Dans le secteur de la manutention portuaire, désormais le temps de travail hebdomadaire pourra dépasser les 48 heures. Une dérogation annuelle sera à l'essai dès que la loi sera promulguée.
PAPEETE, le 1er mai 2016. Les élus de l'assemblée de Polynésie ont adopté, en fin de semaine dernière, une loi du Pays modifiant des dispositions du code du travail relatives à la durée du travail et au repos. Le temps de travail des cadres pourra être annualisé. Dans le secteur de la manutention portuaire, une dérogation permanente –à l'essai pendant un an- des dépassements d'horaires est acceptée.
C'est sans doute dans le secteur de l'acconage que cette nouvelle loi travail était attendue en Polynésie française. Aussi bien d'ailleurs par les patrons que les salariés. "Notre convention signée par le Pays via le port imposait jusqu'à présent, sur le port de Papeete, des horaires à 12 heures par jour maximum avec trois vacations obligatoires dans le cadre d'une obligation de service public et une durée hebdomadaire limitée à 48 heures. C'est un vieux système qui ne fonctionne plus avec les besoins réels de chargement et de déchargement, quand les bateaux sont présents physiquement sur le port. Il y a un an et demi, l'inspection du travail nous a signalé qu'il était impossible de dépasser les 60 heures par semaine. Mais, quand nous devons traiter deux bateaux par semaine c'est inconcevable de faire autrement" témoigne Enzo Silvestro, secrétaire général de l'Unimap (Union de la manutention portuaire) regroupant les professionnels du secteur.
Face à cette impossibilité de faire coïncider les allées et venues des navires de marchandise avec les textes du droit de travail local sur les horaires des personnels, les acconiers étaient prêts à passer par les tribunaux pour faire éclater au grand jour le grand écart permanent auquel ils étaient soumis. "Nous avons reçu plusieurs menaces de poursuites de la part de l'inspection du travail et on se disait même qu'il fallait peut-être en passer par là, pour enfin crever l'abcès". Finalement, en novembre dernier, le gouvernement rédige une loi du Pays pour modifier le code du travail dans ce secteur de l'acconage. "Finalement après de longs mois d'incertitude et de discussions avec les syndicats, on a trouvé un mode opératoire. Nous sommes peut-être enfin passés de l'enfer au purgatoire. Car, on ne peut pas dire non plus que ces nouvelles dispositions soient le paradis encore, même si cela va nous épargner une énorme paperasserie administrative et répétitive pour obtenir des dérogations exceptionnelles" souligne encore Enzo Silvestro.
Les nouveaux articles du code du travail permettent désormais aux acconiers de bénéficier désormais d'une dérogation permanente au repos dominical. Ce à quoi souscrivent même les syndicats des salariés du port. "Il fallait faire quelque chose, parce que quand nous avions effectué nos 48 heures hebdomadaires en semaine et qu'un navire arrivait pour décharger le dimanche, nous étions jusque-là dans l'illégalité" commente Mahinui Temarii, de la CSTP/FO.
Petit bémol néanmoins, cette dérogation n'est accordée pour l'instant que pour une période d'une année. La crainte d'une augmentation des accidents du travail est présente. Elle a été soulignée lors de la discussion à l'assemblée par la représentante UPLD, Eliane Tevahitua. "Autoriser le dépassement du plafond des 48 heures hebdomadaires, cela ne va-t-il pas augmenter les accidents et causer de nouveau mort d'hommes" interrogeait l'élue ? Aussi le groupe UPLD a voté contre. A la tribune du gouvernement, Tea Frogier la ministre du travail indiquait que cette dérogation était acceptée uniquement pour une année reconductible et prévenait : "il y a aura un contrôle de ces dispositions".
DES CADRES AU FORFAIT TEMPS ANNUALISE
Autre modification importante du code du travail adoptée par les élus territoriaux, en fin de semaine dernière, le recours à une convention annuelle forfaitaire pour ce qui concerne uniquement le temps de travail des cadres. Cette convention de forfait est un accord par lequel l’employeur et le salarié conviennent d’une rémunération forfaitaire incluant toutes les heures travaillées (heures supplémentaires comprises). En Polynésie française, cette pratique existait déjà dans un certain nombre d'entreprises mais n'avait pas de cadre légal. "Il est nécessaire de la réglementer a minima et de permettre ainsi le recours à ce type de convention en toute légalité" souligne le rapport remis aux élus territoriaux.
