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Loi Morin : Moruroa e tatou milite pour une "présomption stricte"


PAPEETE, jeudi 9 janvier 2014 – Le débat sur l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français à la demande de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois, mardi 7 janvier à Paris, a donné lieu au constat que la loi Morin du 5 janvier 2010 n'est pas sujette à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français.

Quatre ans presque jour pour jour après l'entrée en vigueur de la loi Morin, au 31 décembre 2013, 880 dossiers ont été déposés, 500 jugés recevables et 13 indemnisations accordées.

L'article 53 de la loi de programmation militaire a transformé récemment le Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen) en autorité administrative indépendante placée sous l'autorité du Premier ministre, bien que l'indemnisation demeure soumise à l'existence d'un lien de causalité que l'administration a la charge de réfuter.

Mais pour de nombreux dossiers de demande d’indemnisation la présomption de causalité peut être renversée par l'État s'il apparaît que le "risque est négligeable" au regard de données statistiques obtenues du logiciel NIOSH-IREP. Et cette analyse statistique est à l'origine du rejet de la plupart des dossiers.

L’association Moruroa e tatou milite pour une modification de la loi et s’indigne, dans un communiqué adressé ce jeudi aux rédactions, que le principe de "risque négligeable" et suggère de s’inspirer "de la pratique de la législation américaine qui prévoit l’application de la présomption stricte et l’indemnisation pour tous les demandeurs qui remplissent les conditions de lieux, de dates et de maladies prévues par la loi".

"Moruroa e tatou constate que les représentants de tous les partis reconnaissent à l’évidence que la loi Morin fonctionne mal avec ses 12 ou 13 indemnisations accordées sur 890 dossiers déposés", constate le communiqué adressé jeudi par l'association des travailleurs et des victimes de Moruroa et Fangataufa. "Tous approuvent le bien fondé des réformes adoptées en décembre 2013 : élargissement de la zone géographique à toute la Polynésie, transfert de la tutelle du processus de suivi des conséquences des essais sous l’autorité du Premier ministre, transformation du comité d’indemnisation en autorité indépendante. Tous reconnaissent que la loi d’indemnisation française est le résultat de l’action pionnière et persévérante des associations Moruroa e tatou et Aven.
Moruroa e tatou constate que les sénateurs admettent qu’ils ont dû se rendre à l’évidence, après la levée du secret défense sur des documents de la période du CEP et présentés en juillet 2013 par Moruroa e tatou et l’Aven, que tous les archipels polynésiens avaient été touchés par les retombées radioactives des essais aériens. Un sénateur UMP a même recommandé au ministre d’utiliser, pour la suite, la méthode de concertation avec les associations qui aurait bien fonctionné, selon lui, lors de la préparation de la loi Morin, omettant de dire que le ministre Morin n’avait pas tenu compte des avis des associations !
Moruroa e tatou regrette, comme l’ont déclaré les deux sénatrices écologistes Corinne Bouchoux et Aline Archimbeau, que la réforme n’ait pas été plus loin en supprimant l’exception dite du « risque négligeable » qui a servi de prétexte au Comité d’indemnisation pour rejeter la plupart des demandes d’indemnisation. Moruroa e tatou reste sceptique sur d’éventuels résultats positifs de la réforme, d’autant que les autres sénateurs et le ministre des anciens combattants qui sont intervenus au Sénat ne semblent pas remettre en cause la méthode statistique utilisée par le Comité d’indemnisation pour examiner les demandes. Le Comité d’indemnisation devrait plutôt s’inspirer de la pratique de la législation américaine qui prévoit l’application de la présomption stricte et l’indemnisation pour tous les demandeurs qui remplissent les conditions de lieux, de dates et de maladies prévues par la loi et l’examen au cas par cas seulement, pour tous les demandeurs qui sont atteints de maladies non précisées dans la loi.
Moruroa e tatou et les associations de défense des victimes des essais nucléaires de France et d’Algérie sont en attente d’un interlocuteur nommé par le Premier ministre pour qu’une véritable concertation en vue de l’application de la réforme se mette en place dans les meilleurs délais
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Rédigé par . le Jeudi 9 Janvier 2014 à 10:30 | Lu 1043 fois