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Les errements de la gestion RH de la CPS passés à la loupe


Tahiti, le 31 juillet 2023 - La chambre territoriale des comptes s'est penchée sur la gestion des ressources humaines de la Caisse de prévoyance sociale (CPS) depuis 2017. Ce rapport fait suite à deux autres rapports déjà accablants pour la Caisse, publiés en juin et novembre 2022.
 
“La Caisse de prévoyance sociale est un organisme de droit privé investi d’une mission du service public de sécurité sociale. Cette mission de service public emporte des conséquences, en particulier celle d’une transparence exemplaire sur ses modalités de fonctionnement interne”, rappelle la Chambre territoriale des comptes dans son dernier rapport, raison pour laquelle celle-ci s'est penchée sur sa gestion des ressources humaines.
 
Premier constat, l'employeur n'est pas le conseil d'administration, mais le directeur général de la Caisse, ce qui rend le pilotage compliqué de par les nombreux changements à la tête de l'organisme. Les charges et la responsabilité qui pèsent sur les épaules de la CPS sont nombreuses, d'où un effectif conséquent de plus de 500 agents et une masse salariale de 2,8 milliards de francs qui lui imposent, dans le cadre de sa mission de service public, “de garantir un haut degré d’exigence sur trois aspects principalement : transparence du pilotage et des procédures, rigueur de gestion, et efficacité des pratiques professionnelles et des contrôles internes”, explique la CTC qui va revenir sur ces aspects dans son rapport.

Une gestion chaotique des ressources humaines

Ce rapport sur la seule gestion des ressources humaines de la CPS est une fois encore accablant pour l'organisme, de sa gestion des personnes jusqu'à la gestion des textes qui les régissent. Si le personnel de la Caisse est régi par le droit du travail privé et dépend donc du code du travail adopté en 1991, son statut interne est antérieur. Les tentatives répétées de modernisation ont échoué, rendant la convention d’entreprise de 1986 obsolète depuis longtemps. Seul un compromis sur la grille des salaires est trouvé chaque année, et un dispositif provisoire et partiel visant à aménager sur trois années certaines dispositions de la convention a été adopté en 2017”, constate la CTC qui poursuit, plus durement. Il n’a pas été possible pour la Chambre d’identifier la date d’enregistrement du règlement intérieur, document obligatoire placé sous la seule responsabilité de la direction. Or, ce manque de rigueur dans l’administration des ressources humaines (RH) n’est pas un cas isolé. La Caisse a produit au fil du temps un ensemble de règles RH qui sont difficilement lisibles (cinq protocoles d’accord, deux chartes, 177 notes de services et décisions recensées fin 2022) et sources d’insécurité juridique.
 
Textes incomplets et outils de mesure du temps de travail et de paie absents ou défaillants placent la CPS dans une situation fort paradoxale. La CPS employeur est “dans une situation peu exemplaire vis-à-vis de la CPS organisme social”, constate la CTC.

Une prime… pour être venu au travail !

La situation du “turn-over” à la tête de la Caisse de prévoyance sociale crée, comme évoqué plus haut, une lisibilité difficile quant aux objectifs à atteindre, le tout, il est vrai, copieusement perturbé par la crise Covid qui a donné lieu à la production d’une convention d’effort et de solidarité au titre de l’exercice 2020.
 
Un plan d’entreprise 2021-2023 a ensuite été engagé, mais ce n’est qu’en novembre 2022 que la direction générale a formulé les lettres de mission aux directeurs. Dans ces conditions, l’affirmation d’une culture managériale cohérente et forte au sein de tous les effectifs de la CPS rencontre des difficultés, malgré les efforts observés de la part des cadres et des agents, témoigne la CTC.
 
Au milieu de ce cafouillage managérial, le versement des primes fait aussi débat. Des primes non pas accordées sur des objectifs de résultats, mais sur des objectifs de moyens. Trois cents millions de francs de primes ont été versés entre 2017 et 2021. 67% de ces primes sont liées à la prime d'assiduité. Une prime pour être venu au travail… on croit rêver !
 
Mais ce n'est pas tout. Au niveau des incongruités, la masse salariale, qui augmente après la mise en place d'une réduction d'effectif, est là encore une marque d'un manque de gestion. “La CPS a massivement embauché entre 2017 et 2021, avec 191 recrutements. Ceux-ci l’ont emporté sur les départs, au nombre de 146. La cause de ce renouvellement élevé des effectifs (38%) est due principalement à la remise en cause du programme de réduction des effectifs que la CPS avait engagé entre 2010 et 2016 (-8,3%) et la mise sur pied en 2017 d’un plan conventionnel de départ à la retraite concentré sur les exercices 2018 et 2019, explique la CTC.
 
