Les grands défis du gouvernement


Le gouvernement a de nombreux défis devant lui s'il veut réaliser le programme pour lequel il a été élu aux dernières élections territoriales. © Philippe Colignon
Tahiti, le 16 mai 2023 - Aussitôt présenté à la presse lundi matin, le gouvernement du président Moetai Brotherson a entamé dès l’après-midi la passation des dossiers avec les ministres du précédent gouvernement d’Édouard Fritch. Le Président a tenu à être présent à chacune des passations avec les ministres concernés. L'occasion pour Tahiti Infos de s'arrêter sur les grands dossiers qui attendent la nouvelle équipe gouvernementale… Et ils sont nombreux.

Moetai Brotherson

© Présidence
Le président de la Polynésie française s’est alloué les portefeuilles du Tourisme, des transports aériens internationaux, de l’égalité des territoires, des affaires internationales, du développement des archipels, de l’économie numérique et des conséquences des essais nucléaires. Une charge conséquente pour l’ancien député, et qui va le conduire à gérer des dossiers très variés. Il surveillera ainsi les nouvelles lignes aériennes internationales et participera aux discussions avec l’État qui souhaite la mise en place d’une nouvelle ligne, spéciale Outre-mer. Il devra s’occuper en outre de l’épineux problème de la concession aéroportuaire de Tahiti-Faa’a et de la gestion des aérodromes des archipels. 

Côté tourisme, il devra se prononcer sur les différents projets comme le Village tahitien ou encore le projet de Temae. En ce qui concerne l’égalité des territoires et le développement des archipels, Moetai Brotherson va devoir composer avec les Marquisiens, de plus en plus enclins à fonctionner de leur côté, et revenir sur le CGCT [ le Code général des collectivités territorial, NDLR] que le Tavini n’a jamais vu d’un bon œil et que les élus bleus dans les mairies n’ont jamais été prompts à mettre en œuvre, au détriment d’une collecte des ordures convenable, d’une distribution d’eau potable gérée et d’une adduction en eaux usées collective.

Au rayon des affaires internationales, ce sont évidemment les relations avec l’État qui vont composer le quotidien du président. La question de la décolonisation, mais aussi les appétits chinois dans le Pacifique seront les deux terrains de discussion que Moetai Brotherson aura avec Paris.

L’économie numérique sera aussi son dada, lui qui vient de ce secteur. Il aura fort à faire pour redresser les comptes de la maison OPT avec Vannina Crolas, ministre de tutelle. Enfin, le nucléaire, bien sûr, fer de lance du combat indépendantiste. De nombreuses demandes figurent dans le programme du Tavini, notamment le paiement par l’État des frais de santé engagés par la CPS pour le traitement des malades polynésiens de cancers radio-induits. Un vieux débat que l’État tentera d’étouffer derrière les dotations globales (DGA, 3e instrument financier, etc.) et la solidarité nationale.

Quelques propositions du programme du Tavini : 
• Démission d’office des élus en cas de condamnation ou de changement de parti politique ;
• Donner un pouvoir de proximité aux communes ;
• Rendre au Pays les compétences de traitement des déchets et eaux usées ;
• Transformer toutes les communes associées en communes de plein exercice ;
• Supprimer la prime majoritaire ;
• Assurer le remboursement par l’État français de toutes les dépenses de santé liées aux maladies radio-induites ;
• Mettre en œuvre pacifiquement le processus de décolonisation.
• Transformer chaque mairie en centre culturel.
• Attirer les géants du numérique.

