Lors de l’arrivée de la pirogue Faafaite à Tubuai aux Australes, comme le veut la tradition, les ihitai (marins) se jettent à l’eau pour se purifier du voyage (Crédit : Donatien Tanret)
AUSTRALES, le 31 mars 2017. La pirogue Faafaite poursuit son expédition aux Australes pour soutenir le projet de réserve marine Rahui Nui No Tuhaa Pae porté par la population locale. Elle a quitté Tubuai dimanche après-midi pour rejoindre Rurutu. Jérôme Petit, directeur de l’association Pew en Polynésie, qui organise cette expédition, s’entretient avec le capitaine de Faafaite, Titaua Teipoarii, pour découvrir l’art de la navigation traditionnelle guidée par les étoiles.
Aux temps anciens, les navigateurs polynésiens sillonnaient le grand Pacifique en suivant le chemin des étoiles. Ils lisaient la voute céleste comme une carte inversée qui leur permettait de savoir exactement où ils étaient et dans quelle direction ils devaient aller. Les étoiles leur permettaient de connaitre le positionnement géographique de leur pirogue en utilisant leur main comme moyen de mesure. Par exemple, avec la main ouverte, tendue vers l’horizon (comme le fait Vaiana dans le dessin animé), la distance entre le pouce aligné sur la mer et le majeur pointé vers le ciel représente environ 16 degrés de latitude. L’épaisseur d’un doigt, quant à elle, est à peu près égale à deux degrés. Avec cette méthode, alliée à une connaissance parfaite des astres, de leur chemin dans le ciel et de leur distance par rapport à l’horizon, ils pouvaient sillonner l’immensité du Pacifique sans se perdre, et sans boussole ni GPS. En plus des étoiles, ils utilisaient aussi pour s’orienter l’orientation du soleil pendant la journée et plusieurs autres indicateurs comme la direction du vol des oiseaux, les courants, la salinité de l’eau, les débris flottants, l’odeur de la terre et bien sûr… leur instinct.
A chaque île son étoile
Chaque île de Polynésie avait une étoile de référence aux temps anciens, un astre particulièrement brillant qui passe au zénith du ciel étoilé quand on se trouve à la latitude de l’île. Par exemple, l’étoile zénithale de l’île de Tahiti est Sirius, ou encore Ta’urua faupapa en tahitien. Celle de Raivavae est Antares, ou encore Ana Mua. Cette dernière est l’étoile la plus brillante de la constellation du scorpion ou encore l’hameçon du dieu Maui, Te Matau o Maui, dans la culture polynésienne. Pour être sûrs d’arriver à bon port, les anciens naviguaient jusqu’à ce que l’étoile de l’île recherchée arrive au zénith. Ils savaient alors qu’ils se trouvaient à la bonne latitude et se laissaient entrainer vers l’ouest par les vents dominants pour viser l’île à l’aide d’autres indicateurs. Le Docteur Jean-Claude Teriierooiterai, président de Faafaite, a réalisé un travail astronomique pour documenter le nom tahitien de chaque étoile et leur île de référence (voir la carte ci-dessous).
Aux temps anciens, les navigateurs polynésiens sillonnaient le grand Pacifique en suivant le chemin des étoiles. Ils lisaient la voute céleste comme une carte inversée qui leur permettait de savoir exactement où ils étaient et dans quelle direction ils devaient aller. Les étoiles leur permettaient de connaitre le positionnement géographique de leur pirogue en utilisant leur main comme moyen de mesure. Par exemple, avec la main ouverte, tendue vers l’horizon (comme le fait Vaiana dans le dessin animé), la distance entre le pouce aligné sur la mer et le majeur pointé vers le ciel représente environ 16 degrés de latitude. L’épaisseur d’un doigt, quant à elle, est à peu près égale à deux degrés. Avec cette méthode, alliée à une connaissance parfaite des astres, de leur chemin dans le ciel et de leur distance par rapport à l’horizon, ils pouvaient sillonner l’immensité du Pacifique sans se perdre, et sans boussole ni GPS. En plus des étoiles, ils utilisaient aussi pour s’orienter l’orientation du soleil pendant la journée et plusieurs autres indicateurs comme la direction du vol des oiseaux, les courants, la salinité de l’eau, les débris flottants, l’odeur de la terre et bien sûr… leur instinct.
