Les "graves lacunes" de la SEM Vavi relevées par la CTC


Dominique Auroy, directeur de la Sedep, et Clarenntz Vernaudon, maire de Taiarapu Ouest en 2006.
PAPEETE, le 6 décembre 2016. Dix ans après sa création, la SEM Vavi n'a jamais distribué d'eau potable à la commune de Taiarapu Ouest. Un résultat épinglé par la chambre territoriale des comptes. Les spécialistes mettent en avant "les graves lacunes" du projet.

La chambre territoriale des comptes (CTC) a publié ce lundi son rapport sur la gestion de la SEM Vavi de 2006 à 2014. Cette SEM, associant la commune de Taiarapu-Ouest et le bureau d’études Sedep, est créée en 2006 afin d’assurer l’approvisionnement des administrés en eau potable par forages, et de produire de l’hydroélectricité pour réduire le coût de fonctionnement des forages en générant des recettes par la vente du surplus. Le rapport de la CTC montre que le fonctionnement de la SEM va être pour le moins chaotique.

Dix ans après sa création, "l’eau distribuée n’est toujours pas potable et le service public est assumé par la commune", soulignent les experts de la CTC. "Les seules réalisations connues de la SEM résident à ce jour dans les études, restées à ce jour sans suite par rapport à son objet".

La création de cette Sem était pourtant à l'origine une bonne idée. La commune n'arrivait pas assurer, en régie, un approvisionnement régulier en eau de qualité. Créer une SEM présentait alors deux avantages : la SEM, contrairement à la commune, peut bénéficier de la défiscalisation et cela dégage la commune de la gestion des travaux et du recouvrement des redevances.

Mais, pour la CTC, dès le départ, il y a un eu "un manque d’anticipation de la part de ses concepteurs". Premier oubli : "le prix de rachat du surplus d’électricité qui serait produit par la SEM n’a jamais été fixé". Sans plan de financement, pas de défiscalisation Girardin, ni de prêt.

Résultat, en 2008, la commune sollicite le contrat de projets Etat-Pays. La première partie des travaux est alors réalisée par la commune. Dès 2008, "l’opportunité du maintien de la SEM aurait dû alors se poser", relève la CTC. La phase 1 achevée, la commune a de nouveau sollicité en 2015 le contrat de projets. "La situation financière de la SEM, aujourd’hui déficitaire et dépourvue de recettes en l’absence de tout fonctionnement, pose aujourd’hui la question de la poursuite de son activité. En effet, la société n’est plus en état de faire face au paiement de ses charges de fonctionnement", relève la chambre.

Après avoir engagé une procédure tendant à la liquidation judiciaire puis s’être désistée, la SEM n’a toujours aucune visibilité sur son devenir. Les actionnaires demeurent en désaccord sur la poursuite de l’activité. "En tout état de cause, la SEM n’est plus en mesure de faire face à ses charges, qui s’accroissent mécaniquement", relève la chambre.



Une turbine à 38 millions payée… mais pas livrée

A peine le contrat de concession signé le 13 octobre 2006, une turbine et des alternateurs ont été commandés le 20 octobre 2006, soit sept jours plus tard. Une commande rapide alors que la SEM n'avait pas assuré sa viabilité économique en fixant le prix de rachat de l'électricité. On pourrait imaginer que la SEM avait hâte de recevoir son colis. Et bien non… "Dans l’attente du démarrage effectif des projets, le conseil d’administration de la SEM a opté pour un stockage chez le fournisseur allemand, sous réserve du paiement mensuel des frais de stockage", rappelle la chambre territoriale des comptes. En 2011, le fournisseur indique qu'en absence de nouvelles de la SEM, la turbine serait détruite… Une destruction qui a finalement bel et bien eu lieu…

Dominique Auroy : de l'hydroélectricité à la collecte des déchets

L'histoire de la SEM Vavi fait penser à la SEM Haapape. Derrière ce projet, présenté en 2006 au conseil municipal, la société d’études et de développement polynésienne (Sedep), dirigée par Dominique Auroy. La chambre territoriale des comptes a aussi examiné la gestion de cette Sem entre 2007 et 2010. Elle avait notamment examiné le contrat qui liait la Sedep et la SEM, un lien qu'elle avait jugé "durable, autant par la durée du contrat qui est de cinq ans, que par ses modalités de reconduction". Finalement en 2013, la commune a racheté les parts de la Sedep pour reprendre la main sur la gestion de l’eau de sa commune.

De l'électricité produite à partir de l'eau à celle produite par le vent, il n'y avait qu'un pas pour Dominique Auroy. Là encore tout a commencé en 2006. Il y a dix ans, Te Mau Ito Api devient une société d'économie mixte (SEM) et se fait fort de produire son énergie à partir d’un hybride entre l’éolien et le thermique, sur l’île de Makemo. L’électricité ainsi obtenue devait servir à alimenter les foyers de cet atoll, à prix conventionnels.

La société, délégataire de service public pour la fourniture d’énergie électrique sur l’atoll, est alors détenue à hauteur de 66% par le Pays, le reste du capital étant réparti entre la SPRES et la Société d'Etudes et de Développement Polynésienne (SEDEP), détenues par l’homme d’affaires Dominique Auroy.

Mais, incapable, faute de trésorerie, d’assurer la maintenance de ses éoliennes en panne, la SEM s'est trouvée contrainte de produire une électricité exclusivement d’origine thermique, au moyen de groupes électrogènes de secours. En janvier, le Pays a décidé d’engager la dissolution de la société mixte Te Mau Ito Api.
L'homme d'affaires, à la tête du groupe de La Dépêche de Tahiti, a aussi essayé de se lancer dans l'hydroélectricité en Afrique. En 2010, au Gabon, l’entrepreneur avait remporté deux projets de barrage hydraulique. Finalement, faute d'avancée, l'Etat gabonais a résilié le contrat.

Dominique Auroy, en tant que président directeur général de la Société de valorisation des ordures ménagères du Gabon (SOVOG), s'est aussi lancé dans la gestion des déchets à Libreville malheureusement sans réussir à faire place nette. Fin 2012, face à l’état d’insalubrité chronique de la capitale, l’État gabonais a décidé d’acquérir 70% du capital de la Sovog.

le Mardi 6 Décembre 2016 à 09:28 | Lu 4850 fois