Les médecins revendiquent leur « indépendance » sur la chloroquine


Le président du conseil de l'ordre des médecins, Raymond Bagnis.
Tahiti, le 13 avril 2020 - Suite à l’arrêté du 8 avril réglementant les prescriptions de chloroquine en Polynésie française, le conseil de l’ordre des médecins a réagi samedi via un communiqué en rappelant qu’il s’opposait avec « fermeté » à toute « volonté de contrevenir au principe fondamental de l’indépendance du médecin ».

Le conseil de l’ordre des médecins a réagi samedi à la décision du gouvernement de réglementer la prescription de médicaments à base de chloroquine lors du conseil des ministres de mercredi dernier. A l’époque, le gouvernement avait pris un arrêté « encadrant strictement » la prescription par les médecins et la dispensation par les officines de pharmacie « des spécialités pharmaceutiques Plaquenil, Nivaquine, Kaletra ainsi que les préparations à base d'hydroxychloroquine, de chloroquine ou à base de l'association lopinavir/ritonavir ». Le médicament étant actuellement en phase de test dans le cadre de la lutte contre le coronavirus. Le gouvernement indiquait en effet « constater une augmentation de la prescription de ces médicaments par des médecins libéraux et de leur dispensation par des pharmacies, au dela du nombre de prescriptions necessaires pour le traitement des patients dans les indications autorisées pour leur mise sur le marché ». Une « dérive » à l’origine de rupture de stocks de ce type de médicaments.

Dans un communiqué diffusé samedi, le président du conseil de l’ordre des médecins de la Polynésie française, le docteur Raymond Bagnis, riposte et répond à cette mesure en rappelant que l’ordre des médecins considère qu’ « aucune contrainte politique, administrative ou organisationnelle, ne peut imposer à un médecin des critères de prise en charge prédéterminés par d’autres acteurs ». Le conseil de l’ordre, qui avait pourtant caractérisé quelques semaines plus tôt la prescription de la chloroquine comme étant une « faute », s’oppose avec fermeté à « toute volonté de contrevenir à ce principe fondamental qu’est l’indépendance du médecin dans sa prise de décision ».

Règles de base

Contacté, le vice-président du Conseil de l’ordre des médecins, le docteur Nedim Al Wardi, tempère cette prise de position : “Il y a un mois, le Conseil de l’ordre des médecins avait dit que c’était une faute de prescrire ce médicament. Nous revenons là-dessus, ça ne l’est pas. D’autant plus qu’aujourd’hui, le journal officiel autorise la prescription à l’hôpital et nous disons donc à ces médecins hospitaliers qu’ils ne sont pas en faute s’ils prescrivent ce médicament. Si, plus tard, grâce à l’avancée des recherches, les médecins de ville obtiennent aussi le droit de le prescrire, ils pourront également le faire”.
 
Pour le docteur Al Wardi, “On ne sait pas encore si la chloroquine guérit ou pas” : “Mais il y a une chose sur laquelle nous sommes tous d’accord, c’est que cela négative les résultats au bout de dix jours dans 90% des cas. Ce qui veut dire que ça peut également avoir un intérêt dans le cadre du déconfinement. Quand on sait que des patients peuvent être porteurs au bout de trois semaines, cela signifie que l’on aura beaucoup de mal à sortir du confinement. Si jamais nous avons un jour l’autorisation de prescription de ce médicament pour les médecins de ville, cela restera encadré par des règles strictes car nous avons vu des prescriptions faites en dehors de tout prélèvement ou de manière préventive et cela n’est pas acceptable. Si l’on veut suivre ce que fait le Professeur Raoult, il faut aller jusqu’au bout. Il le dit bien : les gens doivent être contaminés et présenter des symptômes pour bénéficier d’un tel traitement. Ce sont des règles qui devront être bien suivies. Pour pouvoir autoriser la prescription chez les médecins de ville, il faudra que nous ayons la possibilité d’avoir des prélèvements massifs, c’est ce qui nous manque actuellement.”
 

Rédigé par Garance Colbert le Lundi 13 Avril 2020 à 19:16 | Lu 5430 fois