Les prisons françaises comptent de nouveau plus de 70.000 détenus


Sebastien SALOM-GOMIS / AFP
Paris, France | AFP | jeudi 31/03/2022 - Avec 70.246 personnes incarcérées au 1er mars, les prisons françaises renouent avec un niveau de surpopulation qu'elles n'avaient plus atteint depuis deux ans, au début d'une crise sanitaire qui avait provoqué une chute drastique du nombre de détenus. 

La situation avait alors fait naître un "fol espoir". Après deux mois de confinement au printemps 2020, à la faveur d'une baisse de la délinquance et de mesures de libérations anticipées, le taux d'occupation moyen des prisons était passé sous le seuil des 100%, avec moins de 60.000 détenus. 

Une première en vingt ans dans un pays qui fait figure de mauvais élève en Europe et qui est régulièrement rappelé à l'ordre pour son surpeuplement carcéral chronique. 

En donnant les clés de la Chancellerie à son successeur Éric Dupond-Moretti, à l'été 2020, l'ancienne garde des Sceaux Nicole Belloubet l'avait invité à se saisir de cette "chance historique". 

Mais l'effet confinement s'est rapidement évaporé et les espérances de résorber définitivement cette surpopulation endémique n'auront été que de courte durée. 

Depuis l'automne 2020, avec la reprise à plein de l'activité judiciaire post-confinement, la population carcérale n'a cessé d'augmenter, s'approchant mois après mois inexorablement du seuil des 70.000 personnes incarcérées. 

Cette barre a été frôlée à plusieurs reprises. Elle a été de nouveau franchie le 1er mars, selon les données statistiques du ministère de la Justice publiées jeudi soir. 

Les prisons françaises comptaient au début du mois 70.246 détenus pour 60.619 places opérationnelles, soit une densité carcérale globale de 115,9%. Elle était de 105,9% le 1er mars 2021.

Sur une année, on dénombre 5.841 détenus en plus, soit une croissance de 9,1% de la population carcérale. 

"Régulation carcérale" 

C'est dans les maisons d'arrêt, où sont incarcérés les détenus en attente de jugement -et donc présumés innocents- et ceux condamnés à de courtes peines, que cette augmentation est la plus forte. 

Dans ces établissements, la densité carcérale était de 96,9% le 1er juillet 2020. Elle progressait à 114,6% trois mois plus tard, puis atteignait 124% le 1er mars 2021. Elle s'élève désormais à 137,7%. 

Quarante-six des 188 prisons françaises affichent une densité supérieure à 150%. Elle atteint ou dépasse même 200% dans six établissements (Bordeaux-Gradignan, Rochefort, Fontenay-le-Comte, La Roche-sur-Yon, Perpignan et Nîmes). 

En raison de cette surpopulation, 1.665 prisonniers sont contraints en France de dormir sur des matelas posés à même le sol. Ils étaient 848 le 1er mars 2021. 

Et près de 40.000 détenus sont incarcérés dans une structure remplie à plus de 120%.

Cette hausse intervient malgré une réforme entrée en vigueur en mars 2020, en plein confinement, qui proscrit les très courtes peines d'emprisonnement et prévoit des alternatives à l'incarcération pour celles de moins de six mois. 

Les juges ne s'en saisissent-ils pas ? Même prohibées, de très courtes peines continuent d'être prononcées et la peine de référence reste l'incarcération. 

En un an, le nombre de condamnés placés à domicile sous bracelet électronique est passé de 13.219 à 14.080 le 1er mars 2022. 

Les placements à l'extérieur, des mesures d'aménagement de peine également réputées pour favoriser la réinsertion et lutter contre la récidive, restent très rares. 

En juin 2021, dix-sept organisations avaient sommé Emmanuel Macron d'agir et exigé la mise en place d'une "politique volontariste de déflation carcérale". 

En passant par un "dispositif de régulation carcérale", inscrit dans la loi et réclamé aussi de longue date par la contrôleure des prisons.  

Dans une tribune publiée début février dans le quotidien Le Monde, Dominique Simonnot alertait à nouveau sur les conditions de détention en France et invitait magistrats et parlementaires à visiter les prisons pour les regarder "en face" et se confronter aux "conséquences de (leurs) décisions".  

le Jeudi 31 Mars 2022 à 13:47 | Lu 216 fois