceptable", a dénoncé sur BFMTV Willy Schraen, la patron de la Fédération nationale des chasseurs, annonçant son intention "d'attaquer l'Etat" pour faire renverser une "décision prise dans un contexte très politique, (où) les pressions sont fortes".

Inquiets d'une éventuelle interdiction, les chasseurs avaient menacé de manifester près de Brégançon, où Emmanuel Macron passait ses vacances. Ils avaient finalement obtenus un rendez-vous à Matignon, renonçant à cet appel.

"Macron sacrifie la chasse à la glu pour retenir Pompili", a déploré de con côté le parti pro-chasse Mouvement de la ruralité, ajoutant: "les chasseurs sauront s'en souvenir !"

le Jeudi 27 Aout 2020 à 10:03 | Lu 291 fois