Mais, des interrogations demeurent : la conclusion d’une convention de forfait en heures sur l’année entre employeur et cadre n'exempt pourtant pas que "le salarié cadre reste assujetti aux règles limitant la durée du travail, quotidienne et hebdomadaire, aux repos journaliers, aux jours fériés et congés". Or, le rapport de la commission de la santé et du travail de l'assemblée polynésienne note : "en raison de l’autonomie de ce salarié dans l’organisation du temps de travail, l’employeur n’est pas soumis à l’obligation de contrôler la durée du travail".
Des incohérences et des contradictions qui n'ont pas échappé à la critique. Dans son avis, formulé en décembre 2015 sur ce texte, le CESC s'inquiétait des difficultés de la mise en œuvre de la loi du Pays. "Comment pourra-t-on vérifier que la durée du travail et le temps de repos sont respectés ? Comment pourra-ton qualifier les éventuels accidents du travail dont pourraient être victimes les cadres concernés ?" Dans les rangs de l'UPLD, Eliane Tevahitua revenait à la charge. "Si le patronat demande la convention forfaitaire, c'est car il est gagnant in fine. Il ne s'agit pas d'une démarche humaniste. Le directeur du travail précise que si le temps de travail est dépassé de façon continue, le salarié garde tous ses droits d'aller au tribunal du travail pour obtenir réparation. Mais quel salarié dans le contexte actuel prendrait le risque de faire un recours contre son employeur ? C'est aussi un moyen de ne pas rémunérer les heures supplémentaires et rendre les cadres taillables et corvéables à merci". La loi du Pays dans son ensemble a été adoptée par les 30 voix du groupe RMA. Le Tahoera'a s'est abstenu. L'UPLD a voté contre.
C'est sans doute dans le secteur de l'acconage que cette nouvelle loi travail était attendue en Polynésie française. Aussi bien d'ailleurs par les patrons que les salariés. "Notre convention signée par le Pays via le port imposait jusqu'à présent, sur le port de Papeete, des horaires à 12 heures par jour maximum avec trois vacations obligatoires dans le cadre d'une obligation de service public et une durée hebdomadaire limitée à 48 heures. C'est un vieux système qui ne fonctionne plus avec les besoins réels de chargement et de déchargement, quand les bateaux sont présents physiquement sur le port. Il y a un an et demi, l'inspection du travail nous a signalé qu'il était impossible de dépasser les 60 heures par semaine. Mais, quand nous devons traiter deux bateaux par semaine c'est inconcevable de faire autrement" témoigne Enzo Silvestro, secrétaire général de l'Unimap (Union de la manutention portuaire) regroupant les professionnels du secteur.
Face à cette impossibilité de faire coïncider les allées et venues des navires de marchandise avec les textes du droit de travail local sur les horaires des personnels, les acconiers étaient prêts à passer par les tribunaux pour faire éclater au grand jour le grand écart permanent auquel ils étaient soumis. "Nous avons reçu plusieurs menaces de poursuites de la part de l'inspection du travail et on se disait même qu'il fallait peut-être en passer par là, pour enfin crever l'abcès". Finalement, en novembre dernier, le gouvernement rédige une loi du Pays pour modifier le code du travail dans ce secteur de l'acconage. "Finalement après de longs mois d'incertitude et de discussions avec les syndicats, on a trouvé un mode opératoire. Nous sommes peut-être enfin passés de l'enfer au purgatoire. Car, on ne peut pas dire non plus que ces nouvelles dispositions soient le paradis encore, même si cela va nous épargner une énorme paperasserie administrative et répétitive pour obtenir des dérogations exceptionnelles" souligne encore Enzo Silvestro.
Les nouveaux articles du code du travail permettent désormais aux acconiers de bénéficier désormais d'une dérogation permanente au repos dominical. Ce à quoi souscrivent même les syndicats des salariés du port. "Il fallait faire quelque chose, parce que quand nous avions effectué nos 48 heures hebdomadaires en semaine et qu'un navire arrivait pour décharger le dimanche, nous étions jusque-là dans l'illégalité" commente Mahinui Temarii, de la CSTP/FO.
