Les obsèques de Jacques Lafleur auront lieu vendredi à Nouméa


NOUMÉA, mercredi 8 décembre 2010 (Flash d'Océanie) – Les obsèques de l’homme politique néo-calédonien Jacques Lafleur, décédé samedi 4 décembre 2010 à son domicile de la Gold Coast (Australie, État du Queensland) des suites d’un arrêt cardiaque à l’âge de 78 ans auront lieu à Nouméa vendredi 10 décembre 2010 en présence de nombreux dignitaires locaux, régionaux et métropolitains, y compris la ministre française de l’Outre-mer Marie-Luce Penchard, qui a confirmé son déplacement dans cette collectivité française du Pacifique du 9 au 11 décembre.

Le Président de la Polynésie française, Monsieur Gaston TONG SANG, se rendra en Nouvelle-Calédonie, mercredi 08 décembre à 07h40, pour les obsèques de Monsieur Jacques LAFLEUR. Le Président arrivera à Nouméa le jeudi 9 décembre à 16h20. Son retour est prévu pour ce samedi 11 décembre à 22h00 (heure de Tahiti).

Le corps de cette personnalité qui a dominé la vie politique de la Nouvelle-Calédonie au cours des trente dernières années devait être rapatrié par avion spécial mercredi en fin de journée, rapportait mardi la radio locale publique.
Au cours de la journée de jeudi, une chapelle ardente devrait être installée afin d’offrir la possibilité au public de rendre hommage à celui dont la poigné de main avec le leader indépendantiste Jean-Marie Tjibaou, le 26 juin 1988, a enclenché un processus de rétablissement de la paix civile sur fonds d’autonomie élargie en Nouvelle-Calédonie.
En Nouvelle-Calédonie, alors que les hommages et témoignages continuaient à affluer en milieu de semaine, le gouvernement local a mis en berne les drapeaux sur les bâtiments publics et encouragé les administrations, entreprises, publiques et privées, à permettre à leurs employés de se rendre aux funérailles vendredi.
Par ailleurs, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et le Haut-commissariat français ont annoncé conjointement le report d’une visite officielle en Nouvelle-Zélande initialement prévue du 7 au 11 décembre 2010 en Nouvelle-Zélande, sur l’invitation du ministre néo-zélandais des affaires étrangères, Murray McCully.
Cette visite, qui devait être conduite par le Président du gouvernement néo-calédonien Philippe Gomès et le Haut-commissaire français Albert Dupuy, devrait être reprogrammée début 2011.
Parmi les derniers messages parvenus de la grande région, celui du Président de l’autre collectivité française du Pacifique, la Polynésie française, dont le Président Gaston
Tong Sang a évoqué mardi un « homme de dialogue » et « de paix ».
Dès dimanche, dans un communiqué de la Présidence de la république française, le chef de l’État Nicolas Sarkozy déclarait avoir « appris avec une profonde émotion le décès de Jacques Lafleur, député de la Nouvelle-Calédonie pendant près de 30 ans et Président de la Province Sud durant 15 années ».
M. Sarkozy a salué la mémoire de celui qui « aura incarné l'engagement pour le maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France » et de « celui qui fut l'artisan, aux côtés de Jean-Marie Tjibaou, des Accords de Matignon-Oudinot puis de Nouméa, qui mirent fin aux évènements tragiques du milieu des années 1980 et restaurèrent la paix civile en Nouvelle-Calédonie ».
« Homme politique habile et passionné, Jacques Lafleur a toujours su, lorsque l'essentiel était en jeu, tendre la main à ses adversaires pour éviter le retour des violences et la division de la Nouvelle-Calédonie. Il aura, à ce titre, incontestablement marqué de son empreinte l'histoire de notre pays », poursuit l’Élysée.
Au sein du gouvernement français, le Premier ministre François Fillon a pour sa part estimé par voie de communiqué que la poignée de main de M. Lafleur avec Jean-Marie Tjibaou « avait été le puissant symbole de la fin des affrontements en Nouvelle-Calédonie pour y construire un avenir partagé entre toutes les communautés », tout en saluant la mémoire d’un homme qui « a marqué de son empreinte les dernières décennies de l'histoire de la Nouvelle-Calédonie ».
Brice Hortefeux, Ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l’immigration, et Marie-Luce Penchard, Ministre chargée de l’Outre-mer, dans un communiqué conjoint, évoquent quant à eux dimanche la mémoire d’un homme qui, « par son engagement sans répit et par sa vision d’avenir », « a marqué de son empreinte l’histoire de la Nouvelle-Calédonie ».
« Homme de conviction, il a su privilégier les voies du dialogue entre les forces politiques calédoniennes pour que la paix s’installe durablement en Nouvelle-Calédonie. Il fut un artisan décisif des Accords de Matignon de juin 1988 puis de l’Accord de Nouméa de mai 1998. Sa poignée de main historique avec le leader kanak Jean-Marie Tjibaou, en conclusion des accords de Matignon le 26 juin 1988, demeure un geste fondateur pour la Nouvelle-Calédonie elle-même et pour ses rapports avec l’État. La Nouvelle-Calédonie perd un de ses grands hommes ; son parcours illustre au plus haut point ce qu’est la responsabilité politique, prendre des décisions justes, jusque pendant les périodes les plus confuses, et convaincre de la pertinence de ces positions », conclut le communiqué.
