Lopmi: ultime vote au Sénat pour une large hausse des moyens pour la sécurité


Emmanuel DUNAND / AFP
Paris, France | AFP | mercredi 13/12/2022 - Le Parlement doit adopter définitivement mercredi une forte hausse des crédits du ministère de l'Intérieur, une victoire pour Gérald Darmanin, en période de majorité relative, mais aussi un révélateur des positions irréconciliables avec une partie de la gauche.

Le Sénat doit valider dans l'après-midi l'accord trouvé avec l'Assemblée nationale, ce qui vaudra approbation par le Parlement de cette Loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur (Lopmi).

Le ministre vante déjà une loi "historique", qui vient abonder de 15 milliards d'euros sur cinq ans les crédits alloués à son ministère, dont plus de la moitié pour la modernisation des services et la transformation numérique.

Quelque 8.500 postes de policiers et gendarmes doivent être créés. Alors que la France s'apprête à accueillir deux grands événements sportifs - Coupe du monde de rugby et Jeux olympiques -, 11 nouvelles unités de forces mobiles "spécialisées dans l'intervention rapide" doivent être déployées. Et, pour assurer la sécurité dans les zones rurales, 200 brigades de gendarmerie seront créées. 

Difficile pour le Sénat, à majorité à droite, de refuser pareil investissement. C’est d’ailleurs la chambre haute qui avait inauguré l’examen du texte en première lecture en octobre, et l’avait très largement adopté (307 voix pour, 27 contre), avec même le concours des socialistes.

Au Palais Bourbon, le gouvernement avait un temps caressé l’espoir d’emporter l’adhésion des députés PS, mais ceux-ci ont choisi de s’abstenir. En lecture définitive la semaine dernière, 365 députés se sont prononcés pour le texte - majorité, droite et extrême droite - et 102 contre - écologistes, communistes et insoumis.

Les députés LR ont voté pour une loi "insuffisante mais nécessaire", quand les RN ont insisté sur le fait que sans réforme de la justice, ses intentions resteraient lettre morte.

Visions antagonistes

Un parcours législatif sans accroc mais pas sans opposition. Dans des séances parfois tendues à l’Assemblée, les insoumis, écologistes et communistes ont ferraillé contre le ministre, faisant s’entrechoquer leurs visions du maintien de l’ordre.

"Je vous propose un accord: vous dites autant que vous voulez qu’on est anti-police mais en échange vous retirez le LBD (lanceur de balles de défense), la pratique de nasse, les gaz lacrymogènes à fond les ballons", a lancé la députée LFI de l’Isère Elisa Martin.

"Je vous propose un accord: je reste votre bouc émissaire mais vous mettez enfin des caméras de vidéosurveillance pour protéger votre population dans votre ville", Grenoble, a rétorqué Gérald Darmanin.

Les débats ont aussi été largement rythmés par un mano a mano entre le ministre issu de LR, et celui qui aurait sans doute occupé le siège en cas de victoire mélenchoniste à la présidentielle, le LFI Ugo Bernalicis. 

L'Insoumis a accusé M. Darmanin de vouloir des policiers "Terminator et Robocop", au lieu d'une "police de proximité nécessaire". Son contradicteur lui rappelant à l'envi la défaite de Jean-Luc Mélenchon: "Anti-sécuritaire, vous perdez votre sang-froid. Vous êtes mauvais joueur". 

Le projet de loi durcit également la répression des outrages sexistes et sexuels, prévoit des mesures contre la cybercriminalité et la possibilité de déposer certaines plaintes en visioconférence.

- Retraites et PJ dans le débat -
Il élargit sensiblement le périmètre des amendes forfaitaires délictuelles infligées par un agent en dehors d'un procès, notamment aux délits de blocage de la circulation ou d'intrusion dans les établissements scolaires. 

La gauche y voit une possibilité de répression de mouvements sociaux, un point controversé à quelques semaines d’une mobilisation qu’elle souhaite massive contre la réforme des retraites.

Autre serpent de mer lors des séances, la future et très décriée réforme de la police judiciaire, qui se fera par voie réglementaire et non législative: elle n'est mentionnée que dans une longue feuille de route annexée au projet gouvernemental, mais a suscité nombre d'amendements.

Il s'agit de placer tous les services de police d'un département sous l'autorité d'un seul directeur départemental de la police nationale, dépendant du préfet. La commission mixte réunissant députés et sénateurs s'est accordée sur des garde-fous. "Ca n'a aucune valeur normative" et "vous en ferez ce que vous voulez", a tancé le socialiste Roger Vicot.

M. Darmanin aura de nouveau rendez-vous devant le Parlement début 2023 pour son projet de loi sur l'immigration, nettement plus sensible.  

Rédigé par RB le Mercredi 14 Décembre 2022 à 05:20 | Lu 209 fois