Les équipes du Brando répondent à Teiki Pambrun


De gauche à droite : Maitre Jourdainne, représentant la société Frangipani et les héritiers Brando ; Tahiarii Yoram Pariente, directeur de la Tetiaroa Society ; Tumi Brando, petite-fille de Marlon Brando et guide-naturaliste à la Tetiaroa Society ; Maitre Daviles-Estines, représentant la société Frangipani ; Laurent Darcy, directeur adjoint du groupe Pacific Beachcomber.
PAPEETE, le 30 novembre 2015 - Bien que l'hôtel de luxe installé à Tetiaroa enchaine les victoires judiciaires contre le désormais célèbre "squatteur de lagon" Teiki Pambrun, le militant semble remporter la bataille de la communication. Les héritiers de Marlon Brando, les responsables du Brando et l'équipe derrière la Tetiaroa Society ont décidé de s'exprimer en réponse à toutes ces polémiques.

Teiki Pambrun est en croisade contre l'hôtel The Brando, et difficile de savoir qui est en train de gagner cette guerre, qui inclut des batailles au tribunal et des affrontements sur Facebook pour l'opinion publique. Pour l'instant, l'entrepreneur célèbre pour habiter toute l'année sur une pirogue de loisir avec sa famille bénéficie du soutien d'une partie de l'opinion grâce à son image de Petit Poucet écologiste seul contre une multinationale avide de subventions. L'hôtel, lui, est présenté comme l'un des meilleurs exemples de développement durable dans le secteur touristique mondial et a le soutien de superstars hollywoodiennes et des autorités polynésiennes… Mais son image en Polynésie est écornée.

Face à ce constat, la direction de l'hôtel nous a invités, avec nos confrères de Tahiti Pacifique Hebdo, à venir rencontrer différents acteurs du projet de Tetiaroa. Le magazine publiera tout un dossier dans son journal de vendredi sur les problèmes fonciers qui touchent l'île de Tetiaroa. Nous avons décidé de plutôt les faire répondre point par point aux polémiques déclenchées par Teiki Pambrun.


The Brando ne serait pas assez écolo ?

Tahiti Infos : The Brando se présente comme un exemple en matière d'éco-tourisme, et pourtant certaines associations et activistes écologiques en Polynésie dénoncent ce qu'ils présentent comme des abus sur place. Par exemple cette image d'un tractopelle dans le lagon qui a fait le tour de la toile locale…

Laurent Darcy (représentant les exploitants de l'hôtel) : Alors d'abord il n'y a pas plein d'associations qui décrient ou remettent en cause la démarche de développement durable, ici en Polynésie, uniquement Teiki Pambrun. L'autre chose que l'on peut dire est que tous nos investissements ont été faits dans les règles, avec plutôt deux ou trois contrôles et des niveaux de contraintes supplémentaires qui nous ont été imposés tout au long du projet. Et nous avons tenus tous nos engagements. Je vous engage à aller voir les autorités administratives et la mairie de Arue qui nous a soutenus et nous a fait confiance dès le départ. Là-dessus on est tout à fait irréprochables.
« Notre groupe est investi en Polynésie depuis plus de 30 ans et ces démarches que nous avons fait à Tetiaroa nous les menons en Polynésie depuis des décennies, où nous visons l'excellence et une démarche la plus poussée possible en matière d'environnement et de bonnes pratiques.
« Ensuite on nous ressort effectivement toujours la même photo ou séquence d'images, d'un des aspects du chantier. C'est très facile de prendre des photos qui sont sorties de leur contexte et ne reflètent pas la réalité. Néanmoins il est clair qu'on ne fait pas l'ensemble des investissements que nous avons fait, on ne met un SWAC – qui aujourd'hui ne se voit plus et n'a aucun impact sur l'environnement – sans mobiliser des engins et des moyens lourds.
« C'était une phase du chantier, mais aujourd'hui dans notre projet on est uniques au monde : on est autonomes en énergies renouvelables, on retraite et recycle tous nos déchets… Voilà, on a fait du développement, donc dès qu'on construit il y a des pelleteuses et des engins, mais aujourd'hui le site ne porte aucune trace du chantier et son fonctionnement est exemplaire, avec un impact ultra-minimum sur l'environnement.

Tahiti Infos : Il resterait une grue sur le motu Honuea, partira-t-elle bientôt ?

