Les feux en Australie ont alimenté le phénomène météo La Nina


Crédit Sean BLOCKSIDGE / WESTERN AUSTRALIA DEPARTMENT OF FIRE AND EMERGENCY SERVICES / AFP
Sydney, Australie | AFP | mercredi 10/05/2023 - Les incendies qui ont ravagé l'Australie en 2019-2020 ont été si catastrophiques qu'ils ont alimenté l'important phénomène météorologique La Nina débuté fin 2020 et qui vient de s'achever, selon une nouvelle étude publiée mercredi.

La Nina se caractérise par une température plus basse des eaux de l'océan Pacifique sud, avec des conséquences importantes pour toute la planète, par exemple en termes de prévision des inondations ou des sécheresses. 

Un épisode La Nina vient de se terminer après avoir sévi durant trois ans, ce qui est rare.

Selon l'étude, à cause des émissions des incendies, une couche nuageuse plus importante s'est formée, qui a davantage bloqué les rayons du soleil. Cela a contribué à refroidir la température d'une zone de l'océan Pacifique, l'un des ingrédients clés pour le déclenchement de La Nina. 

"Beaucoup de gens ont rapidement oublié les incendies en Australie, (...) mais la planète a la mémoire longue, et les impacts des feux ont persisté durant plusieurs années", a déclaré dans un communiqué John Fasullo, auteur principal de l'étude, publiée dans la revue Science Advances.

Les scientifiques ont déjà, par le passé, établi que des éruptions volcaniques pouvaient influencer ce phénomène. En projetant des particules appelées aérosols dans l'atmosphère, celles-ci réfléchissent les rayons du soleil et provoquent un effet refroidissant, qui peut créer des conditions favorables à La Nina. 

Or après les incendies survenus en Australie en 2019 et 2020, qui ont ravagé environ 18 millions d'hectares, une étude avait estimé que ces feux avaient projeté dans l'atmosphère autant de fumée qu'une éruption volcanique. 

Les chercheurs ont donc cette fois cherché à étudier en détails l'impact que ces feux ont eu sur le climat. 

- Réaction en chaîne -
Pour cela, ils ont réalisé deux simulations: toutes deux commençaient en août 2019, mais l'une a pris en compte les émissions des incendies telles qu'observées par des satellites, tandis que l'autre n'a intégré que les émissions moyennes habituelles. 

Les chercheurs ont constaté que les incendies australiens avaient provoqué une réaction en chaîne importante.

Les aérosols formés par leurs émissions ont éclairci la couverture nuageuse sur l'hémisphère sud, particulièrement au large du Pérou, ce qui a refroidi et asséché l'air dans la région. Cela a eu pour effet de décaler la zone où les vents (alizés) sud et nord se rencontrent.

Résultat: un refroidissement durant plusieurs années de l'océan Pacifique sud, où La Nina se forme, explique le communiqué du National Center for Atmospheric Research (NCAR), auquel les auteurs de l'étude sont affiliés. 

Selon John Fasullo, ces travaux aident à expliquer certaines interrogations sur la formation de l'épisode La Nina qui vient de s'achever.

Celui-ci était inhabituel car il n'a pas suivi un fort épisode El Nino, son pendant qui a lui tendance à faire grimper les températures -- et qui a de fortes probabilités de se former cette année.

De plus, en juin 2020, soit quelques mois avant le début de La Nina, certaines prévisions penchaient toujours pour des conditions "neutres", c'est-à-dire où ni El Nino ni La Nina n'étaient favorisés.

"Implications mondiales"

"Ces travaux sont un exemple très intéressant illustrant comment des processus régionaux, comme les incendies, peuvent avoir des implications mondiales, orientant le cours d'événements climatiques importants comme La Nina", a commenté Pete Strutton, professeur à l'université de Tasmanie, et qui n'a pas participé à l'étude.

Les résultats des chercheurs soulignent par ailleurs l'importance d'incorporer à l'avenir aux modèles climatiques, ainsi qu'aux prévisions météo, les émissions réelles causées par les incendies. Ceux-ci sont appelés à se multiplier avec réchauffement de la planète causé par les activités humaines.

"Avec le changement climatique, les émissions des incendies vont aussi changer", a souligné John Fasullo. "Mais nous n'avons pas ces réactions dans nos modèles. Le but de nos travaux actuels est d'inclure ces effets de façon aussi réaliste que possible." 

le Mercredi 10 Mai 2023 à 18:12 | Lu 878 fois