Eliane Tevahitua

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La nouvelle ministre de la Culture a fait sa passation de dossier lundi après-midi avec Heremoana Maamaatuaiahutapu. À ce titre, le dossier complet du classement des Marquises à l’Unesco lui a été transmis. Un point sur ce dossier en cours a été fait, ainsi qu’un suivi du classement de Taputapuātea et du projet concernant le ‘Ori Tahiti au titre du patrimoine immatériel. Il a aussi été question du projet de la médiathèque de Paofai, du projet d’extension du conservatoire, de la poursuite du projet du Musée de Tahiti et des îles dont la nouvelle salle a été inaugurée en début d’année, du fonctionnement de l’artisanat, de ses moyens, et du statut des artisans. Les nombreux dossiers relatifs à l’environnement, à la gestion des déchets, à la dépollution des atolls perlicoles et à la protection des ressources océaniques ont également été passés en revu. 
Si l'enseignement supérieur ne devrait pas poser de soucis majeurs – mis à part la gestion des étudiants polynésiens dans l'hexagone et à l'étranger –, le dossier du foncier sera un autre casse-tête pour elle. Les indivisions restent nombreuses, sources de conflits intrafamiliaux, et bloquent bien souvent des projets, privés et publics.
Enfin, elle a à sa charge la gestion des institutions. Si gérer les rapports avec les élus de l'assemblée devrait être chose aisée (malgré les différences de courants au sein du Tavini), elle devra sortir le Conseil économique, social, environnemental et culturel (Cesec) de l'ornière puisque les élus ne se sont pas réunis depuis près de 10 mois. 

Quelques propositions du programme du Tavini : 
• Interdire les ventes de terres à des non-résidents ;
• Restituer les terres présumées domaniales à leurs propriétaires ;
• Apprendre l'histoire de notre peuple, ses sites, contes, légendes… ;
• S'orienter vers les énergies renouvelables ;
• Développer la recherche et déployer des techniques de constructions simples, économiques, écologiques et traditionnelles.

Vannina Crolas

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Ministre de la Fonction publique et de la modernisation de l'administration, Vannina Crolas aura sous sa responsabilité les 4 300 agents titulaires de la fonction publique polynésienne, sans compter les nombreux agents non-titulaires qui parsèment les services faute de recrutements locaux ou de compétences locales. Titulaire des portefeuilles de l'Emploi et du Travail, la nouvelle ministre devra relever la barre d'une situation peut-être plus problématique que prévue. Malgré les chiffres de la croissance de l'emploi, portés par ceux de la reprise du tourisme, et la bulle fictive créée par les CVD (Corps de volontaires au développement) la situation de l'emploi stagne en Polynésie française. 
Son maroquin lui associe aussi la formation professionnelle qu'il faut revoir dans de nombreux domaines.

Quelques propositions du programme du Tavini : 
• Garantir la priorité d'embauche aux résidents locaux en mettant en place la citoyenneté polynésienne ;
• Développer les chèques services et le fonds solidaire entreprise ;
• Mettre en place un observatoire de l'emploi et de la formation ;
• S'appuyer sur la main d'œuvre locale pour développer la pêche.

Minarii Galenon

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Ministre des Solidarités et du Logement, Chantal Galenon va reprendre en main le fortin de l’Office polynésien de l’habitat (OPH). La condition féminine, les violences intrafamiliales et la situation des sans-abris seront aussi le quotidien d'une femme de terrain, qui a le corps associatif chevillé au cœur, mais aura la difficile tâche, justement, de faire la part des choses entre ses engagements bénévoles et sa fonction politique.

Quelques propositions du programme du Tavini : 
• Reconnaissance des besoins et des droits des personnes en situation de handicap ;
• Intensifier les constructions OPH ;
• Supprimer les opérateurs de logements sociaux privés ;
• Établir la gratuité vestimentaire et alimentaire en faveur des plus démunis.

