Loi Morin, accord de Papeete, Pays associé : Lionel Beffre précise la position de l'Etat


Le haut-commissaire Lionel Beffre, dimanche soir sur le plateau du journal télévisé de Première.
PAPEETE, 21 mars 2016 - Invité du journal télévisé de Polynésie 1ere, dimanche soir, le haut-commissaire Lionel Beffre s’est exprimé sur diverses questions d’actualité, un mois après la visite officielle de François Hollande en Polynésie française.

Loi Morin. Le 20 février dernier, François Hollande a annoncé la modification du décret d’application de la loi Morin "pour préciser la notion de risque négligeable pour certaines catégories de victimes lorsqu’il est démontré que les mesures de surveillance indispensables n’avaient pas été mises en place". Lionel Beffre a confirmé dimanche, sur Première la tenue de "réunions interministérielles" pour aboutir à cette modification.
Depuis 2010, seuls 19 demandes d’indemnisation sur plus de 1000 présentées ont obtenu gain de cause dans le cadre de la loi Morin. "La notion de risque négligeable fait que (…) nous aboutissons à très peu d’indemnisés", reconnait le haut-commissaire. "Il est question de modifier cette notion (…) pour que demain on ouvre le champ pour tenir compte à la fois de population qui ont été plus exposées que d’autres, et aussi pour tenir compte de la jurisprudence du Conseil d’Etat (…) qui récemment a rendu des décisions bien plus favorables aux victimes".

Dette nucléaire. Lionel Beffre conteste la pertinence des "54 milliards Fcfp" régulièrement évoqués comme le montant des dépenses engagées par la Caisse de prévoyance sociale (CPS) depuis 1992, dans le cadre de la prise en charge de victimes de maladies reconnues comme potentiellement radio-induites : "Ce chiffre (…) fait plus figure de slogan que de réalité", a-t-il déclaré dimanche, en précisant : "On a mis dans ces 54 milliards tous les cancers qui figurent sur la liste des maladies potentiellement radio-induites". Pour le haut-commissaire cette estimation ne devrait comptabiliser que "les maladies réellement radio-induites. Et là (…) on est sur un chiffre nettement inférieur" mais qui ne sera connu qu'a posteriori.

L’accord de Papeete. Le principe d’un accord de Papeete "pour le développement de la Polynésie française dans la République" avait été annoncé par François Hollande lors de son discours devant les élus polynésiens, le 20 février dernier à la Présidence de Papeete. Lionel Beffre a évoqué dimanche la possible signature d’une convention entre l’Etat et le Pays "d’ici la fin de l’année".
Le haut-commissaire a rappelé que cet accord s’entend avec "l’idée qu’il faut aller vers une égalité réelle" entre les territoires français ultramarins. Il rappelle l’existence du rapport Lurel, remis à la ministre des Outre-mer le 15 mars dernier. "L’égalité réelle suppose, au moins en Polynésie, qu’il y ait des actes concrets dans trois domaines : l’éducation, la santé et les transports", a-t-il souligné. Un travail est annoncé avec le gouvernement Fritch "pour identifier dans chacun de ces domaines quels sont les moyens d’aboutir dans quelques années – le rapport Lurel parle de 10 ou 15 ans – à l’égalité réelle". François Hollande a annoncé l'adoption par le parlement français d'une loi pour fixer les principes de cette "égalité réelle". Elle fera ensuite l’objet de conventions, territoire par territoire.

Plainte pour crime contre l’humanité. Pour Lionel Beffre, dans le dossier du nucléaire une procédure contre la France pour crime contre l’humanité n’aurait pas de fondement et serait le "signe d’une mauvaise foi". Le Tavini Huiraatira a pourtant déclaré à Tahiti Infos, fin février, sa volonté d’être associé, d’ici octobre prochain, au dépôt par un des Etats insulaires du Pacifique, d’une plainte devant la cour de justice internationale visant la France pour crime contre l’humanité, au regard des conséquences sanitaires des essais nucléaires français à Moruroa et Fangataufa. Le haut-commissaire rappelle que cette notion de crime contre l’humanité a été créée en 1945 pour qualifier "les crimes odieux commis durant la seconde guerre mondiale" et depuis "utilisée pour la Shoah" et pour "les crimes commis en Yougoslavie : vous voyez que l’on est (…) à des années lumières de la réalité de ce que furent les essais nucléaires", a-t-il comparé dimanche.

Statut de Pays associé. Gaston Flosse, président du Tahoera'a Huiraatira, a exposé début mars son projet d'évolution du statut d’autonomie de la Polynésie française vers celui de Pays associé à la France. Lionel Beffre critique le réalisme de cette ambition, compte tenu du prérequis qu’une telle évolution statutaire exigerait en matière de modification constitutionnelle : "nous en sommes très loin", a-t-il constaté. "D’autant – et c’est là que j’ai un problème de compréhension – que ce projet est à des années lumières, là encore, des préoccupations des gens. Les gens que je rencontre tous les jours, leur préoccupation c’est le logement, ce sont les questions sociales : l’emploi, les études de leurs enfants… En quoi un statut de Pays associé modifiera cela ? A mon avis en rien".

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Lundi 21 Mars 2016 à 10:39 | Lu 1606 fois