Les voitures électriques victimes de leur succès en Norvège


OSLO, 28 août 2014 (AFP) - La Norvège a beau être un des principaux producteurs de pétrole de la planète, les voitures électriques y prolifèrent au point qu'il est désormais question de supprimer les privilèges qui ont fait leur succès.

"C'est devenu un problème": chauffeur de bus dans la région d'Oslo, Erik Haugstad peste contre les nombreuses voitures électriques qui provoquent des bouchons dans les couloirs de transport collectif.

Car elles ont aussi le droit de les emprunter. Et celui de se garer gratuitement sur les parkings publics, de s'y recharger sans frais et de franchir les péages urbains à l'oeil. Surtout, ces voitures sont exemptées des taxes, extrêmement lourdes en Norvège, qui pèsent sur leurs "cousines" à carburants fossiles.

Visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre du trafic routier, qui représentent 10% de celles du pays, ces mesures très généreuses ont produit leur effet: 32.000 voitures électriques circulent aujourd'hui sur les routes norvégiennes, le chiffre le plus élevé dans le monde rapporté au nombre d'habitants.

"Je suis chauffeur de bus et je veux transporter mes passagers aussi vite que possible. Je souhaiterais donc que les voitures électriques sortent des couloirs de transport en commun où elles provoquent des encombrements", fait cependant valoir Erik Haugstad.

"Pour la société, ces retards ont un coût. Le temps perdu par des milliers de nos passagers bloqués dans la circulation est bien supérieur à celui gagné par quelques dizaines de conducteurs de voitures électriques", explique-t-il à l'AFP.

Le risque est d'entrer dans un cercle vicieux: excédés d'arriver en retard au travail, des usagers pourraient eux aussi être tentés de renoncer au bus pour un de ces véhicules, aggravant les bouchons.

- 13% des ventes -

Les voitures électriques représentent déjà jusqu'à 85% du trafic dans les couloirs de transport collectif aux heures de pointe, selon une étude réalisée par l'Administration des routes publiques sur un tronçon fréquenté des abords d'Oslo.

"C'est un thème dont on parle beaucoup à la pause déjeuner avec les collègues. Beaucoup d'entre eux sont beaucoup plus agressifs et mesurent moins leurs propos", précise Erik Haugstad.

Aucune décision n'a encore été prise mais il est de plus en plus question d'accéder à leurs demandes, du moins aux endroits et moments les plus saturés.

En attendant, les voitures électriques se multiplient comme des petits pains. De la populaire Leaf de Nissan à la Tesla S, une berline américaine très cossue, elles représentent environ 13% des ventes de véhicules neufs depuis le début de l'année, une part de marché sans équivalent ailleurs.

En mars, la Tesla est même devenue la voiture la plus vendue de l'histoire norvégienne sur un mois, et cela malgré son prix relativement élevé. Car, même à 60.000 euros pour une entrée de gamme, c'est une aubaine quand on considère qu'il faudrait débourser environ le double si elle était sujette aux taxes.

La popularité des voitures électriques a pris de vitesse les autorités qui prévoyaient de maintenir les mesures incitatives jusqu'en 2017 ou jusqu'à ce qu'il y ait 50.000 exemplaires en circulation.

Or, au rythme actuel, ce volume pourrait être atteint dès le début 2015, obligeant le gouvernement à reconsidérer sa politique. Une politique coûteuse puisque les seules exemptions fiscales représentent jusqu'à 4 milliards de couronnes (500 millions d'euros) de manque à gagner, selon les propres estimations de l'État.

"Il se pourrait que l'on fasse des ajustements à la baisse à l'avenir", a récemment indiqué le Premier ministre, Erna Solberg, au journal VG. "Mais je peux promettre aux automobilistes qu'il y aura encore des avantages fiscaux pendant des années à conduire une voiture électrique".

L'engagement est important car 48% des propriétaires de voiture électrique disent avoir acheté leur véhicule principalement pour économiser de l'argent.

Selon l'enquête de l'Association pour la voiture électrique, seuls 27% affirment l'avoir fait par souci pour l'environnement et 12% pour gagner du temps dans leurs trajets.

"Il est trop tôt pour supprimer les avantages fiscaux. Le marché n'est pas encore suffisamment concurrentiel" par rapport à celui des voitures à moteur à combustion, estime la secrétaire générale de l'organisation, Christina Bu.

"Si l'exemption de taxe et de TVA devait prendre fin, le marché pourrait s'effondrer et il serait alors difficile d'atteindre les objectifs climatiques que la Norvège s'est fixés. On doit augmenter le nombre de voitures électriques, pas le baisser", souligne-t-elle.

phy/hh/mf

Rédigé par () le Jeudi 28 Aout 2014 à 06:19 | Lu 652 fois