Tevaiti Pomare

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Nouveau grand argentier du Pays, Tevaiti Pomare n'est étrangement que cinquième dans l'ordre protocolaire du nouveau gouvernement. Ministre de l'Économie, du budget et des finances, en charge des énergies, plusieurs dossiers seront à son quotidien. Lundi, il a rencontré son prédécesseur, Yvonnick Raffin pour la traditionnelle passation. Un tour complet des dossiers en instance et de leurs échéances a été fait, qu’il s’agisse de fiscalité, de finances publiques, d’énergie, d’économie ou de la Protection sociale généralisée (PSG). La situation des comptes administratif 2022 et des comptes spéciaux a été abordé ainsi que la situation de la trésorerie du Pays – excédentaire selon l'équipe gouvernementale précédente –, et le prochain collectif budgétaire prévu en juin. La situation de la PSG et de son financement a été un gros morceau, ainsi que l’état d’avancement du plan de relance 2021-2023, la poursuite des conventions État-Pays dont certaines échoient bientôt, la notation de l’agence Moody’s en cours, la situation du Fonds de régulation des hydrocarbures (FRPH) ou encore le contrôle des prix.

Quelques propositions du programme du Tavini : 
• Suppression de la TVA sociale ;
• Réviser la liste des PPN et des PGC ;
• Élargir la liste des produits bloqués ;
• Étudier une taxation des grosses successions ;
• Taxer les investisseurs de spéculation ;
• Taxer la fuite des capitaux ;
• Favoriser la mise en place de monnaies propres à chaque territoire.

Taivini Teai

© Présidence
Ministre du secteur primaire, Taivini Teai prend le relais de Tearii Alpha. Première mission pour cet universitaire : se familiariser avec la chose administrative et politique afin de plonger dans un secteur qu'il connaît bien, mais à la gestion politique bien différente. La crise de la perle, le secteur de la vanille très fluctuant, la filière coco à repenser, la filière bois à consolider sont autant de sujets qu’il aura à prendre à bras le corps. 
Concernant la santé des Polynésiens, Taivini Teai a aussi une grande partition à jouer. La remise en route de la filière locale, à prix raisonnables, sinon normaux, sera un vrai challenge pour lui afin que le “consommer local et consommer sain” ait une autre valeur que pécuniaire. 

Quelques propositions du programme du Tavini : 
• Protéger a minima 30% des espaces naturels ;
• Pratiquer une agriculture durable ;
• Consommer des aliments locaux ;
• Mettre en place le hub aquacole de Hao ;
• Légaliser l'usage thérapeutique et industriel du cannabis et exporter vers les pays demandeurs.

Ronny Teriipaia

© Présidence
L'agrégé en reo tahiti est-il taillé pour le ministère de l'Éducation ? Ce sera à lui de prouver qu'il peut diriger l'enseignement en Polynésie française avec ses spécificités, tantôt de compétence territoriale, tantôt de compétence nationale. Interrogé en conférence de presse lundi sur l'absentéisme des enseignants et les capacités de remplacements qui les accompagnent, le nouvellement nommé avait botté en touche mais a désormais trois mois pour anticiper les nouvelles plaintes des parents d'élèves sur les professeurs non remplacés. 
De plus, reprendra-t-il le chantier lancé par Christelle Lehartel (“Inventons l'école polynésienne du XXIe siècle”) ? Il consistait à revoir les rythmes scolaires, réussir la scolarisation à trois ans, modifier les obligations réglementaires de service des enseignants et revoir les missions des directeurs.
Avec un taux de décrochage scolaire chaque année plus important, le ministre devra aussi s'occuper des réformes en préservant le plus important : donner une chance de réussir à tout un chacun.

Quelques propositions du programme du Tavini : 
• Rendre les écoles multilingues (reo obligatoire jusqu'en terminale avant de devenir à terme la langue d'enseignement) ;
• Valorisation des CJA, MFR, Centres des métiers d'art, enseignement professionnel ;
• Aménager le calendrier et les horaires scolaires pour une meilleure réussite ;
• Instaurer la gratuité de la cantine scolaire ;
• Constituer un parc de logements étudiants à Tahiti, en France et dans les autres pays.

