Tahiti, le 19 janvier 2021 – À quelques jours des nouvelles formalités d'entrée aux États-Unis, et notamment de l'obligation d'effectuer des tests PCR et antigéniques avant le départ de la Polynésie, la question de la capacité de dépistage en moyens matériels et humains au fenua anime les débats, notamment au sein des ministères du Tourisme et de la Santé. La question du redéploiement des autotests effectués quatre jours après l'arrivée des voyageurs en Polynésie française revient sur la table.
Obligatoires pour les passagers à destination des États-Unis à compter du 26 janvier, les tests PCR et antigéniques pour prendre l'avion au départ de Tahiti vont bientôt peser sur les stocks et l'activité de l'Institut Louis Malardé. De nouvelles exigences de tests qui pourraient à l'avenir se généraliser à d'autres destinations, parmi lesquels la métropole, comme l'indiquait lundi un communiqué du Pays. Dans ce contexte, la Polynésie anticipe la demande à venir et cherche à rationnaliser ses moyens matériels et humains en tests anti-Covid.
L'intérêt des autotests imposés aux passagers quatre jours après leur entrée sur le territoire, est notamment de plus en plus remis en question. Car si ce second test de contrôle prenait tout son sens lorsque la destination était "covid -free" et qu'il a effectivement permis de repérer des cas positifs, il n'a plus réellement d'utilité vue la propagation du virus à ce stade de l'épidémie en Polynésie française. En témoignent les résultats qui reviennent quasiment tous négatifs : 275 positifs sur 51 000 autotests. Il y a quelques mois déjà, le ministre de la Santé Jacques Raynal évoquait la possibilité d'un redéploiement de ces auto-tests pour libérer de la capacité en dépistage. Il a aujourd'hui été rejoint par sa collègue au ministère du Tourisme, Nicole Bouteau, pour qui cette manne pourrait représenter une solution face aux demandes de nos marchés émetteurs.
"Les moyens que l'on a, il faut les mettre là où on en a besoin"
"Le protocole était utile et intéressant quand il a été mis en place, mais aujourd'hui il consomme des capacités utilement déployables sur des besoins nouveaux parce que l'évolution de l'épidémie est telle qu'il faut pouvoir tracer les cas contacts", reconnaît Hervé Varet, directeur de l'Institut Louis Malardé (ILM). "Les moyens que l'on a, il faut les mettre là où on en a besoin, c'est-à-dire sur le traçage des cas contacts ou sur les visiteurs qui vont repartir". La pertinence des autotests se justifiait notamment pour les îles, lorsque le taux d'incidence était encore faible. "On a rattrapé pas mal de personnes comme ça. On avait alors un intérêt à tester une seconde fois les nouveaux arrivants, pour les gens qui partaient dans les îles".
Ces derniers jours, les discussions dans le secteur de la Santé tournaient également autour du redéploiement de ces tests sur d'éventuelles campagnes de dépistages massifs ou sur les zones faiblement contaminées, cette fois-ci dans les archipels plus éloignés. "Un touriste qui peut potentiellement être contaminant est rapidement trouvé avec ce système, argumente le directeur. On a eu un énorme taux de retour de plus de 90%, ça montre que les gens jouent le jeu là-dessus".
Le problème des variants
Pour autant, l'Etat et le Pays ne sont pas totalement prêts à abandonner les autotests à quatre jours pour les nouveaux arrivants. En effet, alors que la dispersion virale circule davantage au travers du tourisme affinitaire, l'autotest pourrait jouer un rôle de filtre dans la détection, notamment en perspective de l'émergence de nouveaux variants. "On sait que ce n'est pas la barrière absolue, il ne faut pas se leurrer, les variants vont finir par arriver. En revanche, il faut pouvoir tout de suite les identifier. Le plus important dans une gestion de crise, c'est de suivre les cas contacts, d'isoler les cas positifs", poursuit le directeur.
Une position soutenue par le haut-commissaire Dominique Sorain et le président Édouard Fritch lors de leur allocution commune jeudi dernier. Les deux hommes avaient confirmé le maintien des autotests. "Un certain nombre de territoires sont en train de se doter du même dispositif que le nôtre" avait défendu Dominique Sorain face aux journalistes. "Il faut que nous ayons les moyens de détecter les variants du Covid", avait renchéri Édouard Fritch.
"Un service de tests voyageurs va devenir incontournable"
Si les moyens sont là, ils ne sont pas illimités. Les autorités sanitaires le savent et s'y préparent. "On a du stock, nous sommes également en train de nous équiper et de recruter du personnel", confirme Hervé Varet. À ce jour, l'institut dispose de plus de 10 000 tests RT-PCR, auxquels s'ajoutera une commande de 5 000 tests supplémentaires. "Dès qu'on arrive sur le seuil de 10 000, on recommande un lot de 5 000, on tient les stocks comme ça", justifie le directeur. Du côté des tests antigéniques, les stocks atteignent un volume confortable de 140 000 unités. Quant aux kits de prélèvements en autotest, ils représentent 40 000 à 60 000 unités. "On en rachète toutes les semaines et on prépare environ 5 000 à 6 000 kits deux à trois semaines à l'avance", précise le directeur. "On a le planning des passagers, et selon les volumes qui arrivent, on s'adapte."
De quoi faire dire au directeur de l'ILM que les moyens techniques pour la prise en charge du premier flux du 26 janvier sont là. "Tout est une question d'organisation". D'autant qu'en cette saison très creuse de l'année, moins de 2 000 personnes arrivent en moyenne par semaine. Pas encore de quoi mettre de pression particulière sur l'approvisionnement. "Après, il faudra simplement qu'on ait la capacité d'évaluer les moyens, on n'a pas vraiment le choix, on s'adaptera, sinon les touristes ne pourront pas venir et nous-mêmes, on ne pourra pas se déplacer", souligne Hervé Varet. Si pour cette première échéance, les stocks de tests sont suffisants, "un service de tests voyageurs va devenir incontournable pour les touristes mais aussi pour les résidents".
Les autotests remis en question
Rédigé par Esther Cunéo le Mardi 19 Janvier 2021 à 20:48 | Lu 3793 fois