Les avocats veulent la peau de Nuutania


Selon la requête de Me Usang, le centre de détention de Nuutania place les prisonniers dans des “conditions indignes” et les confronte à des “répétitions quotidiennes de violation des droits de l'homme”. Crédit photo : Archives TI.
Tahiti, le 28 mai 2024 – Me Usang, avec l'accord unanime des avocats du barreau de Papeete, souhaite faire fermer le centre de détention de Nuutania afin de mettre fin “aux conditions indignes de détention pénitentiaire” et à la “répétition quotidienne de la violation des droits de l'homme”. Le dossier a été examiné ce mardi matin devant le tribunal administratif.
 
“Les détenus sont animalisés (...) Nous avons fait serment de défendre des personnes avec dignité, il faut que l'on respecte ça. C'est notre intérêt à agir”, a plaidé Me Eftimie-Spitz, qui supplée Me Usang, dans le dossier de la fermeture de la prison de Nuutania, ce mardi matin devant le tribunal administratif. En effet, avec l'accord unanime des avocats du barreau de Papeete, l'avocat s'est lancé dans une action visant le centre de détention de Nuutania, une prison qui a déjà fait l'objet de nombreux recours et de nombreuses plaintes d'anciens détenus quant aux conditions de détention. Me Usang demande de prendre “des mesures pour mettre fin aux conditions indignes de détention pénitentiaire du centre de Faa'a, le cas échéant, en le fermant” et de “mettre fin à la répétition quotidienne de la violation des droits de l'homme”.
 
Les murs et sols dénués de carrelage, laissant place à du béton comme seul revêtement, uniquement de l'eau froide et une absence de lavabos obligeraient les détenus à “faire leur vaisselle dans les toilettes”, selon Me Eftimie-Spitz. Toute une liste de manquements “à la dignité humaine” a donc poussé au dépôt de cette requête.
 
La fermeture, une issue “extrême”
 
Pour la rapporteure publique, la fermeture de Nuutania constitue une solution “extrême”. Elle a toutefois souligné que le manque d'accès à l'eau chaude excède “le niveau de souffrance inhérent à la détention et est, dès lors, attentatoire à la dignité des intéressés”. En effet, selon un constat d'huissier, la température moyenne des douches oscille entre 22 et 23 degrés. Elle a donc proposé au tribunal administratif d'enjoindre à la prison de réaliser des travaux pour assurer une distribution d'eau chaude dans l'ensemble du centre pénitentiaire, dans un délai de deux ans. Concernant les autres motifs soulevés par les requérants, comme l'absence de lavabo dans certaines cellules ou les cellules sans séparation entre la douche et le lit, ils ne constituent pas des motifs suffisants, selon la magistrate, pour la fermeture du centre.
 
Ses conclusions ont également été jugées trop “aimables” par Me Eftimie-Spitz, qui a regretté un délai de travaux “trop agréable”. “Il faudrait strictement encadrer les études de faisabilité à six mois”, a-t-elle déclaré, suspicieuse quant à la réelle possibilité de réalisation de ces travaux, qui pourraient ne pas être exécutables en raison de l'état général du centre, construit en 1970. Le tribunal rendra son jugement le 25 juin prochain.
 

Rédigé par Thibault Segalard le Mardi 28 Mai 2024 à 17:11 | Lu 2881 fois