“Les enchaînés”, une vie de bagnard en Calédonie


TAHITI, le 20 juin 2021 - Franck Chanloup est l’auteur de l’ouvrage intitulé “Les Enchaînés” paru chez Au Vent des îles. Ce roman raconte la vie des bagnards en Nouvelle-Calédonie à la fin du XIXe siècle. Le lecteur suit Victor, inculpé à tort de meurtre. Après avoir séjourné dans différentes prisons, il est déporté au bagne de La Nouvelle.

Avec le livre “Les Enchaînés” de Franck Chanloup paru chez Au Vent des îles, le lecteur démarre son voyage en 1868, dans la Sartre. Et plus précisément dans le village de Rouillon : “Écarquille tes esgourdes, Victor. Au moindre mouvement tu siffles, compris ?” Avec ces premiers mots, il fait la connaissance de la famille Chartieu : deux générations de brigands et cambrioleurs qui vivotent de menus larcins. Il découvre également la volonté de l’auteur qui a réalisé un gros travail de vocabulaire. “Le but”, affirme-t-il “était de proposer plus qu’un roman historique, un roman d’aventure avec du rythme. Avec Les Enchainés, je suis plus dans la littérature que dans l’histoire et le témoignage”. Ses personnages ne se privent pas pour employer de savoureuses expressions et tournures : “Il est estourbi, faut qu’on décampe !”. Certaines étant plus fleuries que d’autres.

Une agression qui tourne mal

Pour en revenir à Victor, un jour, il œuvre avec son frère et son père. L’agression tourne mal : Alfonse, le fils aîné, commet l’irréparable. Mais, sous le joug du tyrannique paternel, c’est le jeune Victor qui se laisse incriminer. La sentence est sans appel : il est condamné à neuf ans de prison. Commence alors une vie de malheur, un chemin de croix qui le mène de prison en prison jusqu’au bagne de Toulon, où il passe son temps à tenter d’éviter les passages à tabac, les coups de fouet et à résister aux conditions inhumaines de détention. Franck Chanloup résume : “C’est le cheminement d’un petit gars qui est tombé, qui paye pour les autres, de la prison du Mans au bagne de Nouméa”.

En 1872, le sort du jeune Victor s’assombrit plus encore lorsqu’il apprend sa déportation au bagne de La Nouvelle en Nouvelle-Calédonie, avec les premiers détenus communards. La cruauté et la violence vont rythmer son quotidien de forçat. En cours de voyage : “La chaleur est insoutenable. Ce soir nous avons demandé à écourter la promenade, pour une fois. Il est impossible de se tenir debout avec ce soleil qui mord nos chairs comme des chauves-souris affamées”. Ou encore : “C’est dur. Dur de se sentir emmuré au fond de cette cale comme dans un tombeau. (…) Lorsque la lame de désespoir s’empare de moi, je ne suis plus rien qu’un amas de chair et d’os bon à jeter aux ordures.”

Une fois au bagne, le quotidien n’est pas plus agréable, de jour comme de nuit, comme cette fois où Victor raconte : “Ma nuit est courte et ponctuée de cauchemars dégoutants”. Alors que les mois passent dans l’indigence la plus totale, au rythme du labeur esclavagiste des travaux forcés sous le regard de gardiens impitoyablement cruels, assistés par une milice kanake aux allures et casse-têtes effrayants, l’espoir d’une évasion reste leur seule échappatoire. Mais, plus tard : “Ils sont enchaînés depuis presque deux semaines et n’ont plus d’humain que le nom. Le fumet qu’ils répandent dans la cour est infect et ce matin les chiourmes se sont enfin décidés à les faire arroser.”

Premier roman

Pour Franck Chanloup c’est un premier roman. Né au Maroc, il a passé quelques années en France avant de s’installer en Nouvelle-Calédonie. Une île qu’il découvre et apprécie. Il s’intéresse notamment à l’histoire, encore trop méconnue, du territoire. Blogueur littéraire, il a sauté le pas avec Les Enchaînés.

Selon l’éditeur, le texte “saisissant”, “explore les méandres de l’humanité, tout en s’accrochant à l’espoir qu’une rédemption est toujours possible”. Il distille une petite lueur d’espoir grâce à l’amour, la résilience, toutefois son destin reste peu enviable. Selon l’auteur, c’est “une histoire dure dans une époque dure”. Le fond historique du roman à propos du bagne et des conditions de détention qui s’y pratiquaient est très bien documenté.

Et ensuite ? Franck Chanloup envisage plus qu’une suite, un feuilleton qui suivrait les aventures de Victor et de sa descendance dans toutes les périodes de l’histoire de la Nouvelle-Calédonie, “sans prétention d’historien”, explique l’auteur. “Mais l’histoire calédonienne est si riche !” À suivre donc.


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Rédigé par Delphine Barrais le Dimanche 20 Juin 2021 à 16:07 | Lu 832 fois