Pour toute réponse à la CTC sur ces manquements au niveau de la gestion RH de la Caisse, l'ancienne direction de la CPS s'est bornée à expliquer que cette situation était liée “aux pressions exercées par les syndicats. Ah, si seulement Patrick Galenon, le président du conseil d'administration de la CPS pendant cette période, avait été syndicaliste…

Le bien beau cadeau de Laugrost aux syndicats
 
Yves Laugrost, trésorier de la confédération syndicale A ti'a i mua, a été nommé administrateur provisoire par le conseil des ministres le 1er mars 2017 pour cause d’impossibilité de désigner les représentants syndicaux du conseil d’administration et au “vu de maintenir la continuité du service public de gestion des régimes de protection sociale assuré par l’organisme de gestion”.
À peine un mois après sa nomination, note la Chambre territoriale des comptes, il a signé le 31 mars 2017 avec les organisations syndicales un ensemble de protocoles d’accord. Il a ainsi engagé la CPS sur trois années par ces accords : assouplissement des conditions de recrutement, prime additionnelle dans le cadre d’un contrat d’objectifs et plan de départ à la retraite avec un bonus de sept mois de salaire par agent. En réalité, plutôt 12 mois pour un coût à la CPS de plus de 420 millions de francs. “Or, il n’est pas certain que les départs à la retraite n’auraient pas été moins nombreux sans les surprimes proposées, compte tenu du calendrier des réformes gouvernementales de la retraite”, note avec ironie la CTC. Ces mesures étaient accompagnées de conséquences budgétaires importantes. Au niveau syndical, on n'est jamais mieux servi que par soi-même.

S'il vous plaît, pas les salaires
 
Dans le cadre de la constitution du rapport par la CTC, la direction de la CPS a eu une demande particulière. “La direction a formulé le vœu que ne soit pas publiée dans le rapport (en annexe) la grille salariale de la Caisse, au motif que cela pourrait renforcer les tensions que son personnel a déjà à subir de la part des assurés, et qu’il s’agit d’une entreprise privée, qui n’est pas concernée par un devoir de transparence comme les personnes de droit public.”
Une demande rejetée par la CTC qui a un autre argument pour elle. “La Chambre rappelle que la Caisse est investie d’une mission de service public de par les textes constitutifs ; et qu’au contraire, une ouverture de la donnée RH dans son cas pourrait participer à l’amélioration de ses relations à 360° : en interne auprès de tous ses salariés, en externe, vis-à-vis de la population et des professionnels, qui sont à la fois bénéficiaires et financeurs de la PSG, ainsi que des élus du Pays, en droit de connaître les éléments de gestion de l’organisme local, dont la GRH.”
La Chambre rappelle en complément que “les éléments de rémunération qui doivent comme dans tout organisme faire l’objet d’un pilotage rigoureux, ne constituent pas en soi une solution au déficit de la PSG”.

1 milliard de francs de primes d'assiduité
 
Être payé pour venir au travail, c'est la base. Avoir une prime complémentaire pour cela, c'est la CPS. La Caisse a versé à ses salariés, entre 2017 et 2021 inclus, un total cumulé de 1,576 milliard de francs de primes et indemnités. Près des deux tiers de cette masse correspondent au versement de la prime d’assiduité. “L’ensemble du personnel a droit à ce complément de salaire. Son montant, payé en décembre, est proratisé en fonction de la durée de la présence de chaque salarié au cours de l’année. Est ainsi déduit du montant de la prime le prorata des absences injustifiées ou des jours d’arrêt pour maladie ordinaire à partir du 4e jour”, explique la CTC.
 
Dans n'importe quelle entreprise, les absences injustifiées sont sources de convocations et entretiens préalables à licenciement. Pas à la CPS où les absences ne font que faire baisser la prime. Dans les faits, cette prime masque un 13e mois déguisé.

Le bien-être n'a pas de prix
 
Alors que les réflexions sont désormais menées pour financer les différents régimes après la perte des 1% de TVA sociale, et qu'une hausse du ticket modérateur n'est plus à exclure, le rapport de la CTC dévoile les avantages en la matière pour les salariés de l'organisme.
“Des soins qui ne sont pas pris en charge par le régime de l’assurance maladie pour les ressortissants de la PSG sont en revanche assurés en partie aux salariés et retraités de la Caisse”, dévoile le rapport. Ce sont notamment les prothèses de chirurgie dentaire, des interventions esthétiques, les vaccins et les séances chez un ostéopathe. Ils nécessitent simplement au préalable un avis du médecin-conseil de la Caisse pour identifier la correspondance entre l’acte et la nomenclature.
“Cet avantage social, qui revient à minorer le coût des soins supportés, vient en opposition de la politique générale de la Caisse et du gouvernement qu’ils affichent vis-à-vis de la population, qui exhorte à une gestion stricte et à une meilleure maîtrise des dépenses de santé, en majorant notamment le ticket modérateur”, explique la Chambre.

Le bon coup d'Yvonnick Raffin
 
Négocier sa prime de fin de fonction dans son contrat à son arrivée dans l'entreprise, c'est quelque chose qui se fait dans de nombreuses sociétés dans les contrats cadres. La faire inscrire dans un avenant au contrat de travail plus d'un mois après le dépôt de sa démission et six jours avant son départ effectif, c'est Régis Chang qui l'a tenté. “Si l’article initial ne prévoyait pas d’indemnité de départ, une prime équivalente à six mois de rémunération comprenant l’indemnité de responsabilité, quelle que soit la cause de rupture, a été ajoutée”, explique la CTC dans son rapport. Une prime de sortie de 10 millions de francs que le service juridique de la CPS déconseillera finalement de verser.
En faisant inscrire cette prime dans son contrat, Yvonnick Raffin aura été plus malin et touchera une prime de 9,4 millions de francs pour avoir été démis de ses fonctions avant d'être nommé ministre le lendemain. Vincent Fabre, démissionnaire, n'a pu prétendre quant à lui à cette indemnité de départ.

Rédigé par Bertrand PREVOST le Lundi 31 Juillet 2023 à 19:05 | Lu 15612 fois