Les impacts environnementaux du complexe de Hao ne mobilisent pas les foules


Le dossier de l'étude d'impact sur l'environnement du complexe aquacole de Hao et le registre pour y noter commentaires et questions, est disponible jusqu'au 15 avril au service de l'urbanisme, à la direction des affaires foncières, à la direction des affaires marines et à la direction de l'environnement. La consultation est publique.
PAPEETE, le 11 avril 2016. La consultation publique de l'étude d'impact sur l'environnement du projet aquacole de Hao est ouverte jusqu'à ce vendredi, le 15 avril. A Hao, la population de l'atoll s'est manifestée pour commenter le document disponible à la mairie du village de Otepa et poser des questions. Mais à Tahiti, quasiment personne n'est s'est s'intéressé de près à l'étude effectuée.

C'est l'un des projets d'investissements importants de la Polynésie française des prochaines années. Un dossier dont les chiffres annoncés jusqu'ici ont de quoi donner le tournis : 150 milliards de Fcfp d'investissement, 50 000 tonnes de poissons élevés dans le lagon de Hao qui seront préparés et conditionnés uniquement pour de l'exportation. Un projet gigantesque avec des capitaux chinois, sur plus de 35 hectares de l'atoll, qui a déjà fait couler beaucoup d'encre et stimulé de nombreuses remarques. Positives pour ceux qui mettent en avant l'emploi sur un atoll sinistré depuis le départ de l'armée française ; mais aussi des remarques négatives pour ceux qui craignent le pillage du lagon et la pollution des eaux en raison d'une aquaculture intensive ; et enfin des commentaires inquiets ou dubitatifs pour le plus grand nombre.

Bref, pour un projet tel dont on parle depuis plus de trois ans, on aurait pu s'attendre à ce que le public, convié depuis le 10 mars dernier à consulter le volumineux dossier d'étude d'impact sur l'environnement, se déplace dans les différents services où il est disponible pour en prendre connaissance et écrire remarques et commentaires à destination des promoteurs du projet. Mais finalement, non. A la direction des affaires foncières, le registre de cette étude d'impact est absolument vierge : pas le moindre commentaire, pas le début d'une question. "Vous êtes seulement la seconde personne à venir consulter ce registre" nous indique en souriant une responsable du service en nous invitant dans la bibliothèque du service (au 4e étage de l'immeuble Te Fenua). Or, le premier curieux à être venu il y a quelques jours feuilleter l'étude d'impact n'a laissé aucun commentaire sur le registre prévu à cet effet. "C'était quelqu'un de l'Etat" glisse la responsable.

Si la consultation publique a eu de l'effet à Hao, dans les bureaux de la mairie de l'atoll, c'est d'abord parce que la population de l'île est concernée très directement. Mais aussi parce que des affiches, en mairie, rappellent la consultation en cours. En revanche, ne cherchez pas d'affichage informant des consultations ou enquêtes publiques en cours, ni au service de l'urbanisme, ni à la direction des affaires foncières à Papeete : il n'y en a pas. La communication sur ces sujets tient plus du délit d'initié que du partage d'information: il n'y a eu que trois encarts dans le journal, le strict minimum imposé par la loi. Pourtant, les intentions de la réglementation locale sont de favoriser cette information du public. "Les études d'impact sur l'environnement visent plusieurs objectifs : aider le maître d’ouvrage à concevoir un projet qui respecte l’environnement et qui s’intègre à celui-ci ; aider les autorités administratives à prendre une décision d’autorisation ou de refus du projet présenté et à déterminer, le cas échéant, les conditions de son autorisation ; permettre au public concerné par la réalisation du projet d’être correctement informé, d’émettre un avis, et de favoriser le débat social sur le projet".

