Les gamers de Tahiti perpétuent la tradition des LAN


Une centaine de joueurs a participé à la LAN de Tahiti Nui Arena du 5 au 7 juillet, au collège de Punaauia.
Papeete, le 11 juillet 2019 - Le grand rassemblement semestriel des joueurs de jeux vidéo polynésiens s'est déroulé le week-end dernier. La LAN de l'association Tahiti Nui Arena montre que même à l'âge des jeux 100 % en ligne, les joueurs sont toujours aussi demandeurs de ce genre d'événements physiques.

Pour un vétéran polynésien des jeux vidéo, la grande LAN organisée le week-end du 6 juillet par l'association Tahiti Nui Arena n'avait rien perdu du charme des événements organisés dans les années 1990-2000. Certes, les jeux ont changé. Pour la stratégie en temps réel, Starcraft et Dota ont été remplacés par League of Legends. Chez les aficionados du tir à la première personne, Counter Strike s'est noyé sous le tsunami Fortnite. On ne prend plus ses pauses sur Street Fighter ou Mario Kart mais avec des parties de Super Smash Bro ou de Dance Dance Revolution… Mais l'ambiance est restée la même.

Une LAN est un rassemblement de joueurs qui se réunissent physiquement avec leurs ordinateurs pour enchaîner des parties pendant des heures. On en profite pour organiser des compétitions amicales sur les jeux les plus populaires du moment, histoire de bien établir la hiérarchie des meilleurs "gamers" du territoire… L'événement est surtout une grand messe collective, très appréciée de cette communauté qui a plutôt l'habitude d’enchaîner les parties enfermé seul chez soi.

Le collège de Punaauia qui a hébergé l'événement s'est ainsi transformé pour un week-end en l'épicentre du monde des joueurs polynésiens. Une centaine de personnes ont répondu présents, si bien que le réfectoire du collège a résonné pendant trois jours sous les encouragements entre coéquipiers, les provocations envoyées à ses adversaires, et les cris de désespoir solitaire à chaque mort virtuelle… Même l'installation physique a peu changé en 20 ans. On y voyait toujours des câbles RJ45 traîner partout, reliant les ordinateurs des participants au réseau si précieux. Ceux qui perdaient ce cordon ombilical lançaient d'ailleurs de pathétiques appels à l'aide pour que les techniciens les plus avertis leur viennent au secours. Si les consoles et ordinateurs portables étaient nombreux, il y avait toujours ces PC fixes gigantesques trimballés à grand peine par leurs propriétaires…

Des ordinateurs de la taille d'un micro-onde, des câbles réseau dans tous les sens… A part les jeux, une LAN en 2019 ressemble trait pour trait à une LAN en 1999 !
Quelques changements tout de même : il y a deux décennies, ces événements étaient complètement hors-ligne, mais désormais l'événement profite du réseau internet du collège, une connexion fibrée à 100 Mb/s. Un outil indispensable maintenant que les jeux demandent tous une connexion constante au net, et de quoi permettre quelques parties sur les serveurs américains en attendant son prochain match de compétition. De quoi laisser aussi certains streamers diffuser leurs parties en direct sur Facebook à leurs fans polynésiens. Autre changement : aucun disque-dur rempli de séries, films et jeux piratés (et de virus divers) ne faisait le tour des prises USB… Comme quoi, les temps changent.

UNE COMMUNAUTÉ PLUS MATURE ET PLUS DIVERSIFIÉE

Mais le profil des joueurs présents est resté majoritairement similaire. Beaucoup d'étudiants, principalement des hommes… On y trouvait ceux qui sont venus seuls pour profiter du réseau et rencontrer la communauté. Ceux qui sont venus avec leurs potes passer un bon moment, sans trop d'espoir de gagner les compétitions. Et toujours les équipes de PGM (pour "pro gamers", même si aucun joueur n'est rémunéré au fenua) surentraînés et qui dominent les compétitions et les discutions.

