Les nanomatériaux désormais traqués mais toujours mal connus


PARIS, 05 jan 2013 (AFP) - Le gouvernement vient de lancer le recensement des produits contenant des nanomatériaux, des particules infimes dont les risques pour la santé et l'environnement sont mal connus alors que leur mise sur le marché n'est encadrée par aucune procédure spécifique.

Electronique, bâtiment, mais aussi habillement, cosmétiques voire alimentation, on trouverait ces nanoparticules dans "plus d'un millier de produits de notre vie courante", selon le ministère de l'Ecologie, qui a mis en place un système de déclaration en ligne, une première au niveau européen.

Depuis le 1er janvier, la France oblige ceux qui auront fabriqué, distribué ou importé sur le territoire au moins 100 grammes d'une substance nanoparticulaire donnée durant l'année 2012 à faire cette déclaration avant le 1er mai prochain.

Un tout petit premier pas, dont le principe remonte au Grenelle de l'Environnement en 2007.

"Notre démarche vise à la fois à améliorer la connaissance des nanomatériaux sur le marché et leurs usages - aujourd'hui notre connaissance n'est pas exhaustive - et à contribuer à l'évaluation des risques", explique à l'AFP Patricia Blanc, directrice de la prévention des risques au ministère de l'Ecologie.

Car pour mieux évaluer les risques, "il est important de connaître la manière dont le public ou les travailleurs sont exposés: un risque d'ingestion par exemple n'est pas du tout le même qu'un risque lié à un frottement avec un textile", poursuit la responsable.

Mais "l'évaluation des risques n'en est qu'à ses débuts", reconnaît Patricia Blanc.

Et, prévient-elle, "on ne pourra pas évaluer le risque de toutes les substances sur le marché à court terme (...) mais la base de données constituée nous aidera à établir des priorités, notamment avec les substances les plus exposées au public".

propriétés antimicrobiennes

Pour François Veillerette, porte-parole de l'ONG Générations futures, cette déclaration obligatoire "est une bonne chose car aujourd'hui on ne sait même pas où il y a des nanoparticules".

A terme, ce spécialiste des questions de santé estime qu'il faudra "arriver à une procédure d'autorisation spécifique pour les nanoparticules".

"Cela nous paraît incroyable qu'on ait mis sur le marché ce type de produits sans avoir d'évaluation des risques", insiste-t-il. Aujourd'hui, selon lui, "les pouvoirs publics courent après les industriels".

"Ce sont les réglementations classiques de mises sur le marché qui s'appliquent", confirme-t-on au ministère de l'Ecologie.

Les nanoparticules, d'une taille comprise entre 1 et 100 nanomètres (1 à 100 milliardièmes de mètre) sont utilisés dans des produits très variés: raquettes de tennis, crèmes solaires, peintures, électronique, emballages alimentaires, etc.

Dans la moitié des cas, il s'agit de nanoparticules d'argent exploitées pour leurs propriétés antimicrobiennes.

A l'échelle nanométrique, la matière acquiert des propriétés nouvelles, riches en applications mais qui compliquent d'autant l'évaluation de la toxicité.

Et une substance a priori inoffensive peut devenir toxique si elle est utilisée sous forme de nanomatériaux, relevait l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) dans un rapport de 2010.

Aujourd'hui, Dominique Gombert, directeur de l'évaluation des risques à l'Anses, indique qu'il y a "beaucoup de travaux en cours à l'agence à ce sujet".

"L'Anses publiera d'ici fin 2013 un rapport actualisé sur les expositions des consommateurs", indique-t-il, tout en reconnaissant encore "des lacunes" dans les connaissances.

Selon lui, la France fait néanmoins figure de "pays pionnier" avec la mise en place d'une traçabilité. "La Belgique et l'Italie se posent la question d'une démarche similaire", confie-t-il.

Rédigé par Par Céline SERRAT et Laurent BANGUET le Samedi 5 Janvier 2013 à 05:41 | Lu 849 fois