Logement social : Les multiples objectifs de Jean-Christophe Bouissou


PAPEETE, 27 février 2017 - Le logement social est un domaine qui est familier à Jean-Christophe Bouissou qui a déjà occupé cette charge dans le gouvernement de Gaston Flosse, en 1998. Malgré les nombreuses intempéries qui ont touché le pays ces derniers temps, le ministre du Logement, de l’Aménagement et de l’Urbanisme ne désespère pas et tire un bilan plutôt positif des actions menées par son prédécesseur, Tearii Alpha. Cependant, il veut aller plus loin et augmenter les missions dans le secteur des logements groupés, en particulier. Interview.

Quelles sont vos priorités cette année ?

Jean-Christophe Bouissou : Il faut reconnaitre que Tearii Alpha a apporté une contribution importante sur l'harmonisation des programmes de logement parce qu'on est passé de pratiquement rien, à une production aujourd'hui qui représente en habitats dispersés 400 logements en 2016, et on espère en réaliser 500 en 2017. En habitat groupé, c'est-à-dire les lotissements, on va livrer cette année plus de 130 logements avec des programmes courts, notamment le domaine Labbé que tout le monde attend avec impatience. On est passé de pratiquement aucun logement en 2012-2013, à aujourd'hui 350 unités livrées. Donc, si on regarde sur le plan de financement, c'est un triplement d'engagements financiers entre 2013 et 2016. On est passé de 3 milliards de francs à près de 13 milliards sur ces trois à quatre ans. Je n'ai pas évoqué la situation des familles qui souhaitent aussi être soutenues en termes de réfection des logements. L'année dernière, nous avons aidé plus de 900 familles en termes d'aides en matériaux. Et nous avons prévu pour 2017 d'atteindre entre 1 000 et 1 500 familles. On est vraiment sur une pente ascendante. Donc pour répondre à votre question de savoir quels sont mes objectifs. C'est d'aller plus loin et d'augmenter substantiellement les missions et particulièrement, dans le domaine du logement groupé, ceux qui concernent plutôt les familles qui ne disposent pas d'un terrain. Donc, pour se faire, il y a un gros travail de détermination des terres qui peuvent rentrer à l'intérieur du cadre de nos programmations de logements.

Des logements groupés qui seront construits sur les terrains appartenant au Pays ?

C'est cela. J'ai demandé à mes services et en l'occurrence à mes conseillers techniques de regarder de près avec la Direction des affaires foncières ce que l'on appelle le sommier des biens, c'est-à-dire le recensement des terres qui sont de la propriété du Pays, et qui pourraient rentrer en ligne de compte dans le programme de construction de logements sociaux, quelles que soient les communes, mais aussi dans les îles. Je crois me souvenir qu'on atteint quand même 2 600 à 2 700 dossiers à constituer de la part des familles polynésiennes qui n'ont pas, aujourd'hui, d'autre alternative que de solliciter le soutien et la solidarité du Pays, au travers des constructions de lotissements sociaux. Donc, je lance un appel aux privés qui souhaiteraient se séparer de leurs terres pour contribuer, par cela, à nous aider à augmenter la production de logements sociaux, tout en gardant un équilibre dans les communes. Notre souhait aujourd'hui est de répartir ces contrats sur des communes un tout petit peu éloignées de Papeete, c'est le cas de Paea et de Papara, où il y a des disponibilités foncières. De même que Papenoo, où on est à 14-15 km de Papeete, ce qui situe Papenoo à la même situation que la Punaruu. Tout cela permettra de contribuer à augmenter la production.

Avez-vous déjà lancé des chantiers ?

Nous avons des chantiers qui vont se terminer. Je disais pour 2017, nous avons le domaine Labbé, nous avons également d'autres projets qui vont démarrer. Sur Moorea, nous avons un lotissement Apahani, à Afareaitu. C'est donc un démarrage qui est prévu vers le mois de mars, en fonction de l'avancée des études. C'est pareil sur Mahina, nous avons un projet qui est d'ores-et-déjà déterminé sur Atima, c'est un projet qui intéresse la commune et les habitants parce qu'on voit aujourd'hui, les gens qui ont été sinistrés veulent continuer à habiter dans leur commune. Nous avons toute une succession de projets qui nous amène à augmenter la cadence de réalisation des logements sociaux. Et on prévoit notamment en 2018-2019 de pouvoir livrer pratiquement 350 logements en habitat groupé, alors que nous étions jusqu'à présent, à environ une centaine voire 150. Donc, c'est le doublement de la production en matière de logement groupé. S'agissant de l'habitat dispersé, notre objectif est de dépasser, cette année, le chiffre de 400, puis les années suivantes d'atteindre le chiffre de 500 voire même de 600, en fonction, bien évidemment, des moyens financiers qui sont mis à notre disposition.

Concernant cette fois-ci les demandes d'aides en logement dispersé, combien en recensez-vous ?

