Lourde astreinte pour le Pays après une expropriation à Punaauia


Tahiti, le 15 décembre 2022 – Le juge de l'expropriation a condamné, le 25 octobre dernier, le Pays à exécuter un jugement de 2019 par lequel il avait été condamné à rétrocéder une terre de 20 375 m2 à Punaauia à un exproprié. Il a également fixé une astreinte de 500 000 Fcfp par jour et a ordonné l'exécution provisoire. Si le Pays a fait appel de la décision, l'avocate de l'exproprié a annoncé mercredi qu'elle allait de nouveau saisir le juge de l'expropriation pour demander la liquidation de l'astreinte, soit vingt millions de Fcfp.
 
Par un jugement rendu le 25 octobre dernier, le juge de l'expropriation a ordonné à la Polynésie d'exécuter un jugement du 30 avril 2019 qui l'avait condamnée à rétrocéder une terre de 20 375m2 située à Punaauia. Cette parcelle avait été expropriée en 1979 à un justiciable dont les descendants souhaitent désormais la racheter. Le juge a assorti cette condamnation d'une astreinte quotidienne de 500 000 Fcfp et de l'exécution provisoire. Si le Pays a fait appel, il n'a cependant pas demandé la mainlevée de cette mesure d'exécution provisoire.
 
Dans ce dossier particulièrement technique sur le plan juridique, c'est donc en 1979 que le Pays avait exproprié la parcelle de terre dans un “but d'utilité publique”. Le terrain n'ayant pas été exploité durant les cinq ans après cette expropriation, l'exproprié avait, tel que le prévoit le code de l'expropriation, demandé la rétrocession de la parcelle. Saisi en 2014, le juge de l'expropriation avait acté le principe de la rétrocession en demandant aux deux parties de s'entendre sur le prix. Ces dernières n'ayant pas réussi à s'entendre, le juge de l'expropriation avait de nouveau été saisi et avait fixé le montant de la terre à cent millions de Fcfp dans une décision rendue en avril 2019.
 
Liquidation de l'astreinte
 
Le Pays ne voulant toujours pas rétrocéder la terre, l'exproprié a de nouveau saisi le magistrat qui a donc ordonné la rétrocession de la parcelle sous astreinte de 500 000 Fcfp avec exécution provisoire le 25 octobre dernier. Si le Pays estimait que l'exproprié avait saisi le juge hors délai, ce dernier n'a pas suivi le même raisonnement.
 
Contactée mardi, l'avocate de l'exproprié, Me Marie Eftimie, indique qu'elle va demander la liquidation de l'astreinte quotidienne de 500 000 Fcfp : “Le jugement demande au Pays de signer l'acte qui est prêt chez le notaire depuis le 21 avril 2021 et le Pays ne le fait toujours pas. Je vais donc saisir le juge de l'expropriation pour lui demander de liquider l'astreinte provisoire car aujourd'hui, on en est à une somme supérieure à vingt millions de Fcfp. Je vais aussi demander au juge de l'expropriation, s'il le veut bien, de fixer cette astreinte à deux millions de Fcfp par jour de retard.”
 
“Situation illégale”
 
Interrogée sur les potentielles raisons qui pourraient justifier le refus du Pays d'exécuter la décision du juge de l'expropriation depuis plus de trois ans, Me Marie Eftimie explique que c'est à lui de “s'expliquer” : “Nous sommes dans une situation illégale qu'il lui appartient de justifier. Ce n'est pas la première fois qu'il ne suit pas les décisions de justice ou se permet d'être contre un état de droit. Les raisons peuvent être occultes, sournoises et dérangeantes. C'est donc à lui d'en parler et s'il n'en parle pas, je me doute des raisons pour lesquelles il ne le fait pas. Mais le Pays doit être contraint de respecter l'état de droit dans lequel nous sommes tous.”
 
Alors que le Pays a fait appel de la décision du 25 octobre sans toutefois demander la mainlevée de l'exécution provisoire, le juge de l'expropriation pourrait donc le condamner à payer les vingt millions de l'astreinte qui court depuis le début du mois de novembre.
 

Rédigé par Garance Colbert le Jeudi 15 Décembre 2022 à 16:23 | Lu 4810 fois