Macron met en garde contre la "mort" de l'Europe


Christophe PETIT TESSON / POOL / AFP
Paris, France | AFP | jeudi 25/04/2024 - "Notre Europe est mortelle, elle peut mourir." Emmanuel Macron a dressé jeudi un portrait alarmiste à un mois et demi d'élections européennes compliquées pour son camp, exhortant à un sursaut des Vingt-Sept pour bâtir une "Europe puissance" et une défense "crédible".

"L’Europe peut mourir d’elle-même", a martelé le chef de l'Etat dans un nouveau discours sur l'Union européenne à la Sorbonne, après celui de 2017, comme en écho à sa prédiction d'une Otan en "état de mort cérébrale" avant que la guerre en Ukraine ne change la donne.

"Cela dépend uniquement de nos choix mais ces choix sont à faire maintenant" car "à l'horizon de la prochaine décennie (...) le risque est immense d'être fragilisé voire relégué", a-t-il averti.

Durant une heure et cinquante minutes, devant 500 invités, il a décrit une Europe "dans une situation d'encerclement" face aux grandes puissances régionales. Et jugé que les valeurs de la "démocratie libérale" européenne étaient "de plus en plus critiquées" et "contestées".

"Nous sommes encore trop lents, pas assez ambitieux", a-t-il également affirmé, plaidant pour une "Europe puissance" qui "se fait respecter", "assure sa sécurité" et reprend "son autonomie stratégique". 

Un nouveau mantra, après celui de "souveraineté européenne" avancé en 2017 et dont il s'est félicité qu'il se soit "imposé en Europe".

Dans un contexte géopolitique alourdi par la guerre en Ukraine, il a annoncé qu'il inviterait les Européens à se doter d'un "concept stratégique" de "défense européenne crédible", évoquant au passage la possibilité pour elle de se doter d'un bouclier antimissiles.

Emprunt européen

Il a aussi appelé l'Europe à renforcer son industrie de défense, et plaidé pour un "emprunt européen", sujet tabou notamment en Allemagne, pour investir dans l'armement en appliquant le principe de "préférence européenne".

Face aux débats sur l'immigration portés par la droite et l'extrême droite, il a affirmé que l'UE devait "retrouver la maîtrise" de ses "frontières" et "l'assumer", proposant "une structure politique" continentale pour prendre des décisions sur les sujets de migrations, de criminalité et de terrorisme.

Sur le plan économique, pour aboutir à une "Europe de prospérité", Emmanuel Macron a défendu un "choc d'investissements commun", en doublant la capacité financière de l'UE pour faire face aux défis de défense, climatique, numérique et industriel. Mais aussi l'introduction d'un "objectif de croissance", voire de "décarbonation" dans la politique monétaire de la Banque centrale européenne, aujourd'hui cantonnée à la maîtrise de l'inflation.

Face à la concurrence de la Chine et des Etats-Unis, "le risque c'est que l'Europe connaisse le décrochage", a averti le chef de l'Etat, appelant également à réviser la politique commerciale européenne puisque ces superpuissances n'en "respectent plus" les règles.

Enfin, pour une "Europe humaniste", le chef de l'Etat a voulu "défendre une Europe de la majorité numérique à 15 ans", avec avant cet âge, un contrôle parental sur l'accès aux réseaux sociaux, dans la seule proposition concrète susceptible d'affecter le quotidien des électeurs.

Le chancelier allemand Olaf Scholz, pas toujours sur la même longueur d'ondes européennes, a salué les "bonnes impulsions" de son homologue pour que "l'Europe reste forte" et promis de continuer à la "faire avancer ensemble".  

"Autosatisfecit"

Avec les crises, "rarement l'Europe n'aura autant avancé" depuis sept ans, s'est tout de même félicité le président français. "Plus personne n'ose tellement proposer des sorties, ni de l'Europe, ni de l'euro", s'est-il réjoui, dans un tacle à l'extrême droite, qui domine les sondages en France pour les élections européennes de juin.

Selon lui, les "nationalismes" ne "proposent plus de sortir de l'immeuble, de l'abattre" mais ils "proposent de ne plus avoir de règles de copropriété, de ne plus investir, de ne plus payer le loyer". Ce qui, a-t-il insisté, finirait par tuer le projet européen.

Présenté comme "institutionnel" par l’Elysée, son discours-fleuve avait officiellement comme ambition d'"influer sur l'agenda" de la prochaine Commission européenne. 

Mais il a été largement été perçu en France comme une entrée en campagne du chef de l’Etat pour donner à son camp l'élan qui lui manque. L'opposition a d'ailleurs demandé qu'il soit "décompté dans le temps de parole de Valérie Hayer", la tête de liste macroniste.

"Le Président de la République parle mais les Français n'écoutent plus. Au cours d’un meeting électoral, Emmanuel Macron a déroulé son habituel satisfecit technique en faisant la leçon à la France, à l’Europe et à la terre entière", a lancé le patron des Républicains, Eric Ciotti, sur X.

Même son de cloche à gauche: "Emmanuel Macron a fait du Emmanuel Macron, c’est à dire un autosatisfecit parfait sur le passé et des grands concepts pour ne rien dire", a dit la tête de liste des Ecologistes, Marie Toussaint. "Les Français ne veulent pas de grands discours. Ils veulent des actes", a renchéri Patrick Kanner, chef des sénateurs socialistes.

Optant pour la contre-attaque, Jordan Bardella va présenter de son côté dans l'après-midi son programme et tenter ainsi d'imposer un duel au sommet.

le Jeudi 25 Avril 2024 à 06:57 | Lu 873 fois