Paris, France | AFP | mercredi 07/08/2019 - Le site 8Chan, repaire des suprématistes blancs américains décrié après la fusillade d'El Paso, voit sa présence en ligne compromise après avoir perdu la protection des réseaux de distribution de contenus - de grands acteurs d'internet indispensables pour toucher une audience mondiale et dont le rôle peut être essentiel pour endiguer les "forums de haine".
Mais les sites à forte audience utilisent également un réseau de distribution de contenu (Content Delivery Network, CDN): le CDN réplique les contenus sur plusieurs centres de données dans le monde, les rapprochant ainsi des internautes et améliorant la qualité d'accès au site.
"Le CDN apporte aussi de la protection contre les risques de cybersécurité et notamment contre les attaques en déni de service qui visent à bloquer l'accès à un site. Pour s'en protéger seul, il faudrait investir dans une architecture gigantesque", explique à l'AFP Gérôme Billois, expert en cybersécurité chez Wavestone.
Enfin, "les sites marginaux ou polémiques vont utiliser ces services pour faire paravent, c'est-à-dire pour cacher les personnes en charge du site", selon Tristan Mendès-France, maître de conférences associé à Paris Diderot, spécialisé dans les cultures numériques.
La liberté de parole revendiquée par 8Chan ou d'autres forums similaires les différencie des réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter, qui imposent des règles plus strictes sur leurs contenus.
D'ordinaire, les fournisseurs techniques n'interfèrent pas dans les données qui transitent par leurs réseaux. Mais dimanche, Matthew Prince, patron de l'entreprise Cloudflare qui fournissait entre autres des services de CDN à 8Chan, a qualifié le forum de "cloaque rempli de haine" et rompu leur contrat.
8Chan a ensuite migré vers un autre CDN, BitMitigate -qui s'est lui-même retrouvé mis hors ligne momentanément par son propre fournisseur d'infrastructure informatique, Voxility, sous la pression du public.
Depuis, le forum 8Chan n'est plus accessible que par intermittence.
De fait, "tous les vecteurs d'information sont aujourd'hui amenés à s'auto-réguler", car "les juridictions nationales sont très vite limitées face aux acteurs internationaux", abonde Christiane Féral-Schuhl, avocate spécialiste du numérique interrogée par l'AFP.
La loi française par exemple reconnaît un "principe d'irresponsabilité" des fournisseurs d'accès à internet, étendu aux hébergeurs à condition qu'ils suppriment les contenus illicites leur étant signalés. Mais des acteurs techniques comme les plates-formes, moteurs de recherche ou distributeurs de contenus brouillent les rôles.
Les décisions visant 8Chan font écho à l'"appel de Christchurch", signé par une vingtaine de pays et rallié par des géants d'Internet dont Google et Facebook, explique Christine Féral-Schuhl. L'initiative invite les fournisseurs de services en ligne à intervenir "de manière volontaire" pour prévenir la diffusion de contenus terroristes et extrémistes violents sur internet.
Selon lui, les sites proposant des contenus violents ou haineux peuvent passer sur des réseaux alternatifs comme le +darknet+ (où le contenu est difficile à localiser et à supprimer) ou chercher un "hébergeur blindé", c'est-à-dire indulgent face aux contenus néfastes et suffisamment robuste face aux attaques.
Ils peuvent aussi recourir à une chaîne de blocs ou "blockchain" (technologie permettant à une communauté d'utilisateurs de tenir en ligne une sorte de grand registre commun) pour rendre les messages postés infalsifiables, ou à des réseaux sociaux décentralisés.
"Oui, ces sites peuvent réapparaître, mais contrairement aux idées reçues, ils ne réapparaîtront pas plus forts ailleurs", tempère Tristan Mendès-France.
Selon lui, "ils vont perdre en capacité de nuisance et de viralité". Or, "leur enjeu est de toucher le plus de monde possible. S'il faut passer par de la technicité pour y accéder, ils vont perdre toute leur visibilité"
Pourquoi recourir à des distributeurs de contenus?
Pour exister sur internet, un site a seulement besoin d'un hébergeur qui assurera le stockage des données et d'un fournisseur d'adresse (nom de domaine) qui l'enregistrera sur le réseau.Mais les sites à forte audience utilisent également un réseau de distribution de contenu (Content Delivery Network, CDN): le CDN réplique les contenus sur plusieurs centres de données dans le monde, les rapprochant ainsi des internautes et améliorant la qualité d'accès au site.