L’ancien Premier ministre socialiste Lionel Jospin, qui était aux affaires lors de la signature de l’Accord de Nouméa, en 1998, a pour sa part salué l’homme qui avait su nouer le dialogue (…) pour éviter ce qui allait se présenter comme un nouveau drame colonial pour la France ».
De passage actuellement en Nouvelle-Calédonie à la tète d’une délégation de parlementaires de tous bords, Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale française, a aussi réagi en saluant un homme « de paix et de dialogue ».
L’acte considéré comme le plus marquant de la carrière politique de M. Lafleur aura été, sous forme de symbole, la poignée de main entre lui-même, au nom du camp non-indépendantiste, et Jean-Marie Tjibaou, leader charismatiques du mouvement indépendantiste, en 1988, au terme d’âpres négociations sous les auspices, en mode bons offices, du Premier ministre socialiste de l’époque, Michel Rocard.
Cette poignée de main avait débouché sur la signature des accords dits de « Matignon-Oudinot » qui posèrent alors les prémices d’un retour progressif à la paix civile.
Un an plus tard, en 1989, Jean-Marie Tjibaou était assassiné par un élément radical de son propre mouvement.
Ces accords de « Matignon-Oudinot » furent suivis et approfondis dix ans plus tard, en 1998, par l’Accord de Nouméa, qui, tout en reconnaissant pour la première fois le peuple indigène Kanak dans son préambule, pose aussi les jalons d’un « destin commun », sous forme de feuille de route, d’un processus de décolonisation impliquant notamment la mise en place d’un gouvernement « collégial », un transfert progressif des compétences de la métropole aux instances locales, un « rééquilibrage » économique entre les provinces Nord (à majorité Kanak) et Sud (qui concentre une grande partie des richesses et de l’activité économique) ainsi qu’un référendum d’autodétermination à l’intérieur d’une fenêtre située entre 2014 et 2018.
Dans la seconde moitié des années 1970, Jacques Lafleur, alors membre du RPR (Rassemblement pour la république) de Jacques Chirac, fonde le Rassemblement pour la Calédonie dans la République (RPCR), qui deviendra Rassemblement-UMP au milieu des années 200 après la disparition du RPR pour laisser la place à l’Union pour un Mouvement Populaire (UMP) en France métropolitaine.
Élu député pour la première fois à l’Assemblée Nationale en 1978, il a ensuite enchaîné les mandats et, dans cet intervalle, s’est aussi imposé comme l’homme fort incontesté de la Nouvelle-Calédonie au cours d’une période de plus de vingt cinq années.
Le début du déclin se situe à partir de mai 2004 lorsqu’à l’occasion des élections locales, le parti de M. Lafleur connaît une cinglante défaite, au profit de nouveaux partis (dont l’Avenir ensemble) créés par plusieurs membres dissidents, qui lui reprochaient notamment son autoritarisme.
En avril 2010, M. Lafleur démissionnait de son dernier mandat électif, au congrès local.
L’une de ses dernières apparitions publiques, mi-novembre 2010, avait été à l’occasion de sa décoration d’une « Colombe de la Paix », qui lui a été décernée, à lui mais aussi à titre posthume à Jean-Marie Tjibaou, pour leur célèbre poignée de main.
Cette distinction placée sous la double égide de l’Allemagne et de l’UNESCO, a été créée dans la mouvance du soixantième anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.
Elle a notamment récompensé ces dernières années des personnalités telles que Mikhaïl Gorbatchev, Lech Walesa, le pape Jean-Paul II, le Dalaï-lama ou encore Aung San Suu Kyi.
Interviewé par la presse locale, M. Lafleur s’était alors déclaré « honoré », à la fois pour lui-même mais aussi pour Jean-Marie Tjibaou et la Nouvelle-Calédonie.
En guise de testament politique reprenant l’essentiel de ses mémoires publiées il y a quelques années, il alors rappelé son désir de voir la Nouvelle-Calédonie conforter une relation à long terme avec la France.
« Il se peut qu’un jour la Calédonie choisisse de s’émanciper. Mais je souhaite qu’elle s’imprègne le plus longtemps possible de la culture française, pour que naissent et s’épanouissent des hommes et des femmes de qualité, marqués par les valeurs de la France (…) Partout où elle a décolonisé, la France a laissé des marques bien plus fortes et bien plus humaines que les autres pays colonisateurs. Nous avons la chance d’être dans la France et notre intérêt est d’y rester encore longtemps », avait-il alors déclaré au quotidien Les Nouvelles Calédoniennes.

pad

Rédigé par PaD le Mardi 7 Décembre 2010 à 14:01 | Lu 1289 fois