Les contrats de chantier au cœur de la relance polynésienne


PAPEETE, le 22 avril 2014. Parmi les 50 mesures du plan de relance présentées par le gouvernement de Gaston Flosse, la semaine dernière, la mesure N°7 permettant la mise en œuvre en Polynésie des contrats de chantier est l’une de celles qui a le plus retenu l’attention. Dans le secteur du bâtiment, cette mesure était très attendue. «Les contrats de chantiers permettront aux entreprises de pouvoir recruter plus facilement dans le cadre temporel fixé par la durée des projets/chantiers qu’elles auront à conduire. Ce dispositif permettra de dynamiser l’emploi dans le cadre de projets ou de chantiers dont la durée est supérieure à deux ans mais limités dans le temps. Il constituera un outil d’assouplissement du code du travail ouvert à tous les secteurs de l’économie et permettra de combattre le travail non déclaré dans le secteur du bâtiment notamment». Voilà ce que dit très précisément le document imprimé par le gouvernement sur le plan de relance 2014.

Il s’agit, en vue des grands chantiers annoncés sur le territoire, de favoriser une certaine flexibilité du travail pour répondre à un besoin accrue de main d’œuvre sur une durée qui n’est pas déterminée de façon précise. «Nous avions déjà travaillé sur des projets de texte qui allaient dans ce sens. Je ne connais pas précisément le texte du projet de loi de Pays du gouvernement, mais je pense qu’il répond à certaines de nos problématiques particulières. Pour l’instant, les contrats à durée déterminée, les CDD ne peuvent être conclues que pour une durée maximale de deux ans, au-delà de cette durée il y a une automaticité vers un CDI, contrat à durée indéterminée. Or, particulièrement dans le domaine du bâtiment, souvent les chantiers durent plus de deux ans. Que se passe-t-il alors ? Une personne est embauchée pour une durée de deux ans maximum et si le chantier dure plus longtemps et même si la personne effectue un travail satisfaisant, le contrat est arrêté à la date prévue et une autre personne est embauchée à sa place, alors même que le patron et l’employé souhaiteraient pouvoir achever ce qu’ils ont commencé» précise Frédéric Dock, vice-président de la chambre syndicale des entrepreneurs du bâtiment et des travaux publics (CSEBTP). Le contrat de chantier ou comme il existe en France, le CDIC (le contrat à durée indéterminée de chantier) est donc en train de s’immiscer entre les deux types majeurs de contrat de travail en Polynésie.

Pour autant, tout n’est pas encore calé et des marges de discussion restent ouvertes. «Ici, les contrats de chantier pourraient exister pour n’importe quel secteur d’activité, à chacun de déterminer les conditions dans lesquelles ils s’appliqueront» poursuit Frédéric Dock. La complexité du contrat de chantier réside dans les termes qui précisent les contours et la durée de ce contrat de travail : la fin du chantier lui-même ou d’une tâche en particulier. «Plusieurs modalités sont possibles» détaille encore le vice-président de la CSEBTP. Ainsi, l’exécution de la fin du contrat donnera-t-elle lieu à une prime de précarité ou non ? En France, cela n’est pas le cas actuellement, mais la discussion reste ouverte en Polynésie. «Le projet est déjà bien avancé. Ce qu’il faut maintenant c’est préciser toutes les modalités d’application. Il est fondamental de bien discuter avant de les mettre en pratique tous les cas de figure : les entrées, sorties et objets de ce type de contrat de façon à éviter les conflits. Il n’y a pas d’urgence» conclut Frédéric Dock. Après tout, les contrats de chantier ont été taillés sur mesure pour alimenter en main d’œuvre les grands chantiers du Pays, en priorité le projet du Mahana Beach à Punaauia qui ne sortira pas de terre avant encore quelques années.

D’autres discussions à venir sur le code du travail

L’introduction des contrats de chantier en Polynésie ne devrait pas la seule adaptation et modification de taille du code du travail polynésien. Le 19 février dernier était créé un comité tripartite, auprès du Président de la Polynésie pour réfléchir sur l’aménagement des règles de droit du travail. Il est composé du président du Pays, de quatre ministres (travail, protection sociale, équipement et tourisme), de cinq représentants des entrepreneurs, travailleurs indépendants et employeurs et de cinq représentants des salariés.

Selon Frédéric Dock qui en est l’un des membres de ce comité, il faudra réfléchir sur la flexibilité du temps de travail sur l’année pour permettre d’adapter l’activité à la saisonnalité de certaines professions. L’autre grand chantier à mener concerne un dépoussiérage actif du contrat de travail, considéré comme «trop rigide» et qui pourrait «être un frein à l’embauche». Le Medef local a déjà largement travaillé sur ces thèmes et n’attend plus que d’être convoqué pour faire part de ses réflexions et faire preuve d’innovation dans ce domaine. Mais, pour l’instant le Comité créé n’a pas encore reçu de feuille de route ou d’agenda.

En France, bien avant la Polynésie française -et au moins depuis le début des années 2000-, les réflexions sur les mutations des contrats de travail pour favoriser une plus grande flexibilité de l’emploi ont agité les grandes centrales syndicales et patronales. Différentes variantes sont venues s’ajouter aux classiques CDD, CDI et missions d’intérim, mais jusqu’ici les contrats de projet ou les contrats à objet défini n’ont pas encore fait leur chemin définitif dans l’organisation du travail. Même la proposition d’un contrat de travail unique, dont la flamme s’est ravivée en 2011 par l’action de l’association nationale des directeurs des ressources humaines, a fait flop et s’est heurtée à l’opposition des syndicats craignant une précarisation accrue du travail et un allègement trop accéléré des obligations à tenir en cas de licenciement.

Rédigé par Mireille Loubet le Mardi 22 Avril 2014 à 17:24 | Lu 1491 fois