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Les indépendantistes polynésiens entendus à l’ONU, que font les autonomistes ?


Oscar Temaru et Richard Tuheiava lors de leur audition devant la Quatrième commission de l'ONU ce mardi 8 octobre 2013.
Oscar Temaru et Richard Tuheiava lors de leur audition devant la Quatrième commission de l'ONU ce mardi 8 octobre 2013.
NEW YORK, mercredi 9 octobre 2013. La 68e session de l’ONU qui vient de s’ouvrir est une période de transition et d’études en ce qui concerne la situation de Polynésie française réinscrite depuis le 17 mai dernier sur la liste des territoires non autonomes. L’assemblée générale de l’ONU a confié en juin dernier à sa Quatrième commission, chargée des questions de décolonisation, «de poursuivre l’examen de la question du territoire non autonome de la Polynésie française, et de lui présenter un rapport à ce sujet à sa soixante-neuvième session» c’est-à-dire qu’officiellement l’assemblée générale de l’ONU ne devrait plus prendre de résolution au sujet de la Polynésie avant septembre 2014. Durant une année par conséquent, ce sera à ce Comité spécial d’obtenir des informations sur notre territoire afin d’en faire un rapport circonstancié à l’assemblée générale l’an prochain.

En attendant, après des années de tentatives infructueuses, la réinscription de la Polynésie française sur la liste onusienne des territoires non autonomes en mai dernier, a donné des ailes aux leaders indépendantistes polynésiens qui ne se privent pas de cette nouvelle tribune internationale pour faire valoir leurs positions. Ainsi, au nom de l’UPLD, l’ex président polynésien Oscar Temaru et Richard Tuheiava, tous deux élus d’opposition de l’assemblée de Polynésie française ont exprimé le 13 septembre dernier la volonté d’être auditionnés par la Quatrième commission. L’audition des élus indépendantistes polynésiens a été acceptée le 3 octobre dernier et l’entretien a eu lieu ce mardi 8 octobre à New York (voir en encadré).

Mais, cette tribune internationale auprès de la Quatrième commission onusienne n’est pas uniquement réservée aux partisans de l’indépendance. Il est courant, dans les comptes-rendus publiés régulièrement sur la situation de ces 17 territoires non autonomes, de voir s’affronter des thèses politiquement contraires : celles de représentants de l’indépendance contre celles de ceux qui souhaitent le statu quo, voire même une intégration à la «puissance administrante». Ce qui ne s’est encore jamais vu au sujet de la Polynésie. Certes, la nouvelle majorité a fait envoyer à l’assemblée générale de l’ONU un vœu exprimant le refus de la nouvelle majorité polynésienne au sujet de cette réinscription. Mais physiquement aucun émissaire, représentant le peuple polynésien et d’appartenance autonomiste, n’a jamais fait la démarche de se faire entendre auprès des instances de l’ONU. En juin dernier le séminaire annuel de la décolonisation organisé à Quito par le Comité spécial n’a vu passer que Richard Tuheiava… Pourtant, le texte de la résolution adoptée le 20 juin dernier par l’assemblée générale de l’ONU est clair et doit permettre à différents pétitionnaires de demander à être entendus par les instances onusiennes. « Sachant qu’il importe, pour que le Comité spécial comprenne mieux la situation politique des peuples des territoires et puisse s’acquitter efficacement de son mandat, au cas par cas, que cet organe soit tenu informé par les puissances administrantes et reçoive des renseignements d’autres sources appropriées, y compris des représentants des territoires, en ce qui concerne les vœux et aspirations des peuples des territoires».



Oscar Temaru et Richard Tuheiava devant le Comité spécial

La quatrième commission de l’ONU, chargée des questions de décolonisation a reçu ce mardi deux représentants de Polynésie française. Oscar Temaru et Richard Tuheiava avaient fait enregistrer une demande d’audition devant la commission le 13 septembre dernier. La demande d’audition a été acceptée le 3 octobre et s’est traduite par une intervention des deux élus polynésiens ce mardi. Les deux élus de l’UPLD sont venus argumenter devant la commission que le référendum d’autodétermination ne devait pas être organisé dans la précipitation. «Toute proposition d’organiser un référendum immédiatement sur l’indépendance reviendrait à une tentative de contourner un processus authentique d’autodétermination», a averti Oscar Temaru.

Dans le compte-rendu effectué par le service de presse de l’ONU, il est précisé qu’Oscar Temaru a exprimé toute son appréciation aux États Membres des Nations Unies pour l’adoption par consensus de la résolution 67/265 qui prévoit la réinscription de la Polynésie française/Ma’ohi Nui sur la liste des territoires non autonomes. Cette action a corrigé une «injustice de 60 ans», a-t-il déclaré, soulignant que la Puissance administrante a perpétué l’illusion de l’autonomie du territoire bien que celle-ci ne respecte pas les normes minimales définies par la résolution 1514 (XV). La population et les îles ont été sujettes à 30 ans d’essais nucléaires qui ont eu un impact dévastateur sur la santé et l’environnement. L’évaluation des effets de ces essais doit impliquer les institutions internationales pertinentes pour que des indemnisations adéquates soient octroyées aux victimes et à leur famille, a dit M. Temaru. Il a accusé la Puissance administrante de continuer «ses manœuvres» pour exploiter des ressources naturelles sur lesquelles les populations ont «un droit inaliénable», y compris sur les ressources maritimes.

De son côté Richard Tuheieava a expliqué qu’il appuyait un processus authentique d’autodétermination qui permettrait au peuple de la Polynésie française de décider du statut politique futur du territoire. Il a reproché à la Puissance administrante d’avoir proposé, en juillet dernier, un référendum immédiat avec une seule option, l’indépendance oui ou non, sans avoir défini au préalable quels étaient les critères d’éligibilité au vote et soumis des mesures de réformes économiques et sociales pour redéfinir le modèle de développement. L’intention véritable de cette proposition est de conserver les arrangements coloniaux existants en faisant fi des aspirations légitimes à l’indépendance de notre territoire et en méprisant les mécanismes onusiens existants et ceux du droit international, a-t-il affirmé.

Il a expliqué que depuis lors, une évaluation de l’auto-gouvernance du territoire avait identifié les déséquilibres dans les arrangements coloniaux. Ce qui est nécessaire, a-t-il tranché, c’est une campagne de sensibilisation du public aux options politiques légitimes possibles, avec l’aide de l’ONU. Un référendum organisé par la Puissance administrante serait, en effet, un cas classique de conflit d’intérêt incompatible avec la doctrine du transfert des pouvoirs prévue dans la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, a argué le pétitionnaire. Il est également revenu sur l’impact sur la santé et l’environnement des essais nucléaires menés par la Puissance administrante et a exigé une indemnisation adéquate des survivants, tel que stipulé dans le projet de résolution dont est saisie la Commission.

La vidéo de l'intervention de MM. Oscar Temaru et Richard Tuheiava devant la Quatrième commission de l'ONU est disponible en Webcast (à partir de 7'25"), CLIQUER ICI

Rédigé par Mireille Loubet le Mercredi 9 Octobre 2013 à 10:34 | Lu 3398 fois