© État-major des armées / France
Tahiti, le 6 février 2023 – La commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat s'est penchée sur la stratégie française dans l'Indopacifique, mise en place en février 2022. Dans son rapport d'information, publié le 25 janvier dernier, elle souligne une stratégie “ambitieuse”, mais dont “les moyens ne sont pas toujours à la hauteur de ses ambitions”. Les trois collectivités françaises du Pacifique –la Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna et la Polynésie française– regrettent quant à elles ne pas avoir été associées à cette stratégie.
“Position ambiguë”, “discours parfois contre-productif”, “éparpillement”, “moyens inadaptés”... Le rapport d'information de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, intitulé “La stratégie française pour l'Indopacifique : des ambitions à la réalité” et déposé le 25 janvier, n'est pas tendre avec la stratégie de la France dans la région. Une région immense puisqu'elle s'étend des côtes africaines jusqu'à la côte ouest américaine, mais aussi très éloignée de l'Hexagone. Si la France y est présente grâce à sept régions, départements et collectivités d'outre-mer (DROM-COM) (Mayotte, La Réunion, les Terres australes et antarctiques française, la Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna, la Polynésie française et Clipperton) qui lui confèrent, avec 11 millions de kilomètres carrés, la 2e zone économique exclusive mondiale après les États-Unis, ses appuis y sont néanmoins minimes. On compte seulement 1,6 million de citoyens répartis sur ces sept territoires, auxquels s'ajoutent 200 000 ressortissants français expatriés dans les pays littoraux de l'océan Indien, en Asie et en Océanie. Mais il semble que la France veuille profiter de sa présence pour jouer un rôle international. Le rapport d'information indique d'ailleurs que l'Indopacifique, qui est devenu “incontournable”, “le sera encore plus dans 20 ans”. En effet, la région devrait rassembler, en 2040, 75% de la population mondiale, 50% du PIB mondial et 75% des réserves de matières premières critiques. D'où l'importance d'établir une stratégie dès maintenant.
“Position ambiguë”, “discours parfois contre-productif”, “éparpillement”, “moyens inadaptés”... Le rapport d'information de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, intitulé “La stratégie française pour l'Indopacifique : des ambitions à la réalité” et déposé le 25 janvier, n'est pas tendre avec la stratégie de la France dans la région. Une région immense puisqu'elle s'étend des côtes africaines jusqu'à la côte ouest américaine, mais aussi très éloignée de l'Hexagone. Si la France y est présente grâce à sept régions, départements et collectivités d'outre-mer (DROM-COM) (Mayotte, La Réunion, les Terres australes et antarctiques française, la Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna, la Polynésie française et Clipperton) qui lui confèrent, avec 11 millions de kilomètres carrés, la 2e zone économique exclusive mondiale après les États-Unis, ses appuis y sont néanmoins minimes. On compte seulement 1,6 million de citoyens répartis sur ces sept territoires, auxquels s'ajoutent 200 000 ressortissants français expatriés dans les pays littoraux de l'océan Indien, en Asie et en Océanie. Mais il semble que la France veuille profiter de sa présence pour jouer un rôle international. Le rapport d'information indique d'ailleurs que l'Indopacifique, qui est devenu “incontournable”, “le sera encore plus dans 20 ans”. En effet, la région devrait rassembler, en 2040, 75% de la population mondiale, 50% du PIB mondial et 75% des réserves de matières premières critiques. D'où l'importance d'établir une stratégie dès maintenant.
Des objectifs flous
Selon le rapport d'information, la stratégie de la France dans l'Indopacifique est “ambitieuse”. Une ambition posée en juillet 2021 par le président de la République, Emmanuel Macron, en avant-propos d'un rapport de l'Élysée exposant cette stratégie : “Pays de l'Indopacifique à part entière, la France veut être une puissance stabilisatrice, qui porte les valeurs de liberté et de respect du droit. Notre ambition est d'apporter des solutions aux défis sécuritaires, économiques, sanitaires, climatiques et environnementaux auxquels les pays de la zone sont confrontés.” Une stratégie dite de la troisième voie, dans un contexte où les tensions entre les deux plus grandes puissances de la zone, que sont les États-Unis et la Chine, sont toujours plus grandissantes. Mais le rapport souligne que “la France ne choisit pas”, que ce soit “l'espace géographique qu'elle considère comme maximaliste” ou “les secteurs d'action, qu'elle souhaite tous embrasser”, pas plus qu'elle “ne sélectionne ses partenaires, souhaitant collaborer avec tous”. De même qu'elle “multiplie ses orientations” avec une stratégie orientée autour de quatre piliers : sécurité et défense ; économie, connectivité, recherche et innovation ; multilatéralisme et règle de droit ; et changement climatique, biodiversité et gestion durable des océans. Un “éparpillement” selon les sénateurs, qui s'interrogent sur le fait que celui-ci nuise “à la lisibilité” de la stratégie française. Ils ajoutent que “nos ambitions d'être une puissance d'équilibre ne sont pas en adéquation avec notre poids réel, ce qui pose des questions sur la crédibilité même de la stratégie”. Et que la France doit prendre une “position ferme” sur la Chine.
Afin justement d'apporter plus de “lisibilité”, le rapport d'information de la commission du Sénat propose de distinguer quatre grandes zones au sein de l'Indopacifique pour “mieux structurer et rendre plus opérationnelle” la stratégie en définissant des priorités et des objectifs différents selon chaque secteur géographique. Il propose également de nommer, pour chacune de ces zones, un secrétaire d'État dédié pour y organiser le pilotage politique de la stratégie de la France.