Nous sommes à 2 300-2 400 familles qui sollicitent une aide au logement par la construction de fare OPH. Il y a eu une belle évolution quand même sur la règlementation dans ce domaine-là, puisque nous avons fortement baissé le montant d'acquisition de ces fare. A minima, je crois savoir que pour les familles qui n'ont vraiment pas de ressources, le seuil doit se situer à 100 000 voire un petit peu plus de 100 000 francs. Ce qui veut donc dire que c'est très accessible, les gens peuvent mettre un peu d'argent de côté et régler ce type de participation. Nous avons aussi des moyens financiers importants qui nous permettent de pouvoir réaliser, à l'avenir 350-400-500 fare. Il fut une époque, dans les années 1999-2000-2001, on réalisait 600 à 700 fare MTR par an, et je me rappelle aussi qu’en 1998, lorsqu'il y a eu les cyclones Osea et Martin, avec le Fonds d’entraide aux îles (FEI) lorsqu’Edouard Fritch était le ministre du développement des archipels, on avait construit 2 500 fare pour répondre aux besoins de la population qui avait été durement touchée par ces deux cyclones. Donc, sur le plan de la production, tout est une question de financement derrière et de méthode de production. Il ne faut pas hésiter à recruter un maximum d'entreprises, que ce soit sur Tahiti ou dans les îles, à répartir les lots pour les constructions, et à donner aussi des objectifs de construction. Un fare MTR, c'est de 3 semaines à 1 mois de construction, en plus ce serait un peu prohibitif par rapport à nos objectifs.

Au sujet des familles qui ne paient pas leur loyer, malgré l'aide familiale au logement. Que risquent-elles ?

Ca n'est pas l'expulsion qui est la première approche. C'est d'abord des cessions d'explication, des rencontres, des discussions avec, à la fois, le service des affaires sociales mais aussi des agents de l'OPH qui connaissent bien les questions de psychologies humaines. Si on s'efforce aujourd'hui à construire des logements, c'est justement pour permettre aux familles en difficulté de pouvoir se reconstruire. Mais en même temps, nous sommes aussi dans une société où chacun doit apporter sa contribution, c'est-à-dire que pour être aidé, il faut aussi montrer qu'on a cette prise de conscience et que nous avons une part aussi à apporter, même si elle est modeste. Ce qui est toujours difficile, c'est de voir des gens qui mettent toutes autres formes de dépenses comme étant beaucoup plus prioritaires que de payer son loyer. Il y a des gens qui n'ont jamais payé leur loyer depuis le premier jour, où ils ont mis le pied dans leur logement. La grande question qui se pose à nous aujourd'hui est : est-ce que c'est juste que nous ayons encore aujourd'hui 2 500 familles qui sont prêtes à faire l'effort de contribution, et puis voir à côté le contre-exemple, des gens qui se foutent de tout ? Moi, je vous le dit, je ne suis pas d'accord. Donc, notre souhait est d'amener les gens à prendre conscience et à contribuer sinon tout notre système s'effondre.

Quelle est la fourchette concernant justement les impayés qui sont enregistrés à l'OPH ?

Je suis heureux de constater qu'il y a une reprise de cette situation qui a été préoccupante, il y a quelques années. Et je crois qu’en termes d’impayés, chaque année nous avons un taux de recouvrement de l'ordre de 85 %. Ce qui veut donc dire qu’on a environ 15 % des gens qui ont des difficultés à payer leur loyer. On voit que cette proportion diminue petit à petit, mais c'est aussi parce qu'il y a une prise de conscience au niveau des gens. La situation qui s'améliore. Il ne faut pas relâcher, il faut continuer à sensibiliser les familles et à faire en sorte que nous ayons un système vertueux qui fonctionne, et ne pas oublier notamment, que les loyers qui sont versés nous aident à l'autofinancement des futurs programmes.

Concernant cette fois-ci les sinistrés du mois de janvier. Dernièrement vous aviez distribué 57 bons d'aide en matériaux. Aujourd'hui, combien sont encore dans l'attente ?

Nous avons validé 117 dossiers supplémentaires et 20 dernièrement, ce qui représente 137. Les bons sont en cours de constitution. Il y avait surtout un gros travail d'élaboration, les devis doivent être au plus juste. Il ne s'agit pas de faire les choses trop rapidement, et de s'apercevoir qu'on a oublié tel ou tel matériel de construction. A l'heure où on parle, en termes de bilan, nous sommes à plus de 200 bons d'aides en matériaux validées par la commission de secours pour une cinquantaine, je crois 54 fare OPH à reconstruire. Sur ce chiffre de 54, il y a des fare que l'on pourra réaliser sans trop de problèmes, il y en a peut-être d'autres qui vont souffrir de quelques retards dus à la situation des terrains.

Vous prévoyez notamment un collectif pour le mois de mars pour aider les sinistrés ?

C'est cela. Pour le moment, on n'a pas le montant exact qui sera présenté. Mais à la grande louche, je dirai qu'on va varier entre 650-700 millions de francs pour l'habitat quelle que soit la forme de l'aide. On aura pour les équipements publics, les routes, les ponts, le confortement des berges, facilement 1,6 à 1,7 milliard de francs. S'il faut rajouter aussi les équipements communaux, là je n'ai pas encore les chiffrages puisque cela relève des communes et du champ de compétence de l'Etat, mais c'est aussi plusieurs centaines de millions. Vous voyez tout de suite qu'on est entre 2,5 à 3 milliards de francs de notes à présenter. S'agissant simplement pour le Pays, on sera à près de 2 milliards à 2,5 milliards, à mon avis, que l'on présentera certainement au niveau du collectif budgétaire.

Rédigé par Corinne Tehetia le Lundi 27 Février 2017 à 05:00 | Lu 1222 fois