Les entreprises s'engagent contre le cancer


Olivier Kressmann (à droite) a présenté le Club des entreprises engagées contre le cancer, aux côtés notamment de Natacha Helme et Dr Pierre Catteau, présidente et vice-président du comité polynésien de la Ligue contre le cancer, et Teanini Tematahotoa, directrice de l'Institut du cancer. © Anne-Laure Guffroy
Tahiti, le 14 mars 2023 – Le monde économique veut s'engager dans la lutte contre le cancer. Le Club des entreprises contre le cancer vient de voir le jour et propose à ses adhérents de sensibiliser leurs salariés sur la problématique, mais également de favoriser leur dépistage. L'objectif : contribuer au bien-être des collaborateurs en accélérant leur prise en charge, tout en permettant de réduire les dépenses de santé du Pays.
 
Le Club des entreprises de la Ligue engagées contre le cancer a procédé à son lancement officiel, ce mardi, à l'occasion d'une présentation aux médias. Celui-ci a pour vocation de rapprocher le monde économique de celui de la santé en permettant aux entreprises adhérentes de participer à la lutte contre toutes les formes de cancer. Car lorsque des salariés sont malades, c'est toute l'entreprise qui souffre. “Avec le fléau du cancer, l'entreprise est touchée d'abord en termes de sensibilité de ses collaborateurs, car c'est un choc pour tout le monde, et puis un collaborateur qui est malade, c'est une compétence qui manque”, explique Olivier Kressmann, animateur du Club des entreprises contre le cancer.
 
L'action du Club des entreprises contre le cancer s'articule autour de deux volets : la prévention et l'information d’un côté, le dépistage de l’autre. Pour le premier volet, les référents au sein des entreprises recevront régulièrement une newsletter avec de l'information construite avec le concours de l'Institut du cancer, qu'ils pourront ensuite diffuser aux collaborateurs de l'entreprise. Avec le désir affiché par les différents partenaires de cette initiative que l'information circule ensuite au sein des familles et des amis. Pour son lancement, la priorité de l'action a été donnée à l'information sur la lutte contre le cancer du sein, car il s'agit du premier cancer chez la femme et le cancer le plus répandu au fenua, avec une femme atteinte sur dix.
 
Autre engagement fort des entreprises : le dépistage. Car en Polynésie, les cancers sont encore trop peu dépistés. Encore une fois, c'est particulièrement le cas du cancer du sein. En effet, si en métropole, 87% des cancers du sein sont guéris, ce taux tombe à 55% en Polynésie, car seulement un tiers des femmes se font dépister contre deux tiers en métropole, alors même que le dépistage est gratuit à partir de 50 ans. Les entreprises du Club s'engagent donc à permettre à leurs employées d'aller se faire dépister sur leur temps de travail. Les entreprises dont les salariées souhaitent se faire dépister se rapprocheront du Club, qui sera chargé de faire le lien avec les professionnels de santé, de manière entièrement anonyme pour les employées, afin de faciliter la prise de rendez-vous. La démarche, notamment au niveau de l'information, sera ensuite élargie aux autres cancers à partir du second semestre, et notamment les cancers colorectaux. Mais en attendant, si un employé souhaite se faire dépister pour ce type de cancer, “évidemment que l'entreprise jouera le jeu”, assure Olivier Kressmann.

Réduire les dépenses de santé

Au-delà de l'aspect santé, il y a également un enjeu économique. Les entreprises souhaitent participer à la réduction des dépenses de santé du Pays. Car lorsque les cancers sont dépistés rapidement, des thérapies moins coûteuses peuvent être mises en place, en comparaison avec les thérapies qui seront déployées lors d'une prise en charge tardive. “On estime qu'un cancer du sein pris relativement tôt peut permettre une économie d'environ 5 millions de Fcfp par cancer. Quand on estime à peu près une centaine de cancers par an, ça peut faire des chiffres assez importants. Donc l'entreprise peut contribuer à avoir des dépenses de santé les mieux contrôlées possibles et les plus pertinentes”, souligne l'animateur du Club des entreprises contre le cancer.
 
Particularité de la Polynésie, l'éloignement géographique des personnes résidant dans les archipels rend le dépistage des cancers encore plus complexe. “L'éloignement, c'est déjà une information qui n'arrive pas forcément à temps et dans de bonnes conditions, mais c'est surtout un accès difficile au dépistage. C'est un gros souci”, déplore Natacha Helme, présidente du comité polynésien de la Ligue contre le cancer. Afin de tenter d'y remédier, le Club des entreprises contre le cancer travaille à la mise en place d'un conteneur médicalisé qui se rendrait dans les îles via les caboteurs avec une équipe médicale pour procéder aux dépistages directement sur place. Toujours au stade de projet, l'État et le Pays auraient néanmoins déjà accordé leur soutien et devraient se partager le financement de l'investissement pour une enveloppe globale de 20 à 25 millions de Fcfp, équipement compris. Le financement de fonctionnement devrait, quant à lui, être assuré conjointement par le Pays et la Ligue contre le cancer pour un coût de 8 millions de Fcfp par mission. Chaque mission devrait durer 15 jours et le conteneur pourrait être déposé sur une nouvelle île tous les trois mois.
 
À noter enfin que sept entreprises polynésiennes ont déjà adhéré au Club des entreprises engagées contre le cancer, soit l'équivalent de 1 500 salariés. Cinq autres entreprises sont en cours d'adhésion. Une participation qui s'inscrit dans la démarche de responsabilité sociétale des entreprises (RSE), qui contient une dimension environnementale, une dimension qualité de vie au travail et santé de ses collaborateurs.

Natacha Helme, présidente du comité polynésien de la Ligue contre le cancer : “Tous les cancers peuvent se traiter chez nous”

© Anne-Laure Guffroy
Pourquoi avoir choisi d'orienter les actions sur le cancer du sein en priorité ?
“C'est le premier cancer chez la femme, le plus répandu en Polynésie et il est malheureusement encore trop peu dépisté. Les femmes vont être mal prises en charge parce qu'elles vont attendre longtemps.”
 
Aujourd'hui, quels sont les freins au dépistage ?
“On en parle, mais il y a encore des gens pour qui l'information n'arrive pas. Ensuite, il y a beaucoup la peur d'entendre un mauvais diagnostic et peut-être aussi la culture. On est un peuple qui n'a pas forcément la même approche de la maladie ou de la mort que dans d'autres cultures. Tout ça, ça a une incidence sur le comportement des populations.”
 
Les cancers en général se soignent bien de nos jours ?
“Oui, et il faut savoir que la plupart des cancers peuvent être soignés chez nous, on n'est pas obligé d'être evasané. On evasane quand il y a des cas particuliers et les cancers pédiatriques, mais essentiellement, tous les cancers peuvent se traiter chez nous.”

Rédigé par Anne-Laure Guffroy le Mardi 14 Mars 2023 à 16:45 | Lu 1284 fois