Macron et le gouvernement sous pression après une nouvelle nuit d'émeutes


Crédit DENIS CHARLET / AFP
Nanterre, France | AFP | vendredi 30/06/2023 - Bâtiments publics dégradés, magasins pillés, véhicules incendiés... De nombreuses villes de région parisienne et de province se sont réveillées vendredi avec les stigmates d'une nouvelle nuit de violences, mettant sous pression l'exécutif, réuni en cellule de crise en début d'après-midi.

Pour la deuxième fois en deux jours, le président Emmanuel Macron, qui a quitté le sommet européen à Bruxelles, présidait une cellule interministérielle de crise depuis 13h00. 

Interrogée lors d'un déplacement à Evry-Courcouronnes (Essonne) sur l'éventualité d'un recours à l'état d'urgence, la Première ministre Elisabeth Borne a répondu que "toutes les hypothèses" étaient "envisagées avec une priorité: le retour de l'ordre républicain", quand l'Elysée a assuré qu'Emmanuel Macron était prêt à adapter le dispositif de maintient de l'ordre "sans tabou". 

Dans la nuit de jeudi à vendredi, les forces de l'ordre ont procédé à 875 interpellations, dont 408 à Paris et sa proche banlieue, selon le bilan définitif du ministère de l'Intérieur.

Au total, 249 policiers et gendarmes ont été blessés dans la nuit. 

Saisi par une vidéo amateur, le tir à bout portant d'un motard de la police mardi matin sur un jeune homme de 17 ans, lors d'un contrôle routier à Nanterre, continue à embraser de nombreux quartiers populaires du pays.

Pour endiguer une "généralisation" des violences urbaines, les autorités avaient mobilisé dans la nuit de jeudi à vendredi 40.000 policiers et gendarmes, ainsi que des unités d'intervention d'élite comme la BRI, le Raid (police) et le Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN).

Malgré ce déploiement massif, des violences et des dégradations ont eu lieu dans de multiples villes: 119 bâtiments publics attaqués selon l'Intérieur.  

"Il n'y a pas d'affrontement très violent en contact direct avec les forces de l'ordre, mais il y a un certain nombre de magasins vandalisés, de commerces pillés voire incendiés", a détaillé un haut-gradé de la police nationale.

Selon le parquet de Paris, 150 personnes ont été placées en garde à vue en lien avec les événements de la nuit et une quarantaine de magasins dégradés. 

Cela a été le cas dans le cœur de Paris, aux Halles et dans la rue de Rivoli qui mène au Louvre, mais aussi en banlieue parisienne, dans l'agglomération de Rouen, à Nantes et à Brest.

Pour assurer "la sécurité des agents et des voyageurs", tous les bus et tramways franciliens seront interrompus à 21h00 au plus tard "tous les soirs jusqu'à nouvel ordre", a annoncé vendredi Ile-de-France Mobilités (IDFM), l'autorité chargée d'organiser les transports dans la région capitale.

Cocktail Molotov, fusées d’artifice

En Seine-Saint-Denis, "quasiment toutes les communes" ont été impactées, a constaté une source policière. De nombreux supermarchés ont été pillés notamment à Montreuil et Epinay-sur-Seine. 

Comme la veille, les forces de l'ordre ont également été visées, des poubelles, des voitures et des bus brûlés, notamment à Villeurbanne (Rhône) ou à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis).

A nouveau, des bâtiments publics ont été pris pour cibles, comme à Amiens où une école maternelle a été en partie incendiée rendant l'accueil des enfants impossible vendredi. 

Les brasiers se sont multipliés à Roubaix (Nord) sous les sirènes des pompiers et le projecteur d'un hélicoptère de la police. "En deux jours, ils ont fait ce que les gilets Jaunes ont fait en deux ans", a commenté un passant, qui refuse de donner son nom. 

A Marseille, le maire Benoît Payan a appelé "à l'unité et au calme" après des incidents qui ont touché le centre de la cité phocéenne dans la nuit, évoquant 156 feux de poubelles, "des dizaines de commerces abîmés, pour certains vandalisés et pillés" et 14 voitures brûlées.  Selon la préfecture de police il y a eu 56 interpellations et 38 policiers blessés.

A la cité Pablo-Picasso à Nanterre, dont Nahel était originaire, des voitures ont été incendiées, des mortiers d'artifice et autres grenades artisanales ont été tirés, a constaté une journaliste de l'AFP. Une agence bancaire du Crédit mutuel a été incendiée.

Des violences se sont aussi produites dans des départements d'outre-mer, à La Réunion, en Martinique et en Guyane, selon les autorités.

L'ONU préoccupée 

Depuis la mort de Nahel mardi, des écoles et des édifices publics ont été la cible de la colère de jeunes habitants des quartiers populaires et incendiés dans de multiples villes de France, rappelant les émeutes qui avaient embrasé la France en 2005 après la mort de deux adolescents poursuivis par la police. 

Le drame à l'origine de l'embrasement s'est produit à proximité de la station de RER Nanterre-Préfecture, lors d'un contrôle de police sur la voiture conduite par Nahel, un mineur connu pour des refus d'obtempérer. 

Le parquet considère que "les conditions légales d'usage de l'arme" par le policier auteur du tir "ne sont pas réunies", a déclaré jeudi le procureur de la République de Nanterre, Pascal Prache.

Ce policier de 38 ans a été mis en examen pour homicide volontaire et placé en détention provisoire jeudi après-midi. 

Une vidéo, authentifiée par l'AFP, a montré que ce motard de la police nationale positionné le long de sa voiture tenait Nahel en joue après une course-poursuite puis a tiré à bout portant.

La porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme s'est dite préoccupée par les violences qui ont éclaté après la mort de Nahel, tout en demandant à la France de se pencher "sérieusement" sur les "problèmes de racisme et de discrimination raciale au sein de ses forces de l'ordre". 

le Vendredi 30 Juin 2023 à 03:08 | Lu 570 fois