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Les dessous du comportement alimentaire des Polynésiens


PAPEETE, 4 avril 2019 - L’analyse du comportement alimentaire des Polynésiens, réalisée sur la base des données recueillies en 2015 lors de l’enquête Budget des familles par l’ISPF met en évidence une consommation de sucres et de sel qui dépasse nettement en Polynésie les recommandations sanitaires. Cette étude révèle aussi quatre profils alimentaires types très corrélés avec les ressources financières.
 
En 2015, l’enquête Budget des familles permettait d’établir la nouvelle structure de consommation des ménages, dont celle des dépenses alimentaires. En recoupant ces données avec celles des douanes et des principaux distributeurs locaux, l’Institut de la statistique en Polynésie française (ISPF), s’est intéressé au comportement alimentaire de la population polynésienne.

Plusieurs enseignements ressortent de cette étude publiée jeudi. D’abord que les consommations de sucres et de sel sont supérieures à la limite haute des recommandations des organismes internationaux de veille sanitaire. L’apport énergétique total (AET) quotidien est en moyenne de 2500 Kcal au fenua. Il est 400 Kcal supérieur à la moyenne en France métropolitaine et 200 Kcal plus important que la moyenne des populations Maori de Nouvelle-Zélande.

Pour l’ensemble des individus, les apports énergétiques provenant des protéines (18 % de l’AET), des lipides (34 % de l’AET) et des glucides (47 % de l’AET) respectent les dernières recommandations nutritionnelles. Cependant, pour plus de la moitié de la population, l’apport en sel est trop élevé et deux individus sur cinq consomment plus de 100 grammes de sucres (hors lactose) par jour. Une forte consommation de sel contribue à l’hypertension artérielle et induit un risque accru de cardiopathie et d’Accident Vasculaire Cérébral (AVC). La consommation excessive de sucres accroît les risques d’insulinorésistance, de diabète, de maladies cardiovasculaires (MCV) et de certains cancers.

L’apport énergétique en Acides Gras (AG) saturés est aussi supérieur à 12 % pour le tiers de la population. En particulier, un individu sur quatre a un apport énergétique supérieur à 8 % parmi les acides gras laurique, myristique et palmitique. La consommation de ces acides gras particuliers accroît le risque d’athérosclérose. Sept individus sur dix ont aussi un apport insuffisant en oméga-3. Enfin, la consommation de fibres alimentaires est insuffisante pour induire un effet bénéfique à la réduction du risque pour les maladies chroniques telles que le diabète de type 2.
"Ce que détermine cette étude aussi, c’est que l’on observe quatre régimes alimentaires spécifiques en Polynésie française", commente Fabien Breuilh, directeur de l’ISPF.  

​Classe alimentaire 1 : beaucoup d’amidon

Ainsi, un quart de la population (27 %) présente un régime alimentaire riche en amidon avec un apport important de riz et de baguette de pain. Une population que l’enquête rassemble dans une classe alimentaire particulière. Ce régime à teneur en amidon élevée s’accompagne d’un apport en lipides moindre.
Dans ce groupe, la consommation de Corned beef, de Firi firi et de lentilles sont supérieures aux moyennes globales. Plus du tiers des individus de cette classe sont pauvres, soit 10 points de plus que pour l’ensemble des individus. Les ressources sont très faibles pour 35 % des individus. Les ménages de plus de cinq personnes représentent le tiers de la population appartenant à cette classe. Les agriculteurs ou retraités sont des catégories socioprofessionnelles très présentes ainsi que les personnes habitant les Tuamotu-Gambier.

​Classe alimentaire 2 : forte présence des sucres

Dans la classe alimentaire 2, on retrouve les individus dont la diète quotidienne présente une teneur en sucres élevée. Il s’agit d’un individu sur quatre en Polynésie. Ces personnes se caractérisent par des ressources élevées et des apports énergétiques provenant du sucre en poudre et de la restauration. Dans ce groupe, la moyenne de la part de glucides est plus importante (55 % versus 47 %). Notamment, la part des sucres (30 %) est supérieure de 13 points à celle de l’ensemble des individus tandis que celle de l’amidon (19 %) est inférieure de 4 points. La consommation journalière des sucres (hors lactose) est de 170 g/j soit 70 g de plus que la limite autorisée. Pour près de la moitié des individus de cette classe, les ressources sont élevées. Les catégories socioprofessionnelles cadres ou professions intermédiaires sont davantage présentes. Ces personnes habitent le plus souvent aux Îles Du Vent ou aux Marquises. Les couples sans ou avec 1 ou 2 enfants caractérisent également cette classe.

​Classe alimentaire 3 : apport important en protéines

Une personne sur 10 fait des repas très riches en protéines (31 %) mais a une moyenne en apports glucidiques de 12 points inférieure à la moyenne polynésienne. L’apport énergétique total des individus de cette classe est de 2600 Kcal/jour. Pour près de la moitié des individus de cette classe, les ressources sont élevées. Les catégories socioprofessionnelles cadres ou professions intermédiaires sont davantage présentes. Ces personnes habitent le plus souvent aux Îles Du Vent ou aux Marquises. Les couples sont avec au plus deux enfants caractérisent également cette classe.

​Classe alimentaire 4 : des repas riches en lipides

C’est le régime alimentaire le plus représenté (40 %) dans la population polynésienne. Il se décline par des repas riches en lipides. Un peu moins de la moitié des ménages dont le chef de famille est de catégorie socioprofessionnelle professions intermédiaires, artisans, commerçants ou patrons appartiennent à cette classe. Pour 38 % des individus de cette classe, les ressources sont élevées.
Pour les individus de ce groupe, les huiles alimentaires, en particulier l’huile de tournesol et l’huile d'arachide, contribuent à 13,5 % de l’AET comparativement à 7 % pour l’ensemble des individus. De plus, la contribution à l’AET est supérieure pour les Produits à base de tubercules (farines, semoules, flocons, purées, frites et chips), y compris les préparations surgelées telles que les frites et particulièrement les "Frites surgelées ou pommes de terre préparées surgelées ", pour les sauces, condiments, assaisonnements et pour les "Viandes séchées, salées ou fumées et abats comestibles (saucisses, salami, bacon, jambon, pâté, etc...)". A contrario, les moyennes des contributions à l’AET sont inférieures pour le riz » (7,5 %, - 3,5 points), le "Pain et autres produits de boulangerie " (9 %, - 3 points), les "Poissons du lagon" (1,5 %, - 1,5 point), le "Sucre de canne ou de betterave" (3,5 %, - 1,5 point) et les "Bananes" (1 % , - 1 point).


Rédigé par JPV le Jeudi 4 Avril 2019 à 16:12 | Lu 2900 fois