Laurent Darcy : Tout à fait. Elle partira quand on aura les moyens de la faire partir… Cette grue appartient à une entreprise qui était mobilisée sur Tetiaroa. Elle était tombée à l'eau par l'accident, en a été ressortie, dépolluée et stockée là. Donc c'est une carcasse métallique cachée dans la végétation, on ne peut pas la voir sauf à entrer illégalement sur la propriété... Tout ça a pris un peu de temps, il y a des enjeux d'assurance, et pour la découper et la ramener à Tahiti il faudra des moyens que nous n'avons pas, mais qui seront amenés à être reprogrammés dans le futur. Il faut notamment un Taporo.

Maitre Jourdainne (représantant les héritiers Brando) : Quand vous faites part d'associations qui viennent signaler ces faits, vous songez à qui ? C'est uniquement monsieur Teiki Pambrun. Alors monsieur Teiki Pambrun serait un défenseur de l'environnement ? Je ne le connaissais pas sous cet angle. Moi je le connais en tant que squatteur professionnel du lagon, mais pas en tant que défenseur du lagon, parce qu'il a été lourdement condamné par les juridictions polynésiennes par rapport à une présence sur l'atoll qui est quand même plus qu'illégale, et il est vrai que la société Frangipani n'a fait que répondre à de multiples agressions à sa propriété privée. La Polynésie a également engagé des actions pour faire respecter son domaine public.

Les héritiers de Marlon Brando se font-ils avoir ?

L'hôtel the Brando, bâti sur le motu Onetahi à Tetiaroa. Rêve pour touriste milliardaires et au cœur de nombreuses polémiques déclenchées par Teiki Pambrun
Tahiti Infos : Une polémique surprenante est l'affirmation de Teiki Pambrun selon laquelle les héritiers Brando se font avoir puisqu'ils se partageraient 800 000 Fcfp de loyer par mois, à huit, pour tout l'atoll… Est-ce vrai ?

Maitre Jourdainne : Là je n'ai pas de réponse… Moi j'interviens en qualité d'avocat sur les dossiers qui sont en cours devant le tribunal, donc les violations de la propriété de la SA Frangipani [qui possède l'atoll de Tetiaroa pour les héritiers Brando]…

Tumi Brando (petite-fille de Marlon Brando) : Je ne savais pas qu'on allait parler de ça, et je n'ai pas trop envie d'en parler…

Laurent Darcy : Je ne parle pas en leur nom, mais ce que l'on peut simplement dire c'est que les héritiers directs ou indirect de monsieur Brando comme Tumi, je dirais, travaillent à Tetiaroa, ont des activités de salariés et gagnent leurs vies raisonnablement, modestement, honnêtement, sans être des riches rentiers. Après, les accords financiers qu'il peut y avoir entre notre groupe, la succession Brando et la SA Frangipani, notamment sur les conditions de location, ne sont pas publiques d'une part, et d'autre part ils sont en place et ont été conclus d'accord-parties.

Un lagon privé ou un espace protégé ?

Tahiti Infos : Les avis sont partagés sur lagon du Brando. Certains pêcheurs, ou des sociétés d'excursions, dénoncent ce qu'ils appellent une privatisation du lagon de l'île. La société Frangipani peut-il leur répondre ?

Maitre Jourdainne : Il n'y a aucune privatisation du lagon de Tetiaroa. Il y a une zone de pêche réglementée qui a été instaurée, c'est une zone protégée. Je veux dire que quand vous allez en Corse il y a des réserves naturelles où vous ne pouvez pas aller plonger, pêcher, sans demander une autorisation. Mais il reste des sociétés de charters qui amènent des touristes.

Laurent Darcy : Cette Zone de Pêche Réglementée (ZPR) a été mise en place par le Pays, en concertation avec The Brando, la Tetiaroa Society, la commune, le Pays, les pêcheurs, un certain nombre d'association qui font tous partie du comité de gestion… Elle a été contestée au tribunal administratif mais les demandeurs ont été déboutés…

Tahiarii Yoram Pariente (directeur de la Tetiaroa Society) : Vous veniez de parler de la défense de l'environnement. Tout ça ce sont des efforts pour défendre l'environnement : une ZPR c'est fait pour protéger les poissons dans leur habitat. Les chartes avec les charters, c'est pour protéger les oiseaux qui nichent dans l'Île aux oiseaux… Tout ça c'est pour protéger l'environnement et défendre la faune et la flore de Tetiaroa, donc on ne peut pas demander et critiquer en même temps la protection du lagon ! On a constaté sur des décennies des pêches au filet, des pêches de nuit au projecteur… Tout ça a abouti à un relatif dépeuplement du lagon. Nous avons un projet scientifique de repeuplement du lagon mis en place depuis quelques années avec le Criobe, et en ce moment-même nous mettons en place des captures de larve pour les faire grandir en captivité et les relâcher dans la zone protégée. Mais les relâcher dans une zone surpêchée ne servirait à rien !

