Les tāvana “résolus” contre le plastique


Tahiti, le 9 avril 2024 – Onze tāvana des Marquises, des Tuamotu, des Australes et des Raromatai ont participé au premier sommet des leaders du Pacifique la semaine dernière à l'île de Pâques consacré à la pollution des océans par le plastique et le microplastique. Ils ont ensuite signé une résolution qui sera défendue à l'ONU en septembre prochain pour que chacun prenne sa part de responsabilité dans la lutte contre ce fléau.
 
Aucun représentant du gouvernement polynésien n'a assisté au tout premier sommet des leaders du Pacifique dédié à la problématique du plastique qui est à l'origine de 80% de la pollution de nos océans. Le président du Pays Moetai Brotherson, tout juste rentré de Singapour, et ses ministres, dont certains sont hors du territoire, n'ont pas répondu à l'invitation du maire de Rapa Nui, Pedro Edmunds Paoa pour ce sommet qui s'est tenu sur deux journées et demie, la semaine dernière, à l'île de Pâques.
 
Si le gouvernement était aux abonnés absents, les tāvana, eux, avaient répondu présent à l'invitation du maire de Rapa Nui, Pedro Edmunds Paoa. Pour l'occasion, une délégation polynésienne de onze maires de tous les archipels, sauf des îles du Vent (deux des Marquises, trois des Tuamotu, un des Australes et cinq des îles Sous-le-vent) a fait le déplacement.
 
Mardi matin, le président du Syndicat pour la promotion des communes (SPCPF), Cyril Tetuanui, accompagné des maires de Makemo Félix Tokoragi et de Rapa Iti, Tuanainai Narii ont convié la presse pour faire le point. Si la problématique n'est pas nouvelle, l'état des lieux dressé par les scientifiques et les ONG sur place a particulièrement interpellé les trois élus.
 
Un problème de santé publique
 
Pour le maire de Makemo, cela lui a permis de “mesurer l'impact réel du plastique et du microplastique dans notre bassin. Nous avons pu avoir des données scientifiques qui sont indépendantes du pouvoir de chaque grand pays. Pour la commune que je représente et qui constitue onze atolls, nous savons donc aujourd'hui que les plastiques qui polluent nos récifs proviennent du Chili et des Galapagos. Comme ils circulent dans le sens contraire des aiguilles d'une montre, avec les courants, ils se retrouvent dans nos lagons”, a ainsi expliqué Félix Tokoragi qui s'inquiète surtout des conséquences sur la santé.
 
Car ces plastiques, qui se transforment en microplastiques, sont ingérés par les poissons qui sont eux-mêmes consommés par la population. “C'est un vrai problème de santé publique”, alerte le tāvana qui s'en est inquiété auprès des instances internationales présentes à ce sommet comme la France, la Chine, le Japon, l'Australie, le Costa Rica ou encore le Canada.
 
Un sommet “électrochoc”
 
“Nous ne sommes pas venus donner de leçons à ces grands pays, souligne-t-il, mais ce sommet a permis de leur faire un électrochoc.” Par ailleurs, les communes sont compétentes pour le ramassage des déchets, mais cela représente un coût non négligeable, surtout pour les petites communes des îles éloignées. Or, “on est au bout de la chaîne”, explique le maire de Makemo qui souhaite que “chacun prenne sa part de responsabilité”, car si des décisions ne sont pas prises au plus haut niveau, “on aura beau ramasser cela ne servira à rien”.
 
Il n'en demeure pas moins qu'ils ont proposé de mener des petites actions, à leur échelle, pour contribuer à lutter contre ce fléau. “Nous allons faire attention à commander moins de plastique dans nos communes pour améliorer la collecte de nos déchets”, a expliqué le maire de Rapa, Tuanainai Narii. L'objectif est de parvenir à réduire de moitié les commandes de produits en plastique dans les administrations d'ici 2032.
 
“On fait avec les moyens qu'on a. Il faut aussi informer et sensibiliser la population et nous voulons limiter le plastique dans les CET [Centre d'enfouissement technique, NDRL] aussi”, poursuit Cyril Tetuanui.
 
 

La pollution des fermes perlières

Le président du SPCPF Cyril Tetuanui (au centre), accompagné des maires de Makemo, Félix Tokoragi (à droite), et de Rapa Iti, Tuanainai Narii (à gauche), ont convié la presse mardi pour faire le point sur leur participation au sommet des leaders du pacifique à Rapa Nui, la semaine dernière. crédit photo SD
Si le “problème est le même partout”, trois îles des Tuamotu (Takaroa, Arutua et Manihi) sont particulièrement touchées par la pollution de microplastiques qui vient des fermes perlières qui se désagrègent et qui altèrent en plus la qualité même des perles. Double peine donc. Sans parler des DCP (dispositifs de concentration de poissons) dont les débris dérivent dans nos lagons et représentent 44% de la collecte uniquement en Polynésie française.
 
Il faudrait que la logique du “pollueur-payeur” s'applique. Sauf que, comme l'a souligné le président du SPCPF, il n'y a pas de règlementation en la matière en Polynésie et que cela relève de la compétence du Pays.
 
En attendant que le gouvernement Brotherson se penche sur la question, ce sommet a finalement abouti à la rédaction d'une résolution signée par tous les participants et dans laquelle figurent les problématiques et les solutions proposées par chaque pays concernant cette pollution de nos océans par le plastique. Elle sera portée à l'ONU dans la deuxième quinzaine de septembre lors du “Sommet sur le plastique”. New York aura certainement davantage de chance de voir les représentants Tavini que Rapa Nui...

Rédigé par Stéphanie Delorme le Mardi 9 Avril 2024 à 15:36 | Lu 1453 fois