Les élèves marquisiens, futurs bilingues


L’école Patoa fait partie des trois écoles marquisiennes qui appliquent depuis un an et demi le bilinguisme au cycle 1.
Nuku Hiva, le 11 mars 2022 - Depuis un an et demi, le dispositif bilingue aux Marquises est en place dans plusieurs écoles de l'archipel. De nouveaux outils pédagogiques ont été créés et les premiers bénéfices de cet apprentissage en français-marquisien se font sentir chez les enfants.

Convaincue qu’en maîtrisant parfaitement sa langue maternelle, un enfant est mieux préparé à apprendre plusieurs autres langues, l’inspectrice de l’Éducation nationale en charge des Marquises, Aline Heitaa-Archier, sous le contrôle du ministère de l’Éducation, expérimente depuis un an et demi l’enseignement bilingue marquisien et français dans trois écoles de l’archipel. Le CSP de Hakahau à Ua Pou, l’école de Vaitahu à Tahuata et l’école Patoa de Taiohae à Nuku Hiva. Ainsi, la classe des tout-petits (STP à partir de 2 ans révolus) bénéficie d’un enseignement à 100% marquisien, puis les classes du cycle 1 (de la petite à la grande section) d’un enseignement bilingue à parité horaire 50% français, 50% marquisien.

La principale difficulté rencontrée par les instituteurs et les institutrices depuis la mise en place de ce dispositif, est d’adapter l’enseignement qu’ils maîtrisent en français à la langue marquisienne. En effet, ce qui paraît évident dans une langue ne l’est pas forcément dans une autre. C’est pourquoi depuis près de deux ans ils travaillent au côté d’Aline Heitaa-Archier afin de créer des outils pédagogiques nécessaires à l’apprentissage en question. Des albums de jeunesse ont notamment été traduits du français au marquisien.

De nouveaux outils
 
“Nous nous efforçons de donner aux élèves le meilleur raisonnement possible pour comprendre et pour apprendre, explique l’inspectrice. II ne faut surtout pas se contenter d’inculquer des connaissances sans vérifier les bases dont dispose l’enfant. Donc pour cela, nous avons construit des outils dans plusieurs domaines d’enseignement et dans la maîtrise de la langue : en EPS, en enseignement moral et civique, et en résolution de problèmes de mathématiques. Et ce en marquisien au même titre qu’en français. Maintenant que nous avons ces outils indispensables, il va falloir former les enseignants à l’utilisation de ces outils, c’est la prochaine étape.”

A cet effet, la ministre de l’Éducation Christelle Lehartel a annoncé la mise à disposition des Marquises, dès l’an prochain, de cinq brigadiers puis de deux professeurs des écoles mobiles pour remplacer en classe les enseignants qui seront en formation de façon ponctuelle. Une bonne nouvelle pour Aline Heitaa-Archier qui n’a de cesse de se battre pour la réussite scolaire des enfants de l’archipel des Marquises dont elle est elle-même originaire, puisqu’elle a passé son enfance dans la vallée de Puamau à Hiva Oa. Je me rends compte, précise-t-elle, que tous les enfants marquisiens parlent français dans la cour de récréation, mais c’est un français très approximatif, ce qui fait que leurs résultats scolaires n’évoluent pas. Et cela car ils ne parlent pas bien le français et pas bien non plus le marquisien. Et on sait désormais que si on veut maîtriser une nouvelle langue il faut s’appuyer sur sa langue maternelle. Pour moi, le Marquisien de demain, c’est une personne qui maîtrise aussi bien le marquisien que le français.” 

James Tekohuotetua, enseignant d’une classe de CE1/CE2
“On commence à voir les bénéfices”


“Lorsque nous avons commencé le bilinguisme à l’école, il a fallu convaincre les parents qui étaient très sceptiques, car pour eux la langue française était celle de la réussite et ils avaient peur qu’en rajoutant le marquisien à l’école cela empêche la bonne maîtrise du français. Avec le temps les parents ont changé de point de vue. Aujourd’hui ils se sentent plus investis et d’ailleurs on voit que de plus en plus ils parlent à leurs enfants en marquisien, ils révisent les chants et le vocabulaire avec eux, ce qu’ils ne faisaient pas avant. Au niveau des enfants, on commence à voir les bénéfices de la dissociation des deux langues dans l’apprentissage général.”

Toti Teikiehuupoko, directeur de l’académie marquisienne
“Les meilleurs éducateurs ce sont les parents”

“Il faut savoir que chacune des six îles de l’archipel a ses particularités et son propre 'parler'. C’est pourquoi à l’heure où nous travaillons sur un nouveau dictionnaire marquisien nous faisons très attention à l’utilisation des exemples que nous allons mettre dans ce dictionnaire. Il faut faire de la langue marquisienne le fer de lance qui permettra à nos enfants de réussir plus tard. Et le bilinguisme chez les plus jeunes doit être pratiqué dans toutes les écoles pour une meilleure compréhension globale et parfaite des deux langues. Cependant, pour moi, les meilleurs éducateurs ce sont les parents, et si eux ne jouent pas le jeu de parler le marquisien à leurs enfants, on ne réussira pas.”

Rédigé par Marie Laure le Lundi 14 Mars 2022 à 10:01 | Lu 1656 fois