Cédric Mercadal

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Le nouveau ministre de la Santé a une chance qui est aussi une déveine considérable : celle de gérer un secteur après une pandémie mondiale. Si la maison santé polynésienne tient encore debout, il sera sollicité de toutes parts : Protection sociale généralisée, désertification médicale dans certains archipels, manque de personnels soignants dans les hôpitaux et fatigue de ce même personnel soignant, au four et au moulin pendant les trois dernières années frappées par le sceau de la pandémie de Covid. 
Avec son collègue Taivini Teai, ministre du secteur primaire, il devra aussi redresser la santé des Polynésiens, fortement touchés par les maladies non transmissibles comme le diabète.

Quelques propositions du programme du Tavini : 
• Faciliter le renouvellement de la couverture sociale ;
• Rénover et pérenniser les hôpitaux périphériques (Taravao, Moorea, Raiatea, Nuku Hiva) ;
• Développer les structures d'accueil et de soins pour les personnes en situation d'obésité ;
• Revoir le système de santé en redonnant sa place à l'hôpital avec des moyens redimensionnés et adaptés ;
• Restructurer les services de santé ;
• Rouvrir l’école d’infirmière Mathilde Frébault.

Nahema Temarii

© Présidence
Fille d'un ancien ministre des Sports, Reynald Temarii, Nahema Temarii aura bien entendu les yeux rivés sur les Jeux Olympiques de 2024 dont l'épreuve de surf doit se dérouler à Teahupo'o. Si le spot du PK0 est un endroit idéal pour la compétition, le fenua doit encore faire ses preuves dans son organisation. Le manque de structures, le manque d'hébergements sont des défis de taille à relever. Derrière, Hossegor n'attend qu'une chose : que la Polynésie française fasse un wipe-out pour récupérer l'organisation au pied levé. 
Derrière se profilent aussi les Jeux du Pacifique Sud. La Polynésie française a obtenu l'organisation de l'événement en 2027 et doit préparer l'arrivée des athlètes et de leurs accompagnateurs. À titre d'exemple, plus de 5 000 athlètes de 24 pays différents sont attendus aux îles Salomon en fin d'année 2023 pour les Jeux de cette année.
Adossé à ce ministère des Sports, celui de la jeunesse et de la prévention contre la délinquance. Autant dire que, là encore, il y aura fort à faire pour la jeune ministre alors que les tribunaux se remplissent quotidiennement de jeunes tombés dans l'ice, volant ou étant violents pour se fournir leurs doses. Elle devra, avec l'État et son collègue Jordy Chan, faire en sorte d'endiguer une autre violence… celle qui tue et blesse trop souvent sur les routes.

Quelques propositions du programme du Tavini : 
• Mettre en place un programme visant à éliminer la discrimination et promouvoir l'inclusion.

Jordy Chan

© Présidence
Ministre des Grands travaux, de l'Équipement, en charge des transports aériens, terrestres et maritimes, Jordy Chan a accompagné Moetai Brotherson lundi pour la passation de dossiers avec René Temeharo et Jean-Christophe Bouissou. Les dossiers principaux ont concerné le problème des épaves maritimes et la gestion des escales, mais également le code de l’aménagement et les projets de logements, pour ne citer que les principaux. Les gros chantiers en cours (gare maritime, bâtiment A3, silo de Vaiami, sécurisation des berges de Tipaerui faisant face de la passe de Papeete…) ont été évoqués, ainsi que les chantiers dans le cadre des Jeux Olympiques de 2024 à Teahupo’o, ceux projet du Village tahitien, sans oublier les projets de G2P. Les questions d'urbanisme et la mise en œuvre du Schéma d'aménagement général de la Polynésie française sont également à l’ordre du jour.

Quelques propositions du programme du Tavini : 
• Élaborer des plans d'aménagements prévenant l'urbanisation anarchique ;
• Construire un aéroport international aux Marquises ;
• Développer des fermes solaires ;
• Mettre en place un vrai système de transport routier en commun gratuit.

Rédigé par Dossier réalisé par Bertrand Prévost le Mardi 16 Mai 2023 à 23:34 | Lu 3986 fois