Les dessous politiques du renouvellement de la concession Sécosud


Le renouvellement de la concession Sécosud pour la fourniture d'électrique jusqu'en 2034 est au cœur d'une lutte de pouvoir dont pourrait bien faire les frais l'actuel concessionnaire, EDT-Engie. (Photo : Jacqui Drollet et Anthony Jamet).
PAPEETE, 16 janvier 2017 - Le Syndicat pour l'électrification des communes du Sud de Tahiti (Sécosud) doit délibérer ce mardi des conditions dans lesquelles se déroulera l’ultime phase du dialogue compétitif qui s'ouvre jusqu'au 28 février, date butoir pour arrêter le choix du fournisseur d’électricité pour les 17 prochaines années dans les communes du Sud de Tahiti.

En coulisse, un bras de fer politico-économique est à l’œuvre sur l’autel de l’électrification des communes de Hitia'a o te Ra, Taiarapu-Est, Taiarapu-Ouest et Teva i Uta, 11 508 abonnés, 35 110 habitants et une consommation annuelle d’environ 50,9 GWh.

Coup de théâtre, mardi dernier, alors que la messe semblait dite, le conseil syndical du Sécosud s’est exprimé majoritairement contre la proposition de son président, Anthony Jamet. Celui-ci souhaitait retenir la candidature d’EDT-Engie au détriment de l’offre de Teva Rua Nui, qui selon les analystes du syndicat présenterait une sérieuse insécurité juridique. Mis en minorité par 5 voix contre 3 le scrutin aurait pu se solder par la disqualification du concessionnaire actuel et historique de Sécosud. Il ouvre une ultime phase du dialogue compétitif qui doit nécessairement s’achever avant le 28 février prochain, et le choix d’un concessionnaire pour la fourniture d’énergie électrique jusqu’en 2034 sur les communes rurales de Tahiti.

Si l’issue du conseil syndical programmé ce mardi devrait se solder par l’ouverture d’une ultime période de concertation avec les deux candidats retenus au terme de l’appel d’offres de Sécosud, elle pose aussi les conditions d’une nouvelle et dernière donne avant le choix du concessionnaire. Pour le candidat EDT-Engie, celle-ci sera certainement synonyme d’un assouplissement de l’offre économique sur laquelle l’électricien pensait pouvoir s’arc-bouter, convaincu de la capacité d’Anthony Jamet à rassembler une majorité derrière lui. Pour le challenger, Teva Rua Nui, tout reste possible, y-compris la perspective de déloger la filiale polynésienne du groupe GDF-Suez d’un créneau qu’elle exploite depuis 1988 et de s'installer sur ce marché jusqu’en 2034.

Lutte d'influence

Mais, en coulisse, c’est une bataille politique qui semble se jouer dans la perspective des échéances électorales à venir. "Le vote s’est déroulé à bulletin secret", commente, discret, Jacqui Drollet à propos d'un scrutin qui a entièrement rebattu les cartes, mardi 10 janvier dernier. Le maire de Hitia’a refuse même d’assumer le rôle notoire qui pourrait être le sien à la tête d’une coalition sudiste hostile à Anthony Jamet. De toute évidence pourtant, comme le note nos confrères de Radio 1, lundi, cette phalange compte dans ses rangs, outre Jacqui Drollet, Abel Tehotu, le maire délégué de Tiarei, le tavana Tahoeraa de Teahupoo, Gérard Parker, Annabella Teraitetia, mairesse de Pueu et Wilfred Tavaearii, le maire de Taiarapu-Ouest, proche de Clarentz Vernaudon et président de la SEM Vavi en partie détenue par l’homme d’affaires Dominique Auroy.

Le dénominateur commun à chacun d’entre eux, comme le démontre le scrutin de mardi dernier, est de faire obstacle à la candidature d’EDT-Engie, même si chaque élu a ses raisons propres.

Jacqui Drollet réfute toute analogie entre la prise de pouvoir opérée sous son influence au sein du conseil municipal de Hitia’a o te Ra et ce qui se passe actuellement au sein du conseil syndical de Sécosud. D’un côté, sur la côte Est, une majorité hostile solidement ancrée au sein du conseil municipal a contraint Dauphin Domingo, proche du Tapura Huiraatira et élu jusqu’en 2020, à un rôle de figuration à moins qu’il ne démissionne d’ici là. De l’autre, au sein de l’organe délibératif du Sécosud, il en va de même pour le président Jamet, également proche du Tapura Huiraatira. Dans les deux cas, Jacqui Drollet parvient à affirmer son influence dans le fief politique de la zone rurale de Tahiti. Et cela sert sans doute ses intérêts dans la perspective des élections législatives de juin 2017, alors que la plateforme indépendantiste n’a toujours pas désigné son candidat. De même que cela ne peut que le servir dans l'optique des territoriales de 2018, où les places sur la liste bleue en position éligibles seront sans doute rares. Sans compter qu’au plan personnel, mettre en échec la filiale de GDF-Suez présente pour l’idéologue souverainiste l’avantage de démontrer que l’indépendance n’est pas un vœu pieu tout en agissant en résonance avec le combat engagé depuis plusieurs mois par Valentina Cross. Combat dont l’enjeu est la baisse du prix de l’électricité sur le secteur du Sécosud, grâce notamment à une révision des tarifs de revente de l’énergie hydroélectrique pratiqués par EDT-Engie. Cette énergie hydroélectrique étant entièrement produite sur le secteur de la concession par les centrales de Marama Nui.

Quant à Tearii Alpha, le maire de Teva i Uta, s'il lui semble favorable il n'offre au fond qu'un faible soutien à Anthony Jamet. Son timide suffrage s'exprime sans conséquence dans la minorité des trois, au côté de celui d'Alain Sangue, le maire délégué de Papeari. Et on se souvient qu'en avril 2016 l'élu de Mataiea était en accord avec Valentina Cross sur la problématique de la tarification de l'énergie d'origine hydroélectrique et il demeure proche de Dominique Auroy.

En soutenant ce mouvement, l’élu Tahoera’a de Teahupoo, Gérard Parker, contribue de son côté à l’entreprise de démolition de la crédibilité politique d’Anthony Jamet aux yeux du Tapura Huiraatira. Pour l’élu de Taiarapu-Est, dans la perspective des élections territoriales d’avril 2018, il serait en effet difficile de survivre à un échec lié à son déficit d’influence.

Pour l’instant, c'est encore EDT-Engie qui fournit l’électricité dans les communes couvertes par Sécosud, en vertu d’un contrat de concession pour la distribution publique d’énergie initialement conclu le 31 décembre 1988 pour une durée de 25 ans, jusqu’en 2013, et dont la durée a été prolongée à quatre reprises depuis. Mais pour combien de temps encore ? Les 43 jours qui nous séparent du 28 février 2017 seront déterminants pour les abonnés et les élus des communes du Sud de Tahiti, à bien plus d'un titre.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Lundi 16 Janvier 2017 à 11:45 | Lu 4325 fois