Mais là aussi on remarque des changements. On voyait ainsi plus de joueuses qu'au début du siècle, tout aussi impliquées dans leurs jeux que leurs camarades. Plus d'adultes également, soit qu'ils s'occupent de l'organisation, soit qu'ils jouent les coachs, soit qu'ils prouvent avec leurs claviers que 25 ans d'expérience compensent largement des réflexes plus lents… "On a été entraînés à une époque où il y avait deux secondes de lag avec les États-Unis. A force de devoir tout anticiper, ça vous donne le pouvoir de lire l'avenir" expliquait sur un ton presque mystique un ancien de World of Warcraft à un parterre de jeunes réunis autour d'une barquette de frites et de saucisses pendant la pause...
Cette mixité des générations reflète l'âge de l'association Tahiti Nui Arena elle-même.

Créée en 2002 pour structurer une communauté jusque là éparpillée, TNA a réussi à se maintenir dans le temps. Ses membres fondateurs viennent maintenant aux LAN avec leurs enfants adolescents… Des LAN qui se font d'ailleurs plus rares. Le jeu en ligne les a rendues moins indispensables et les organisateurs ont plus de responsabilités IRL (dans la vie réelle), ce qui réduit le nombre de ces grand-messes à deux par an, contre une à chaque vacances scolaires à l'époque de Windows XP.

Les centres d'intérêts de la communauté se sont aussi élargis avec le temps. Les fans de jeux vidéo de l'époque sont aujourd'hui pleinement intégrés dans la communauté geek et discutent aussi des mangas du moment, des films Marvel, de jeux de rôle… Certains ont même passé la nuit de samedi à jouer à des jeux de société pendant que les gamers purs et durs continuaient d'enchaîner les frags. Bref, les choses changent, mais parfois mûrir a du bon. La prochaine LAN de Tahiti Nui Arena sera organisée en décembre.

Daysmith, Streamer de League of Legends

Combien y a-t-il de streamers à Tahiti ?
"Nous ne sommes pas nombreux, la plupart des autres sont sur Fortnite. De mon côté je fais un peu de tout, surtout League."

Combien de personnes suivent tes streams ?
"Pas beaucoup, au maximum je suis monté à une centaine de personnes sur Facebook. Quand je faisais des daily streams, sans événements spéciaux, moins d'une dizaine. Mais quand je fais des events, ça monte rapidement."

Pourtant tu as acheté du bon matériel, des licences, ça fait beaucoup de travail… Pourquoi fais-tu tout ça ?
"J'aime bien avoir du bon matos en général, pas forcément pour le stream. Et si je diffuse mes parties, c'est pour montrer la présence du gaming polynésien. C'est aussi pour moi, je trouve, très important de pouvoir revoir ses parties plus tard, que ce soit du MOBA, de l'aventure avec des amis, ou pour partager des scènes avec des amis, c'est intéressant. Ça m'a aussi permis de rencontrer beaucoup, beaucoup de gens. Quand j'ai commencé, j'ai partagé mes streams de League of Legends sur certains groupes, ils ont tout de suite voulu jouer avec moi, et maintenant ce sont des amis !"

Unaanui, gameuse

Tu es une habituée des LAN ?
"J'étais venue en 2017 participer pour la première fois, puis les fois suivantes j'ai encouragé des amis qui participaient. Cette fois je joue à nouveau avec mon équipe !"

Tu joues beaucoup aux jeux vidéo ?
"Oui quand même. Je jouais énormément avant, moins depuis que je travaille."

Que penses-tu de la communauté de joueurs présente à Tahiti ?
"Cela fait un moment qu'elle existe et je trouve que c'est super qu'on puisse rassembler tous ces gens qui ont la même passion, la même envie et qu'on puisse s'amuser ensemble le temps d'un week-end !"

A l'international on dit que les gamers forment une communauté sexiste. C'est le cas à Tahiti ?
"Pas plus que tous les groupes de personnes je trouve, il y a toujours des gens pour dire ci et ça sur les femmes, les homosexuels ou autres. Mais je trouve qu'à Tahiti on est inclusifs, on est plus cool !"


Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Jeudi 11 Juillet 2019 à 17:34 | Lu 2347 fois