Les internes en médecine dans la rue pour ne pas être envoyés dans les déserts médicaux


Crédit Ludovic MARIN / AFP
Paris, France | AFP | vendredi 14/10/2022 - Appelés à la grève par leurs syndicats, les internes en médecine manifestent vendredi après-midi devant le ministère de la Santé, pour protester contre l'allongement de leurs études d'une année, "en priorité" dans les déserts médicaux.

Les carabins se sont donné rendez-vous devant le ministère de la Santé à partir de 14h00, à l'appel de l'Intersyndicale nationale des internes (Isni) et celle des internes de médecine générale (Isnar-IMG), qui réclament le retrait de la mesure instaurant une quatrième année d'internat pour les futurs médecins généralistes.

Une année "de consolidation", qui serait effectuée "en priorité dans des zones où la démographie médicale est sous‑dense" -selon le projet de budget de la Sécurité sociale pour 2023- et qui provoque depuis trois semaines la colère des intéressés.

Cette grogne a fini par rattraper le ministre de la Santé: en déplacement dans un hôpital parisien vendredi matin, François Braun a été cueilli dès son arrivé par une jeune praticienne portant un dossard "internes en grève", qui lui a lancé que cette réforme "ne va pas aider" les étudiants, a observé un journaliste de l'AFP.

"On aimerait exercer notre métier comme on le souhaite (et) être reconnus à notre juste valeur (avec) un salaire correct", a expliqué l'interne.

"C'est vraiment un malentendu", a rétorqué le ministre, assurant qu'"il n'y a jamais eu de condition d'obligation", mais plutôt des "incitations financières" pour que cette année supplémentaire soit effectuée dans les déserts médicaux.

"Tout le monde était d'accord" pour allonger l'internat, a-t-il affirmé, soulignant que l'objectif est de garantir aux futurs généralistes "des formations adaptées" et se posant en "fervent défenseur de la liberté d'installation" des médecins.

"Mépris systématique"

En attendant le résultat de la mission confiée à quatre professionnels "de terrain", le gouvernement n'entend donc pas modifier le fond de sa réforme. Lors de l'examen du texte cette semaine à l'Assemblée nationale, l'article contesté a d'ailleurs été validé par les députés de la commission des Affaires sociales, avec quelques amendements formels, notamment sur l'encadrement des étudiants par des maitres de stage exerçant dans le même "bassin de vie".

Pas de quoi contenter l'Isni, qui "conteste la logique, comme la méthode" de l'exécutif et dénonce dans un communiqué une volonté des pouvoirs publics "de limiter l'installation et les modes d'exercice des futurs praticiens"

Sa présidente Olivia Fraigneau, qui fera partie d'une délégation reçue vers 16h00 par la directrice de cabinet de François Braun, entend lui rappeler son "opposition viscérale à toute politique coercitive" et "le mécontentement des internes face au mépris systématique dont ils font l'objet".

Elle sait déjà pouvoir compter sur le renfort de ses aînés. Du côté des hôpitaux, la CGT, la CFE-CGC, mais aussi les praticiens d'APH, les urgentistes de l'Amuf et les anesthésistes du SNPHARE ont annoncé leur participation à la manifestation devant le ministère.

Chez les libéraux, la CSMF (première organisation de la profession) a approuvé la grève des internes, jugeant "irresponsable" de les envoyer seuls dans des déserts médicaux. "Soutien total" également du SML, qui considère que la mesure revient à faire "porter sur les épaules de la jeunesse le poids de 25 ans d'erreurs des gouvernements successifs".

Le principal syndicat de spécialistes, Avenir Spé, est du même avis, "parce que ce n'est pas la bonne solution", a estimé son président Patrick Gasser lors d'une conférence de presse jeudi. "Vous n'envoyez pas un jeune en formation dans un lieu où l'exercice est encore plus difficile", a-t-il insisté.

Plus mesuré, le premier syndicat de généralistes, MG France, partage "l'inquiétude des étudiants", tout en réclamant "une quatrième année répondant à leurs légitimes attentes".

Une ligne aussi défendue dans un communiqué par l'Ordre des médecins, "attaché" à "rendre effective (cette) phase de consolidation" dans toutes spécialités "y compris la médecine générale". Mais qui ne saurait "en aucun cas être envisagée comme une réponse rapide aux difficultés d'accès aux soins", prévient l'institution.

le Vendredi 14 Octobre 2022 à 06:09 | Lu 383 fois