Macron durcit le ton après une campagne en pointillé


Ludovic MARIN / AFP
Paris, France | AFP | vendredi 08/04/2022 - Ni "dans l'excès d'assurance" ni "dans la fébrilité" malgré des sondages en baisse, Emmanuel Macron a affiché vendredi son envie de "ferrailler" en attaquant vivement Marine Le Pen, après une campagne jugée trop courte et prudente.

"J'ai l'esprit de conquête plutôt que l'esprit de défaite", a lancé le président-candidat vendredi matin sur RTL.

Pas question d'avoir "peur", a-t-il assuré, même si la campagne du premier tour se termine dans un climat de doute chez ses partisans.

Certes, tous les sondages le donnent en tête du premier tour. Mais la dynamique semble être passée dans le camp de Marine Le Pen, qui a rattrapé une partie de son retard et le menace pour le deuxième tour, le 24 avril.

Le président-candidat durcit donc le ton sans attendre les résultats de dimanche. "Marine Le Pen ment aux gens", affirme-t-il dans un entretien au Parisien. En l'attaquant sur son programme pour le pouvoir d'achat qu'elle "ne fera pas" car "elle ne le finance pas".

Son autre angle d'attaque vise les liens entre la candidate du RN et le président russe Vladimir Poutine, dont "elle est dépendante financièrement" et avec lequel elle est "complaisante".

Ces critiques sont reprises par l'ensemble de la majorité, à l'image de Christophe Castaner, chef de file des députés LREM, pour lequel Marine Le Pen "est constante dans ses valeurs, qui restent d'extrême droite, même si sa méthode consiste à cacher ce qu'elle est réellement".

Mais, pour certains Marcheurs, cette offensive vient un peu tard. "Je suis macroniste et frustrée de ne pas avoir entendu M. Macron à la télé, à la radio... Cela a donné le champ libre à ses concurrents qui n'ont pas arrêté de lui taper dessus", a ainsi regretté Patricia, une auditrice interpellant le ministre de l’Économie Bruno Le Maire jeudi sur France Info.

Programme bouleversé 

"Emmanuel Macron a traversé cette campagne. Il a juste fait quelques apparitions et cela a entamé son capital électoral", résume le politologue Pascal Perrineau. 

Au total, le président-candidat a fait un meeting national, cinq déplacements et une série d'interviews en cinq semaines de campagne alors que ses 11 adversaires sillonnent la France depuis des mois. Il a aussi effectué vendredi matin une courte visite impromptue sur un marché de Neuilly à la sortie de son entretien à RTL.

"C'est un fait, je suis rentré encore plus tard (dans la campagne) que je ne l'aurais voulu", a-t-il reconnu, en expliquant avoir été empêché par la pandémie et le début de l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

"La guerre a changé la donne et bouleversé le programme de campagne initial", explique un cadre de la majorité. La priorité a été donnée aux multiples appels que le chef de l’État a passé à Vladimir Poutine, Volodymyr Zelensky ou ses homologues européens, et aux sommets internationaux décidés dans l'urgence en février et mars.

Dans les sondages, Emmanuel Macron a d'abord profité de ce contexte de crise mais "il est sur une tendance baissière continue depuis trois semaines avec la fin de +l'effet drapeau+ autour de l'Ukraine", note Vincent Martigny, professeur de Science politique à l'université de Nice et chercheur associé au Cevipof-Sciences Po.

Face aux critiques l'accusant d'enjamber le premier tour, un conseiller de la campagne de Macron reconnaît que "dès le début notre stratégie a été qu'il serait au deuxième tour et que la vraie campagne démarrerait" alors.

"Le premier tour, ce n'est pas un affrontement. Ce sont des candidats qui présentent leurs projets. Puis, après, c'est le débat et, là, il y a la castagne", insiste d'ailleurs Emmanuel Macron dans Le Parisien. 

En cas d'un nouveau duel avec la candidate du RN, Vincent Martigny souligne que "les dynamiques seraient différentes" par rapport à 2017: "la polarisation se portait alors sur Marine Le Pen contre laquelle il fallait faire barrage. Elle pourrait aujourd'hui se focaliser sur le président sortant qui suscite des +affects négatifs+ très forts".

"Juste dire +no pasaran+ ne marchera pas cette fois", concède un conseiller de la majorité. En indiquant qu'Emmanuel Macron avait conseillé à ses ministres d'attaquer Marine le Pen "sur son programme plutôt que seulement sur les valeurs".

le Jeudi 7 Avril 2022 à 23:59 | Lu 370 fois