Tahiti Infos : Concernant Teiki Pambrun, les gens ont du mal à comprendre pourquoi il serait illégal de vivre sur un bateau…

Maitre Jourdainne : La société Frangipani n'a fait que répondre à des incursions sur son domaine privé, et c'est pour ça qu'elle a été contrainte de mener des actions. Après il y a d'autres actions, engagées par le procureur qui vise des infractions au droit maritime, ou par le Pays sur le domaine public maritime, et là c'est complètement différent.
« Pour nous, il a été constaté des intrusions, des dégradations sur les panneaux installés, des menaces contre les employés de la société, tout ce qui constitue un trouble manifestement illicite.

Tumi Brando : Il y a aussi des dégradations de l'environnement. Il a abandonné ses déchets sur les motu, il a réparé son moteur dans la lagune de l'île aux oiseaux, donc il y avait de l'huile qui coulait… Ce genre de choses.

Laurent Darcy : Teiki Pambrun ne mène pas une campagne de communication contre le Brando, mais une campagne de désinformation. Il se fait passer pour une victime alors que c'est lui qui agresse les propriétaires de l'île, qui agresse les acteurs comme Tetiaroa Society dans leurs démarches de protection de l'environnement, et qui porte atteinte à l'image de l'hôtel ! Donc les victimes ce sont les personnes autour de cette table et pas lui.

Des développements immobiliers ?

Tahiti Infos : Une dernière polémique déclenchée par Teiki Pambrun. Le projet a été vendu comme un projet éco-hôtelier, mais aujourd'hui on dit qu'il y aurait une soixantaine de logements en construction dont une vingtaine sur Honuea, pour être vendus à des milliardaires… On parle même d'une marina sur Honuea.

Laurent Darcy : On ne commente pas les rumeurs. Les informations de M. Pambrun sont de la désinformation et à chaque fois on a pu en apporter la preuve. (...) Maintenant, pour revenir à la question, nous avons dans notre projet un certain nombre de villas complémentaires qui sont destinées à être développées. Elles ont toujours été sur les cartes, ont été annoncées à de nombreuses reprises, mais il faut écouter et avoir les bons chiffres. Ça reste un projet qui est à l'étude, pour lesquelles les infrastructures nécessaires sont déjà en place pour l'énergie, l'eau, les déchets. Donc ce ne sera que de la construction. Rien ne nous empêchera de le faire mais on le fera dans les règles. (...)
« Il n'y aura pas de marina, c'est n'importe quoi. Ce ne sera pas soixante villas non plus ! Mais pour le chiffre, c'est un projet qui est en cours, donc ce sera peut-être 15, 20, peut-être 25, ou 28, je ne sais pas. Ce sera sur Onetahi, on n'a pas de projet sur Honuea au jour d'aujourd'hui.

La Tetiaroa Society mène des actions scientifiques et environnementales

Tahiti Infos : Si un domaine échappe à la polémique, c'est bien la Tetiaroa Society. Pouvez-vous nous présenter vos actions ?

Tahiarii Yoram Pariente : La Tetiaroa Society c'est cinq personnes sur place et un organisme international installé aux États-Unis. Il y a beaucoup de chercheurs du monde entier qui viennent à l'éco-station pour mener leurs recherches, prélever des échantillons… Il y a beaucoup de monde. Nous commençons à avoir un bon historique sur les tortues avec les actions menées par Te Mana o te Moana depuis 10 ans, ou sur les oiseaux avec l'association Manu. Et il faut comprendre que pour avoir des données utiles, il faut beaucoup de recherche et de recul. Il y a aussi un volet éducatif, avec la visite d'une classe de 5ème de La Mennais et de Tiarava en janvier par exemple, et un volet culturel. Il y a énormément de sites archéologiques à explorer, mais ça coûte très cher. On dépend surtout de dons privés, principalement américains. Par exemple Leonardo di Caprio nous a offert 10 000 dollars. Mais il y a beaucoup de donateurs, on vient de faire une levée de fonds aux Etats-Unis…

Tumi Brando : Au niveau scientifique nous avons cinq projets en cours, par exemple un projet de l'Université de Washington sur les effets de l'acidification de l'océan sur les coraux, plus de 10 ans de recherches sur les tortues, la repopulation du lagon avec le Criobe, un projet de contrôle des populations de moustiques avec Malardé…


Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Mardi 1 Décembre 2015 à 10:02 | Lu 9036 fois