Afin justement d'apporter plus de “lisibilité”, le rapport d'information de la commission du Sénat propose de distinguer quatre grandes zones au sein de l'Indopacifique pour “mieux structurer et rendre plus opérationnelle” la stratégie en définissant des priorités et des objectifs différents selon chaque secteur géographique. Il propose également de nommer, pour chacune de ces zones, un secrétaire d'État dédié pour y organiser le pilotage politique de la stratégie de la France.
Les pays insulaires français pas consultés
Pour les sénateurs, la France ne met pas non plus les moyens à la hauteur de ses ambitions. “Ni le volet économique de la stratégie indopacifique, ni la stratégie de la France dans l’Indopacifique ne comprennent de moyens financiers face aux objectifs ambitieux affichés”, peut-on lire dans le rapport qui parle également de moyens militaires “inadaptés” aux caractéristiques de l'Indopacifique. Depuis 2008, elle a réduit les effectifs de ses forces armées de 20% et les équipements –qu'ils soient aériens, maritimes ou terrestres– sont “particulièrement vieux”. Le remplacement des moyens aériens est déjà prévu, mais à l'horizon 2026-2035, et alors que des pays comme la Chine ou la Corée du Sud sont en train de doubler leurs capacités de transport maritime, la France a divisé les siennes par deux en remplaçant certains bâtiments et a perdu par la même occasion la capacité amphibie. Le rapport souligne le “besoin de bâtiments plus crédibles”.
Enfin, le rapport sénatorial regrette que les DROM-COM, grâce à qui la France est présente dans l'Indopacifique, n'aient pas été consultés en amont de l'élaboration de cette stratégie, alors que des pays comme la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, qui sont membres de plein droit du Forum des îles du Pacifique, “peuvent construire des partenariats directs avec les pays et les États insulaires de la région”. C'est d'ailleurs partant de ce même constat que des élus de l'assemblée de la Polynésie ont créé, en juin dernier, une mission d'information sur l'impact des stratégies de la France dans l'espace indopacifique sur les trois collectivités françaises du Pacifique – la Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna et la Polynésie française. “Énormément de sujets évoqués portent sur l'économie, l'environnement, la coopération régionale, la recherche scientifique, la santé... Ça touche les compétences de la Polynésie française et la Polynésie française n'a pas été consultée dans l'élaboration de ce document”, indique le président de cette commission à l'APF, Philip Schyle. La semaine dernière, une délégation de la commission polynésienne s'est rendue à Nouméa pour rencontrer les membres du Congrès de la Nouvelle-Calédonie et de l'assemblée territoriale de Wallis-et-Futuna. “Tous nous ont confirmés ne pas avoir été consultés.” Et il ressort de ces rencontres une volonté commune : celle d'être “associé” à la mise en place de la stratégie. “Par exemple, quand on parle de développer la coopération régionale, ce sont des choses que nous faisons déjà de manière presque naturelle, au travers du Forum du Pacifique ou de conventions passées entre nos différentes assemblées. On est dans le Pacifique, dans un univers que l'on connaît, que l'on maîtrise, parce qu'on est Polynésiens ou Mélanésiens, donc notre souhait est que dans le cadre de la stratégie française, nous soyons associés aussi”, poursuit Philip Schyle. Le rapport d'information du Sénat préconise de “renforcer la co-gestion” de la stratégie avec les territoires ultramarins. Une recommandation accueillie “très positivement” par la commission polynésienne qui rendra son rapport avant le mois de mai, “avant la fin de la mandature”. Il devrait être accompagné de préconisations adressées aux autorités du Pays, mais aussi à l'État.
Enfin, le rapport sénatorial regrette que les DROM-COM, grâce à qui la France est présente dans l'Indopacifique, n'aient pas été consultés en amont de l'élaboration de cette stratégie, alors que des pays comme la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, qui sont membres de plein droit du Forum des îles du Pacifique, “peuvent construire des partenariats directs avec les pays et les États insulaires de la région”. C'est d'ailleurs partant de ce même constat que des élus de l'assemblée de la Polynésie ont créé, en juin dernier, une mission d'information sur l'impact des stratégies de la France dans l'espace indopacifique sur les trois collectivités françaises du Pacifique – la Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna et la Polynésie française. “Énormément de sujets évoqués portent sur l'économie, l'environnement, la coopération régionale, la recherche scientifique, la santé... Ça touche les compétences de la Polynésie française et la Polynésie française n'a pas été consultée dans l'élaboration de ce document”, indique le président de cette commission à l'APF, Philip Schyle. La semaine dernière, une délégation de la commission polynésienne s'est rendue à Nouméa pour rencontrer les membres du Congrès de la Nouvelle-Calédonie et de l'assemblée territoriale de Wallis-et-Futuna. “Tous nous ont confirmés ne pas avoir été consultés.” Et il ressort de ces rencontres une volonté commune : celle d'être “associé” à la mise en place de la stratégie. “Par exemple, quand on parle de développer la coopération régionale, ce sont des choses que nous faisons déjà de manière presque naturelle, au travers du Forum du Pacifique ou de conventions passées entre nos différentes assemblées. On est dans le Pacifique, dans un univers que l'on connaît, que l'on maîtrise, parce qu'on est Polynésiens ou Mélanésiens, donc notre souhait est que dans le cadre de la stratégie française, nous soyons associés aussi”, poursuit Philip Schyle. Le rapport d'information du Sénat préconise de “renforcer la co-gestion” de la stratégie avec les territoires ultramarins. Une recommandation accueillie “très positivement” par la commission polynésienne qui rendra son rapport avant le mois de mai, “avant la fin de la mandature”. Il devrait être accompagné de préconisations adressées aux autorités du Pays, mais aussi à l'État.