Les pompes funèbres polynésiennes sanctionnées pour "entente" pendant la pandémie


Tahiti, le 14 novembre 2022 – Douze entreprises de pompes funèbres polynésiennes ont été sanctionnées par des amendes atteignant un total de 6 millions de Fcfp prononcées par l'autorité polynésienne de la concurrence, après une “entente” sur leurs prix pendant la crise Covid qui a provoqué “une augmentation des tarifs appliqués aux familles endeuillées”.
 
La décision date du 5 septembre dernier, mais elle n'a été publiée que lundi par l'autorité polynésienne de la concurrence (APC). Douze entreprises de pompes funèbres polynésiennes ont été sanctionnées pour “entente” sur leurs tarifs pendant la crise Covid. Une opération qui a “provoqué une augmentation des tarifs appliqués aux familles endeuillées”, souligne l'APC dans un communiqué diffusé lundi.
 
“Tarifs communs pour les décès”
 
À l'origine de la procédure, l'APC s'est autosaisie en mars 2021 après une enquête menée par son service d'instruction et des “signalements émanant de l'association de consommateurs Te Tia Ara et de la Direction générale des affaires économiques (DGAE)”. Plus précisément, l'association Te Tia Ara rapportait en décembre 2020 à l'APC que plusieurs consommateurs se plaignaient “des prix élevés pratiqués par les entreprises funéraires à l'occasion du décès des personnes de leur famille atteintes par le Covid-19”. L'association dénonçait la signature d'un “accord” entre douze entreprises de pompes funèbres le 21 avril 2020 sur une “grille de tarifs pour la prise en charge d'un décès du Covid-19”.
 
Il est apparu au cours de cette enquête menée par l'APC qu'à partir de mars 2020, les entreprises de pompes funèbres se sont réunies régulièrement à la mairie de Punaauia ou encore à Outumaoro pour se concerter sur les tarifs à appliquer pour les décès liés au Covid. Des réunions de concertation “initiées et organisées par les entreprises Funéraires Min Chiu et HPP Funéraire”, écrit l'APC dans sa décision. Lors de ces réunions, chaque participant a communiqué les tarifs pratiqués couramment par son entreprise et des tarifs communs ont été établis comme “devant être appliqués à l'identique” par tous les participants aux réunions.
 
C'est ensuite le responsable des Funéraires Min Chiu qui a été chargé par ses confrères de “rédiger un document formalisant l'accord des entreprises sur les tarifs communs”. Document tamponné et signé par les entreprises présentes. Au total, deux accords ont été formalisés. Une première version le 24 mars 2020 et une seconde le 21 avril 2021. Sauf que les entreprises n'avaient visiblement pas vraiment conscience de l'illégalité de l'opération, puisqu'elles n'ont pas hésité à transmettre ces documents au Centre d'hygiène et de salubrité publique et au centre de crise Covid-19 du Pays, accompagnés de demandes de prises en charge des prestations Covid par le Pays ou l'État…
 
“Au détriment des familles endeuillées”
 
Selon l'article LP 200-1 du code de la concurrence, les “actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions” qui ont pour objet ou qui peuvent avoir pour effet “d'empêcher de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence” sur un marché de la Polynésie française sont “prohibées”. L'autorité insiste sur le fait qu'en limitant l'autonomie commerciale des entreprises concernées, cette entente a “favorisé artificiellement la hausse des tarifs”.
 
Les douze entreprises de pompes funèbres n'ont pas contesté cette entente, détaille l'APC. Spécificité du droit de la concurrence, cette attitude leur a permis de réduire le plafond des sanctions encourues de moitié. Par ailleurs, l'APC dit avoir “considéré les circonstances dans lesquelles se sont déroulés les faits” : la petite taille des entreprises, une première infraction au droit de la concurrence et le contexte de la pandémie. De ce fait, elle a également décidé d'accorder 10% de réduction supplémentaire au calcul des sanctions.
 
Néanmoins, l'APC dit avoir pris en compte la “gravité particulière de l'infraction mise en œuvre pendant la crise sanitaire” puisque cette entente s'est faite “au détriment direct des familles endeuillées et indirect de la CPS”. Les sanctions ont donc représenté entre 0,4 et 2,3% du chiffre d'affaires annuel des entreprises concernées pour un total de 6 millions de Fcfp d'amende dont la moitié est déjà captée par Min Chiu et près d'un tiers par Tehei Services.
 

Le détail des sanctions


Décryptage

L'entente anticoncurrentielle est un accord ou une action concertée qui a pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence. Elle peut prendre diverses formes : écrite ou orale, expresse ou tacite. Elle fait obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché et favorise la hausse des prix.
 
Les sanctions pour entente peuvent aller jusqu'à 5% du chiffre d'affaires annuel d'une entreprise, accompagnées d'obligation de publication de la condamnation et d'une astreinte pour le paiement de la sanction.
 
La sanction infligée par l'APC sera recouvrée par le Pays. Les victimes pourront se prévaloir de la condamnation pour obtenir des dommages et intérêts devant la juridiction compétente.
 
Source APC

Rédigé par Antoine Samoyeau le Lundi 14 Novembre 2022 à 10:58 | Lu 4184 fois