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Les patrons à reculons au rendez-vous fiscal de Tevaiti Pomare


En juin dernier, le ministre avait déjà convié une centaine d'entre eux à la présidence pour plancher pendant deux jours sur différents thèmes visant à concilier compétitivité des entreprises et pouvoir d'achat des Polynésiens. crédit photo archives SD
En juin dernier, le ministre avait déjà convié une centaine d'entre eux à la présidence pour plancher pendant deux jours sur différents thèmes visant à concilier compétitivité des entreprises et pouvoir d'achat des Polynésiens. crédit photo archives SD
Tahiti, le 26 février 2024 - Huit mois après les deux jours de prospectives économiques organisés en juin dernier par Tevaiti Pomare, le ministre de l’Économie remet ça ce mardi à la présidence. Sur une seule journée cette fois, qui sera uniquement dédiée à la fiscalité. Échaudés par un premier séminaire dont ils attendent toujours un retour, les acteurs économiques y vont à reculons.
 
Bis repetita. Le gouvernement, et plus particulièrement le ministre de l'Économie et des Finances Tevaiti Pomare, retourne à la pêche aux idées. C'est en tout cas le sentiment que partagent beaucoup d'acteurs économiques invités ce mardi à la présidence pour la “journée prospective de l'économie dédiée à la fiscalité”.
 
Rappelez-vous, en juin dernier, le ministre avait déjà convié une centaine d'entre eux avenue Pouvana'a a Oopa pour plancher pendant deux jours sur différents thèmes visant à concilier compétitivité des entreprises et pouvoir d'achat des Polynésiens. Une démarche que le ministre voulait “participative” deux mois après la victoire du Tavini aux élections et un mois après l'installation du gouvernement Brotherson et de sa “dream team”.
 
Louable en soi. Sauf que si ces travaux ont fait l'objet de restitutions assez concrètes de la part des acteurs économiques à l'issue de ces deux journées, le ministre promettait surtout que cela aboutirait à des “mesures” à “engager concrètement” et “le plus rapidement possible”. Huit mois plus tard, force est de constater que l'on attend toujours.
 
Pas de politique de la chaise vide
 
Ce mardi, est donc organisée à nouveau sous le chapiteau de la présidence, une seule journée cette fois, qui sera uniquement dédiée à la fiscalité. L'important, c'est de participer, dit-on. Eh bien, c'est ce qui semble être l'état d'esprit des principaux intéressés qui ne semblent pas fonder beaucoup d'espoir à la veille de ce rendez-vous auquel ils se rendent à reculons. “On y va parce qu'on est obligés d'y aller et parce qu'on souhaite que les choses avancent”, indique ainsi Christophe Plée qui “aimerait bien qu'on arrête les séminaires et qu'on passe enfin à la phase d'action”. Le ton est donné.
 
Le patron de la CPME martèle que la suppression de la contribution pour la solidarité (CPS) était une hérésie car “on doit maintenant aller chercher des milliards pour la Caisse de prévoyance sociale”.  Résultat, “on a bien compris qu'ils étaient à la recherche de fiscalité et ça fait un peu peur. Ils ne font pas de propositions, et c'est bien ça le problème. Le premier séminaire, c'était pareil. On n'a pas eu de compte-rendu, pas de plan d'action, rien”, déplore ainsi Christophe Plée qui regrette de n'avoir aucun échange avec le ministre.
 
Plus mesuré, le numéro 2 du Medef, Olivier Kressmann, semble un peu plus optimiste. S'il estime lui aussi que “la politique de la chaise vide n'est jamais une solution”, contrairement au patron de la CPME, il ne “doute pas que le ministre a des idées”. “La première chose à faire, c'est de les partager et on sera ravis de les compléter”, dit Olivier Kressmann, “curieux” de découvrir “ce qui est en cours de préparation” au gouvernement. Si la loi fiscale de décembre dernier n'était “pas du tout en phase” avec ce que qu'avaient exprimé les acteurs économiques, il veut encore y croire : “On ne va pas en permanence repartir d'une feuille blanche”, dit-il, expliquant qu'il faut commencer par “reprendre” les propositions qui ont émané des ateliers de juin dernier.
 
Mais on ne se fait guère d'illusion
 
Pas de politique de la chaise vide non plus pour la Chambre de commerce, d’industrie, des services et des métiers (CCISM) car “sur le principe, il faut participer”, a également réagi son président, Kelly Asin-Moux qui a transmis l'invitation aux membres de la Chambre dont “même pas la moitié” a répondu. Leur réaction a été “très mitigée” et “très réservée”, nous a-t-il confié. S'il ne participera pas à cette journée car il est pris par ses “obligations à la Chambre”, il ne se fait guère d'illusion non plus quant à l'issue de cette journée après un premier séminaire qui n'a fait l'objet “d'aucune synthèse” et “d'aucun plan d'action”.
 
D'autant que pour le président de la CCISM, cela ne sert pas à grand-chose puisque peu importe les discussions, le ministre n'en fait finalement qu'à sa tête en proposant ensuite une loi qui n'a “rien à voir” avec les propositions faites. “Par exemple, on n'avait pas du tout abordé le fait de diminuer les défisc’ pour les hôteliers ou de rajouter une imposition sur l'immobilier... Enfin, tous ces sujets n'avaient pas du tout été discutés dans les ateliers.”

Même son de cloche du côté de la Fédération générale du commerce (FGC) dont l'un des deux co-présidents, Thierry Trouillet, se demande même s'il va se déplacer : “Si c'est pour encore perdre mon temps... je ne sais pas si je vais y aller”, nous a-t-il confié, regrettant lui aussi que les restitutions des travaux des premières “journées prospectives” n'aient pas été traduites sur le plan législatif.
 
Rappelons en effet qu'en décembre dernier, dans la première version de la loi fiscale du gouvernement, une taxe sur l'immobilier était prévue. Mais face à un Tony Géros vent debout contre ce dispositif, le président Brotherson avait dû faire marche arrière. Ce qui a valu une seconde loi fiscale plus édulcorée... et un prélèvement sur les réserves pour compenser. Une loi fiscale qui est toujours entre les mains du Conseil d'État qui a encore un petit mois pour statuer suite au recours commun déposé par le Tapura et Ahip.

Rédigé par Stéphanie Delorme le Lundi 26 Février 2024 à 18:50 | Lu 3665 fois