Petit bémol néanmoins, cette dérogation n'est accordée pour l'instant que pour une période d'une année. La crainte d'une augmentation des accidents du travail est présente. Elle a été soulignée lors de la discussion à l'assemblée par la représentante UPLD, Eliane Tevahitua. "Autoriser le dépassement du plafond des 48 heures hebdomadaires, cela ne va-t-il pas augmenter les accidents et causer de nouveau mort d'hommes" interrogeait l'élue ? Aussi le groupe UPLD a voté contre. A la tribune du gouvernement, Tea Frogier la ministre du travail indiquait que cette dérogation était acceptée uniquement pour une année reconductible et prévenait : "il y a aura un contrôle de ces dispositions".
DES CADRES AU FORFAIT TEMPS ANNUALISE
Autre modification importante du code du travail adoptée par les élus territoriaux, en fin de semaine dernière, le recours à une convention annuelle forfaitaire pour ce qui concerne uniquement le temps de travail des cadres. Cette convention de forfait est un accord par lequel l’employeur et le salarié conviennent d’une rémunération forfaitaire incluant toutes les heures travaillées (heures supplémentaires comprises). En Polynésie française, cette pratique existait déjà dans un certain nombre d'entreprises mais n'avait pas de cadre légal. "Il est nécessaire de la réglementer a minima et de permettre ainsi le recours à ce type de convention en toute légalité" souligne le rapport remis aux élus territoriaux.
Mais, des interrogations demeurent : la conclusion d’une convention de forfait en heures sur l’année entre employeur et cadre n'exempt pourtant pas que "le salarié cadre reste assujetti aux règles limitant la durée du travail, quotidienne et hebdomadaire, aux repos journaliers, aux jours fériés et congés". Or, le rapport de la commission de la santé et du travail de l'assemblée polynésienne note : "en raison de l’autonomie de ce salarié dans l’organisation du temps de travail, l’employeur n’est pas soumis à l’obligation de contrôler la durée du travail".
Des incohérences et des contradictions qui n'ont pas échappé à la critique. Dans son avis, formulé en décembre 2015 sur ce texte, le CESC s'inquiétait des difficultés de la mise en œuvre de la loi du Pays. "Comment pourra-t-on vérifier que la durée du travail et le temps de repos sont respectés ? Comment pourra-ton qualifier les éventuels accidents du travail dont pourraient être victimes les cadres concernés ?" Dans les rangs de l'UPLD, Eliane Tevahitua revenait à la charge. "Si le patronat demande la convention forfaitaire, c'est car il est gagnant in fine. Il ne s'agit pas d'une démarche humaniste. Le directeur du travail précise que si le temps de travail est dépassé de façon continue, le salarié garde tous ses droits d'aller au tribunal du travail pour obtenir réparation. Mais quel salarié dans le contexte actuel prendrait le risque de faire un recours contre son employeur ? C'est aussi un moyen de ne pas rémunérer les heures supplémentaires et rendre les cadres taillables et corvéables à merci". La loi du Pays dans son ensemble a été adoptée par les 30 voix du groupe RMA. Le Tahoera'a s'est abstenu. L'UPLD a voté contre.
Nouvelles dérogations au repos dominical
Jusqu'à présent le code du travail polynésien avait fixé 30 secteurs d'activité pour lesquels des dérogations étaient accordées concernant le repos dominical. Cinq nouveaux secteurs sont ajoutés. Il s'agit des centres d’appels et de télétraitement ; des entreprises de nettoyage qui interviennent dans les établissements ouverts au public le dimanche ; des entreprises de services à la personne dont les activités nécessitent d’assurer une continuité de services ; des entreprises assurant l'accueil et le départ des navires de croisière, les entreprises en charge du lamanage, celles en charge du chargement et du déchargement des marchandises et de leur transport ou encore celles qui assurent des prestations à quai et à bord des navires et enfin les entreprises et prestataires de services associés aux activités touristiques ou de manifestations sportives ou culturelles.
Jusqu'à présent le code du travail polynésien avait fixé 30 secteurs d'activité pour lesquels des dérogations étaient accordées concernant le repos dominical. Cinq nouveaux secteurs sont ajoutés. Il s'agit des centres d’appels et de télétraitement ; des entreprises de nettoyage qui interviennent dans les établissements ouverts au public le dimanche ; des entreprises de services à la personne dont les activités nécessitent d’assurer une continuité de services ; des entreprises assurant l'accueil et le départ des navires de croisière, les entreprises en charge du lamanage, celles en charge du chargement et du déchargement des marchandises et de leur transport ou encore celles qui assurent des prestations à quai et à bord des navires et enfin les entreprises et prestataires de services associés aux activités touristiques ou de manifestations sportives ou culturelles.