Les commerçants du quartier de la mairie victimes d'agressions et de dégradations


Le quartier autour de la mairie sombre dans l'insécurité. 78 commerçants ont envoyé une pétition au maire pour lui demander d'agir.
PAPEETE, le 11 octobre 2018 - Près de 80 commerçants du quartier entourant la mairie de Papeete ont signé une pétition adressée au maire de la ville. Ils y dénoncent les agressions dont ils sont victimes, les incivilités et même les dégradations infligées à leurs commerces. En cause : un groupe de prostituées, dealers de drogues et jeunes délinquants.

Lors de la sixième édition des Rencontres de la sécurité qui a eu lieu cette semaine, le maire de Papeete, Michel Buillard, a annoncé qu'une dizaine de nouvelles caméras de surveillance sont en cours d'installation dans le centre-ville. Une annonce qui semble bien dérisoire pour les 78 commerçants du centre-ville qui lui ont adressé une pétition hier.

Ils y dénoncent les violences et les dégradations qu'ils subissent tous les jours. Des prostituées qui font des passes dans les parkings, des dealers de drogue qui commercent sur le trottoir en pleine journée, des attroupements alimentés à l'alcool et au paka qui dégénèrent en agressions verbales contre les passants... Pire, au début de cette semaine, une coiffeuse de la rue de l'École des Frères a vu sa vitrine brisée, à travers le rideau de fer. Elle avait été confrontée à ces délinquants et avait déjà déposé deux plaintes pour agression à la police, sans que les autorités aient pu assurer sa protection.

A deux mètres de la vitrine brisée d'Elga, ce panneau annonçant la vidéosurveillance du quartier. Il ne semble pas avoir été efficace.
Le quartier est situé à quelques dizaines de mètres seulement de la police municipale de Papeete, et pourtant le climat d'insécurité semble s'y installer durablement. Il faut dire que, de l'aveu même des commerçants que nous avons rencontrés, les interventions passées de la police n'ont jamais réglé le problème. Ils l'ont juste déplacé quelques rues plus loin, jusqu'à ce que les prostituées et les dealers de drogue viennent s'installer directement dans le quartier de la mairie...

Henri Tetuanui est le propriétaire d'un immeuble dans le quartier. Il ne se déplace plus sans une barre de fer pour se défendre des agressions... Il s'adresse directement à son élu : "Je pose la question au maire. Monsieur Buillard, où êtes-vous ? Vous ne voyez pas ce tout qu'il se passe ? Qu'est-ce que vous attendez ? C'est juste sous votre fenêtre, vous n'avez qu'à ouvrir la porte pour le voir !"

Henri, propriétaire de l'immeuble Tetuanui

"c'est moi qui viens ramasser leurs saletés, les capotes usagées"

Tu es solidaire de cette démarche des commerçants. As-tu été victime de ces agressions ?
Oui, je les soutiens et je comprends parfaitement. J'ai été victime à plusieurs reprises d'agressions verbales de ce groupe. Il s'agit de prostituées femmes, hommes, des enfants aussi. Des vendeurs de paka et d'ice, des consommateurs d'alcool... Ils viennent devant l'immeuble et ils campent avec leurs drogues, la musique à tue-tête, ils font beaucoup de bruit.

Ils agressent les locataires et leurs clients ?
Oui, ça arrive qu'ils agressent les clients. Il y a deux jours par exemple, une femme qui travaille pour un bureau de perle dans l'immeuble est sortie, elle a senti une main qui l'empêchait de fermer la porte. C'était un couple qui voulait entrer dans l'immeuble, qui a commencé à la menacer si elle essayait de fermer la porte. Ils voulaient entrer, j'ai très souvent des locataires qui voient des prostituées en train de s'envoyer en l'air avec leurs clients dans le parking, et c'est moi qui viens ramasser leurs saletés, les capotes usagées.

Tu espères aussi que la mairie pourra aider ?
On fait quelques pas et on est à la police municipale, elle est juste à côté ! Je leur ai demandé de faire quelque chose à plusieurs reprises... Mais sans résultat. À tel point qu'aujourd'hui, je me promène avec ça (il désigne une barre de fer qui lui sert de canne) pour ma sécurité. J'en ai marre de ces personnes nuisibles, qui ne respectent rien, qui agressent les gens et font des dégâts. Tout est possible avec ce groupe-là !

Elga, coiffeuse rue de l'Ecole des Frères

Elga devant sa vitre brisée
"Face à cette violence, je ne sais pas comment réagir "
Raconte-nous ce qui t'es arrivé.

Lundi matin, j'ai constaté que mon salon a été vandalisé. Ma grande vitre a été cassée malgré le rideau métallique. Cet acte malveillant est la goutte qui a fait déborder le vase ! Cette année j'ai été agressée deux fois, ma porte a également été cassée. J'ai porté plainte deux fois et déposé une main courante... La police est venue, mais rien n'a changé. Aujourd'hui je viens au travail avec la peur au ventre ! Ce n'est pas normal, je souhaite juste gagner ma vie honnêtement...

C'est pour ça que vous avez tous signé cette pétition ?
Moi et tous les commerçants et patentés du quartier, nous voulons exprimer notre ras-le-bol face à l'insécurité, à la montée de la violence, les agressions physiques et verbales, la drogue, l'alcool et la prostitution. C'est pourquoi nous demandons à monsieur le maire et à la police, plus de sécurité. C'est pour ça que nous avons tous signé cette pétition, avec 78 signatures.

Depuis quand la situation s'est-elle autant dégradée ?
Je suis installée ici depuis 22 ans, et au début ça n'était pas comme ça. Mais il y a trois ans, j'ai constaté la montée de cette délinquance. Au début, ils étaient plus près du Front de mer, on les a éjectés de là. Ils sont remontés vers l'immeuble Tetuanui, la police est intervenue. Aujourd'hui ils sont juste là, à la mairie.

Au début, tu étais plutôt tolérante. Tu nous dis que les prostituées doivent aussi gagner leur vie...
Oui, au début je les laissais. Dans ma tête, pour moi, ce sont quand même des gens de Tahiti, on n'est pas comme ça ! Il y a encore de l'amour dans mon peuple. Mais quand je leur ai demandé gentiment de ne pas boire et fumer du paka juste devant mon salon, les agressions ont commencé. C'était en juin-juillet. Mais face à cette violence, je ne sais pas comment réagir.


Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Jeudi 11 Octobre 2018 à 16:48 | Lu 15691 fois