Loi fiscale : le Pays passe à la caisse


Tahiti, le 30 juillet 2024 – Le Pays est en train de rembourser les près de 155 millions de francs qu'il doit aux différents acteurs économiques après l'annulation de sa loi fiscale par le Conseil d'État. 106 millions vont aller ainsi directement dans la poche des buralistes et 24 millions seront reversés aux concessionnaires automobiles au titre de la taxe de mise en circulation (TMC). Charge à eux ensuite de rétrocéder cette TMC aux 170 particuliers qui ont immatriculé leur véhicule entre le 1er janvier et le 11 avril dernier.
 

C'est l'heure de passer à la caisse pour le Pays. Suite à l'annulation de la rétroactivité des dispositions de la loi fiscale de Tevaiti Pomare, le gouvernement a dû corriger sa copie au travers d'un collectif budgétaire qui remet les comptes à l'équilibre et qui doit être voté ce mercredi en séance plénière de l'assemblée. Comme Tahiti Infos s'en est déjà largement fait l'écho, l'incidence financière de cette annulation est double puisque le Pays doit réclamer de l'argent d'un côté, et en rembourser de l'autre.
 
Pour ce qui concerne les 343,7 millions de francs à redresser, le casse-tête continue pour l'administration fiscale. D'autant que le Pays cherche toujours un moyen légal de ne pas avoir à réclamer cet argent afin de ne pas se mettre à dos les personnes concernées, au premier rang desquelles les concessionnaires automobiles. Ce sont eux qui ont en effet la facture la plus salée puisque le régime d'exonération dont bénéficiaient les véhicules hybrides et électriques a été supprimé par l'annulation de la loi fiscale, et la tentative du gouvernement de faire marche arrière a échoué. Résultat des courses, les droits et taxes à l'importation de ces véhicules verts sont bel et bien dus par les concessionnaires qui doivent donc la modique somme de 267 millions de francs au Pays.
 
En attente de l'avis du tribunal administratif
 
Ça fait mal. Idem du côté des entreprises important certains matériaux de construction qui doivent 37 millions de francs, ou encore les primo-acquérants d'immeubles bâtis ou de terrains à bâtir qui doivent être redressés à hauteur d'une trentaine de millions. On comprend mieux pourquoi Tevaiti Pomare essaie de trouver des solutions pour que le gouvernement puisse s'affranchir de son obligation à réclamer ces sommes. Avant de proposer un amendement en ce sens, et pour s'éviter une éventuelle nouvelle sanction par le Conseil d'État, le ministère des Finances a donc pris les devants cette fois en sollicitant l'avis du tribunal administratif. Il attend toujours son retour.
 
Sur le volet “remboursement” en revanche, c'est plus simple et le Pays a commencé à régulariser sa situation. Rappelons en effet que le logiciel de dédouanement “Fénix” permet au débiteur – le Pays en l'occurrence –, de connaître le nom de son créancier ainsi que la nature et le montant de la taxe qu'il doit lui rembourser. C'est ainsi que depuis le 12 juillet dernier, la Direction des impôts et des contributions publiques (DICP) a procédé aux “états liquidatifs” pour ordonner à la Direction du budget et des finances (DBF) le remboursement des sommes indûment perçues par le Pays : 154,4 millions de francs au total. Depuis la semaine dernière, le dossier est entre les mains du Trésor public qui doit maintenant verser cet argent aux différents acteurs concernés.
 
170 particuliers concernés par le remboursement de la TMC
 
C'est notamment le cas pour les huit concessionnaires automobiles de la place qui vont être remboursés à hauteur de 24 millions de francs au titre de la taxe de mise en circulation (TMC) pour les 170 véhicules immatriculés entre le 1er janvier et le 11 avril dernier. Il faut savoir que le paiement de la TMC et de la taxe d'environnement pour le recyclage des véhicules (TERV) est un préalable nécessaire à l'immatriculation d'un véhicule et que ces taux d'imposition varient selon les caractéristiques techniques du véhicule en question.
 
Par exemple, pour un véhicule essence de 9 CV dont la valeur CAF majorée de l'ensemble des droits à l'importation est de trois millions de francs, le montant de la TMC s'élève à 240 000 francs. Mais si on fait une moyenne ici, cela représenterait 141 000 francs par particulier. Ce n'est pas rien. Charge maintenant aux différents concessionnaires de se rapprocher des 170 clients concernés et inversement. Ce qui ne va pas se faire du jour au lendemain.
 
Les buralistes les mieux lotis
 
Pas de souci en revanche pour les buralistes qui sont peut-être les seuls à se réjouir de cet imbroglio juridique lié à l'annulation de la loi fiscale qui tourne clairement à leur avantage. Comme Tahiti Infos l'avait déjà relaté, ils se taillent la plus grosse part du gâteau de ce volet “remboursement”. Avec l'augmentation du prix du tabac due à une taxation plus importante prévue par le texte annulé, le Pays va leur rendre 106 millions de francs. Tout bénef pour eux puisqu'il est tout simplement impossible de contacter les personnes qui ont acheté plus cher leurs cigarettes pendant cette période.
 
Le Pays a donc fait sa part du job sur les 154,4 millions qu'il a à rembourser. Lui reste maintenant le plus difficile à régler : réclamer les 343,7 millions de francs.

Rédigé par Stéphanie Delorme le Mardi 30 Juillet 2024 à 18:58 | Lu 8414 fois