A chaque île son étoile
Chaque île de Polynésie avait une étoile de référence aux temps anciens, un astre particulièrement brillant qui passe au zénith du ciel étoilé quand on se trouve à la latitude de l’île. Par exemple, l’étoile zénithale de l’île de Tahiti est Sirius, ou encore Ta’urua faupapa en tahitien. Celle de Raivavae est Antares, ou encore Ana Mua. Cette dernière est l’étoile la plus brillante de la constellation du scorpion ou encore l’hameçon du dieu Maui, Te Matau o Maui, dans la culture polynésienne. Pour être sûrs d’arriver à bon port, les anciens naviguaient jusqu’à ce que l’étoile de l’île recherchée arrive au zénith. Ils savaient alors qu’ils se trouvaient à la bonne latitude et se laissaient entrainer vers l’ouest par les vents dominants pour viser l’île à l’aide d’autres indicateurs. Le Docteur Jean-Claude Teriierooiterai, président de Faafaite, a réalisé un travail astronomique pour documenter le nom tahitien de chaque étoile et leur île de référence (voir la carte ci-dessous).
Carte des étoiles tahitiennes, réalisée par le Président de Faafaite Jean Claude Teriierooiterai (Crédit : Tainui Friends of Hokule’a en partenariat avec Pew Polynésie)
L’horizon divisé en maisons
Dans la culture polynésienne traditionnelle, les étoiles se levaient et se couchaient dans une même maison. Du nord au sud, l’horizon était divisé en 16 maisons, caractérisées par la largeur du poing orienté vers la mer (ce qui représente 11,25 degrés). Les navigateurs connaissaient à la perfection quelles étoiles se levaient et se couchaient dans quelle maison. Ces repères servaient à déterminer le cap de la pirogue pour la navigation. Chaque maison avait sa maison associée, celle qui était orientée à 90 degrés et qui devait donc rester perpendiculaire au cap choisi. Cette association entre les différentes maisons permettait au navigateur d’avoir plus de points de références quand le ciel était nuageux. Les anciens avaient développé des moyens mnémotechniques pour retenir le nom des maisons et de leurs maisons associées. Par exemple, la maison nommée « oio » (l’oiseau Noddi) était associée à la maison « ra’i » (le ciel), car « le noddi vole dans le ciel ». Ou encore, la maison « reo » (langue) était perpendiculaire à la maison « a’ia » (pays) car « la langue est parlée dans le pays ». Pour aller de Raivavae à Tubuai, la pirogue Faafaite a mis le cap sur la maison de « ra » (le soleil), en repérant l’étoile Spica qui se lève dans cette maison. Le grand navigateur hawaiien, Nainoa Thompson, capitaine de la pirogue Hokule’a, a recréé un compas des maisons de la culture polynésienne.
Dans la culture polynésienne traditionnelle, les étoiles se levaient et se couchaient dans une même maison. Du nord au sud, l’horizon était divisé en 16 maisons, caractérisées par la largeur du poing orienté vers la mer (ce qui représente 11,25 degrés). Les navigateurs connaissaient à la perfection quelles étoiles se levaient et se couchaient dans quelle maison. Ces repères servaient à déterminer le cap de la pirogue pour la navigation. Chaque maison avait sa maison associée, celle qui était orientée à 90 degrés et qui devait donc rester perpendiculaire au cap choisi. Cette association entre les différentes maisons permettait au navigateur d’avoir plus de points de références quand le ciel était nuageux. Les anciens avaient développé des moyens mnémotechniques pour retenir le nom des maisons et de leurs maisons associées. Par exemple, la maison nommée « oio » (l’oiseau Noddi) était associée à la maison « ra’i » (le ciel), car « le noddi vole dans le ciel ». Ou encore, la maison « reo » (langue) était perpendiculaire à la maison « a’ia » (pays) car « la langue est parlée dans le pays ». Pour aller de Raivavae à Tubuai, la pirogue Faafaite a mis le cap sur la maison de « ra » (le soleil), en repérant l’étoile Spica qui se lève dans cette maison. Le grand navigateur hawaiien, Nainoa Thompson, capitaine de la pirogue Hokule’a, a recréé un compas des maisons de la culture polynésienne.