"Le CDN apporte aussi de la protection contre les risques de cybersécurité et notamment contre les attaques en déni de service qui visent à bloquer l'accès à un site. Pour s'en protéger seul, il faudrait investir dans une architecture gigantesque", explique à l'AFP Gérôme Billois, expert en cybersécurité chez Wavestone.
Enfin, "les sites marginaux ou polémiques vont utiliser ces services pour faire paravent, c'est-à-dire pour cacher les personnes en charge du site", selon Tristan Mendès-France, maître de conférences associé à Paris Diderot, spécialisé dans les cultures numériques.
Qu'est-il arrivé à 8Chan?
C'est sur les pages du forum de discussion 8Chan qu'ont été publiés des manifestes racistes et anti-immigrés attribués aux auteurs de la tuerie dans une mosquée de Christchurch (Nouvelle-Zélande) en mars, ainsi que de la fusillade dans la synagogue de Poway (Californie) le 27 avril et de celle samedi dans un hypermarché d'El Paso (Texas).La liberté de parole revendiquée par 8Chan ou d'autres forums similaires les différencie des réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter, qui imposent des règles plus strictes sur leurs contenus.
D'ordinaire, les fournisseurs techniques n'interfèrent pas dans les données qui transitent par leurs réseaux. Mais dimanche, Matthew Prince, patron de l'entreprise Cloudflare qui fournissait entre autres des services de CDN à 8Chan, a qualifié le forum de "cloaque rempli de haine" et rompu leur contrat.
8Chan a ensuite migré vers un autre CDN, BitMitigate -qui s'est lui-même retrouvé mis hors ligne momentanément par son propre fournisseur d'infrastructure informatique, Voxility, sous la pression du public.
Depuis, le forum 8Chan n'est plus accessible que par intermittence.
Comment expliquer ce revirement concernant 8Chan?
"Si CloudFlare a décidé de couper les accès de 8Chan, ils l'ont fait pour l'image de l'entreprise. On est sur le terrain de la pression de l'opinion publique", et non d'un cadre juridique contraignant, observe Tristan Mendès-France.De fait, "tous les vecteurs d'information sont aujourd'hui amenés à s'auto-réguler", car "les juridictions nationales sont très vite limitées face aux acteurs internationaux", abonde Christiane Féral-Schuhl, avocate spécialiste du numérique interrogée par l'AFP.
La loi française par exemple reconnaît un "principe d'irresponsabilité" des fournisseurs d'accès à internet, étendu aux hébergeurs à condition qu'ils suppriment les contenus illicites leur étant signalés. Mais des acteurs techniques comme les plates-formes, moteurs de recherche ou distributeurs de contenus brouillent les rôles.
Les décisions visant 8Chan font écho à l'"appel de Christchurch", signé par une vingtaine de pays et rallié par des géants d'Internet dont Google et Facebook, explique Christine Féral-Schuhl. L'initiative invite les fournisseurs de services en ligne à intervenir "de manière volontaire" pour prévenir la diffusion de contenus terroristes et extrémistes violents sur internet.
Les forums de haine peuvent-ils subsister sur le web?
"La vocation d'Internet est d'avoir une continuité d'accès au contenu", explique Gérôme Billois. Autrement dit, il sera toujours possible d'héberger du contenu quelque part sur le réseau.Selon lui, les sites proposant des contenus violents ou haineux peuvent passer sur des réseaux alternatifs comme le +darknet+ (où le contenu est difficile à localiser et à supprimer) ou chercher un "hébergeur blindé", c'est-à-dire indulgent face aux contenus néfastes et suffisamment robuste face aux attaques.
Ils peuvent aussi recourir à une chaîne de blocs ou "blockchain" (technologie permettant à une communauté d'utilisateurs de tenir en ligne une sorte de grand registre commun) pour rendre les messages postés infalsifiables, ou à des réseaux sociaux décentralisés.
"Oui, ces sites peuvent réapparaître, mais contrairement aux idées reçues, ils ne réapparaîtront pas plus forts ailleurs", tempère Tristan Mendès-France.
Selon lui, "ils vont perdre en capacité de nuisance et de viralité". Or, "leur enjeu est de toucher le plus de monde possible. S'il faut passer par de la technicité pour y accéder, ils vont perdre toute leur visibilité"