Avec aussi peu de remarques et de questions posées publiquement autour de ce projet de complexe aquacole, les investisseurs chinois de Tahiti Nui Ocean Foods pourraient se frotter les mains et estimer que tout est sous contrôle. Pourtant, les démarches administratives sont loin d'être terminées pour ce gigantesque complexe aquacole et industriel. Après la phase de consultation publique qui se termine ce vendredi va démarrer l'instruction du dossier de l'étude d'impact sur l'environnement dans les différents services administratifs concernés. Tous les documents et avis doivent ensuite être transmis à la Direction de l’environnement qui émettra ses observations, recommandation ainsi qu’un avis. A ce moment-là une contre-expertise peut encore être demandée pour préciser davantage certains aspects restés obscurs. C'est pourquoi, la délivrance du permis de construire de cette usine d'élevage et de conditionnement de poissons sur l'atoll est encore loin d'être effective. Au mieux, les permis de terrassement pourraient être délivrés en juin prochain. Pour le reste, il faudra attendre le dernier trimestre 2016.

Edouard Fritch et une délégation polynésienne en Chine en fin de semaine

A peine la consultation publique sur cette étude d'impact de l'environnement sera-t-elle achevée qu'une délégation polynésienne a prévu de se rendre en Chine dès la fin de cette semaine pour rencontrer les investisseurs chinois du groupe Tian Rui. En effet, l'étude d'impact sur l'environnement du projet de complexe aquacole a soulevé des interrogations et mis en évidence certaines imprécisions. Le gouvernement polynésien sait aussi qu'il va falloir ajuster certains de ses textes, voire même en rédiger d'autres en intégralité pour encadrer au mieux une activité d'aquaculture à une échelle qui n'a encore jamais été réalisée en Polynésie française. Dès ce vendredi, une délégation polynésienne doit se rendre en Chine pour discuter avec les investisseurs chinois basés à Shanghai : un rendez-vous est d'ores et déjà fixé ce samedi 16 avril et diverses rencontres avec le P-dg Wang Chen sont prévues durant une semaine. Dans cette délégation, il y aura à la fois des techniciens et des fonctionnaires de différents services du Pays, mais aussi Tearii Taputuarai le directeur général de la société Coco Group Engineering, mandataire local du porteur de projet et enfin le cabinet d'études Pae Tai Pae Uta, qui a rédigé l'étude d'impact environnemental. Selon nos informations, le président Edouard Fritch sera présent également dans cette délégation.

Dialogue de sourds au service de l'urbanisme

Pouvoir consulter l'étude d'impact sur l'environnement sur ce projet de Hao au service de l'urbanisme à Papeete (au Centre Administratif) n'a pas été une tâche facile, ce lundi matin. Selon la réglementation, les dossiers sont en consultation publique tous les jours, aux heures normales d'ouverture des bureaux. Pas besoin de s'annoncer à l'avance, ni de prendre rendez-vous. Pourtant, surprise ! Ce lundi matin, l'accueil du service de l'urbanisme nous informe que "la dame qui s'occupe de ça est en formation toute la journée" et propose de remettre la lecture du document au lendemain. Quand on insiste, on se retrouve dans le bureau d'une responsable adjointe qui ne sait pas d'une part, si la consultation est encore ouverte (elle l'est jusqu'au 15 avril) et, d'autre part, ignore où se trouve le dossier en question. Quand on insiste encore, puisque le dossier doit effectivement être en consultation publique aux heures ouvrables du service, elle se braque, dénonce les restrictions de personnel, passe quelques coups de fils. Et miracle ! Le dossier de consultation publique est retrouvé dans le bureau "Etudes & Plans" et mis à notre disposition 45 minutes après la demande initiale effectuée à l'accueil. On ne trouve qu'un seul commentaire sur le registre prévu. Apparemment, le public ne s'est pas bousculé non plus au service de l'urbanisme pour aller consulter l'étude d'impact sur l'environnement du projet aquacole de Hao.

Rédigé par Mireille Loubet le Lundi 11 Avril 2016 à 17:26 | Lu 2058 fois