Compas des étoiles de Nainoa Thompson avec les « maisons » utilisées comme cap par les navigateurs (Crédit : Tainui Friends of Hokule’a en partenariat avec Pew Polynésie)
Les cercles des oiseaux
L’orientation du vol des oiseaux était aussi un indicateur majeur pour aider les navigateurs à retrouver une île. Certaines espèces d’oiseaux dorment à terre et les anciens suivaient la direction de leur vol au coucher du soleil ou la direction inverse au lever. Il était possible de connaitre la distance maximale de l'île recherchée en fonction des espèces rencontrées ; par exemple, le noddi (Oio) ne s’écarte pas à plus de 20 milles de son île. Par contre, la frégate (Otaha) peut voyager jusqu’à 35 milles et le paille en queue (Tava’e) jusqu’à 110 milles de la terre car ces espèces peuvent dormir sur l’eau ; elles sont donc moins intéressantes pour les navigateurs.
L’orientation du vol des oiseaux était aussi un indicateur majeur pour aider les navigateurs à retrouver une île. Certaines espèces d’oiseaux dorment à terre et les anciens suivaient la direction de leur vol au coucher du soleil ou la direction inverse au lever. Il était possible de connaitre la distance maximale de l'île recherchée en fonction des espèces rencontrées ; par exemple, le noddi (Oio) ne s’écarte pas à plus de 20 milles de son île. Par contre, la frégate (Otaha) peut voyager jusqu’à 35 milles et le paille en queue (Tava’e) jusqu’à 110 milles de la terre car ces espèces peuvent dormir sur l’eau ; elles sont donc moins intéressantes pour les navigateurs.
Carte du rayon d’action des oiseaux avec les distances maximales parcourues par chaque espèces (Crédit : Tainui Friends of Hokule’a en partenariat avec Pew Polynésie)
La pirogue Faafaite est arrivée lundi à Rurutu. Selon les anciens, c’est la première fois qu’une pirogue polynésienne se rend sur l’île depuis la fin de la navigation traditionnelle, il y a environ 200 ans environ. Malgré la disparition des pirogues, provoquée par la colonisation occidentale, ces embarcations polynésiennes sont encore très présentes dans les chants et les légendes de l’île et font partie intégrante de la culture locale. C’est donc une foule en liesse qui est venue accueillir Faafaite et son équipage à Rurutu avec des chants et des danses. La pirogue a été décorée par une grande couronne de fleur avant que les marins ne posent pied à terre. Les habitants de l’île sont venus nombreux à bord de Faafaite pour redécouvrir avec l’émotion l’art de la navigation polynésienne, des étoiles dans les yeux.
Rencontre avec Titaua Teipoarii, capitaine de Faafaite
Titaua Teipoarii est l’un des trois capitaines de la pirogue Faafaite. Il est originaire de l’île de Raivavae aux Australes, où il était guide de randonnée avant de se consacrer à la navigation traditionnelle. Il a été formé par le skipper Teva Plichart aux techniques de la voile et par le navigateur Nainoa Thompson, capitaine de la pirogue Hokule’a, à l’apprentissage des chemins d’étoiles. En commençant à naviguer avec Faafaite, Titaua ne souhaitait pas devenir capitaine, mais c’est l’envie de partager avec les îliens sa passion pour la navigation qui l’a poussé à passer sa licence en Nouvelle Zélande. A chaque escale, Titaua et son équipage organisent des ateliers avec la population et les enfants des îles pour leur faire découvrir le monde de la voile. « La navigation avec les étoiles est le meilleur moyen pour former les jeunes, car elle touche à tout : les maths, la géographie, la langue tahitienne, l’astronomie », affirme Titaua. « C’est aussi une bonne solution pour responsabiliser les jeunes qui sont perdus et leur apprendre à respecter les ordres ou à en donner, en devenant chef de quart par exemple ». Titaua pense que les pirogues peuvent être un bon moyen pour aider les îles polynésiennes à devenir indépendantes de l’essence et pour transporter le fret ou les passagers, comme le faisait les goélettes à voile auparavant. Le rêve de Titaua est de retourner à Raivavae pour développer la pirogue à voile dans son île et continuer à partager sa connaissance de la navigation traditionnelle polynésienne.
Titaua explique les bases de la navigation à la population de Rurutu (Crédit: Jérôme Petit)