Les associations de défense des essais nucléaires en colère


Les associations ont tenu une conférence de presse ce matin sous le fare pote'e des jardins de Paofai.
PAPEETE, le 25/02/2016 - Quatre associations étaient réunies ce matin pour donner une conférence de presse sous le fare pote'e a Paofai : Moruroa e Tatou, 193, No te Aru Tai Mareva et Pāruru ia Haoroagai Hao. Elles n'ont pas du tout été convaincues par le discours du président de la République, lundi dernier. Pour ces associations, François Hollande était en campagne électorale pour les présidentielles. Elles dénoncent également l'attitude du haut-commissaire durant les manifestations qui ont été organisées.

"On demande qu'il soit renvoyé en France, il n'est pas digne de parler à des Polynésiens qui manifestent en paix et qui veulent s'exprimer", le message de ces associations est unanime. Elles dénoncent l'attitude qu'a tenue le haut-commissaire durant leur manifestation, lundi dernier. "Il ne voulait aucune manifestation c'était clair dans son esprit", explique le père Auguste, président de l'association 193, et de continuer : "Il m'avait appelé pour me demander d'annuler notre manifestation. Mais qu'est-ce que je fais avec ces 35 000 personnes qui nous ont donné leur confiance ?" "Nous avons appris qu'il continuait à harceler les uns et les autres, notamment le père Auguste. Téléphoner à sa haute hiérarchie pour qu'il soit réprimandé, je trouve cela inacceptable. C'est vraiment une violation de nos droits de s'exprimer, de manifester", poursuit Roland Oldham, président de Moruroa e Tatou.

Selon eux, les bonnes nouvelles qui devaient être annoncées par le président de la République ont été utilisées comme moyen de dissuasion afin d'annuler les manifestations prévues lundi.

Une autre pilule qui ne passe toujours pas, même après trois jours, la réaction des forces de l'ordre vis-vis des manifestants "avec un tricot de couleur rouge". "Ils ont été bousculés alors que c'était une manifestation pacifique, je trouve cela inadmissible", s'écrie Roland Oldham. "Combien de fois on lui a dit que ce seront des manifestations pacifiques ? On ne va pas emmener des mama et des papa en face des forces de l'ordre pour se faire taper dessus. Tout ce qu'on voulait c'était être présents et avoir des banderoles et c'est tout. On ne cherche pas à faire du mal au président Hollande. On cherchait à lui dire nos souffrances. On n'était pas là pour gâcher sa visite, ce n'était pas notre objectif. Donc, on n'avait pas à recevoir des pressions ou à se faire menacer… Pour qui il se prend ?", ajoute le père Auguste.

Des manœuvres dirigées, selon les associations, par le haut-commissaire. "Peut-être qu'on ira le rencontrer s'il nous demande pardon", dit Roland Oldham.


DÉÇUS ÉGALEMENT PAR LE DISCOURS DE FRANÇOIS HOLLANDE

Une allocution qu'ils attendaient avec impatience, et qui au final, leur laisse un goût amer. "Deux semaines avant qu'il arrive, son conseiller spécial disait qu'il allait apporter une bonne nouvelle et on est toujours là à nous demander, quelle est cette bonne nouvelle ? On a l'impression que cette bonne nouvelle est adressée au gouvernement actuel parce que l’État s'engage dans la ferme aquacole, dans Tahiti Mahana Beach, il a signé plusieurs contrats. Là c'est une bonne nouvelle pour le gouvernement. Mais concernant le problème du nucléaire, on ne voit pas où est la bonne nouvelle", prévient le père Auguste.

Pour eux, François Hollande était en campagne électorale. "Il est venu tâter à gauche ou à droite pour voir quels sont les soutiens et entre-temps, il s'est dit on va faire d'autres promesses et distribuer quelques bonbons, quelques millions à nos hommes politiques, et refaire d'autres promesses par rapport au nucléaire", note Roland Oldham. "J'ai écouté son discours et je n'ai pas compris pourquoi les personnes ont applaudi surtout sur le nucléaire. Je comprends que les hommes politiques applaudissent sur les millions qu'on donne pour ceci et cela, mais sur le nucléaire, il n'y a rien du tout. C'est clair que les promesses qu'il a faites, il y a quatre ans, il ne les a pas encore tenues. Aujourd'hui, il lui reste un an alors je ne peux pas croire que les promesses qu'il a encore rajoutées sur ce qu'il a déjà fait, seront tenues d'ici un an. Ce n'est pas possible. Il n'a rien dit de nouveau."

Le fait de se rendre sur la tombe de Pouvana'a a Oopa n'a pas convaincu le monde associatif. "C'est de la mascarde", ont-ils souligné. "Ça fait des années qu'on entend parler de la révision de son procès et là il n'a pas donné de date", rajoute le président de Moruroa e Tatou.

L'EFFET NUCLÉAIRE PROFITE AUX POLITIQUES DE CE PAYS

Les associations de défense des essais nucléaires ne gardent donc pas un bon souvenir du séjour présidentiel en Polynésie, même si, du côté des hommes politiques, les avis sont plus enthousiastes. La reconnaissance des essais formulée par le président de la République suffit pour redonner confiance en l’État. "Quand on parle par exemple de l'hôpital où il a promis de mettre trois médecins… C'est le travail des associations. Mais là où je suis encore plus déçu c'est que même nos politiques sont d'accord à ce que l'on pousse nos manifestants de la mairie… Je trouve que c'est un peu culotté tout cela. C'est quand même le peuple qui manifeste et aujourd'hui c'est eux qui récoltent les prix", accuse Roland Oldham.

Les associations mettent en garde nos politiciens et ils n'ont pas mâché leurs mots hier matin : "Toutes ces manipulations politiciennes, on en a assez. Si nos hommes politiques étaient un peu plus courageux, peut-être qu'on pourrait avancer sur beaucoup de choses. On est en train de demander la vérité et la justice et nos hommes politiques sont en train de jouer à leur jeu politicien. Peut-être que deux partis vont soutenir Hollande, mais c'est fatiguant."

Le combat de ces associations continuera, elles comptent bien rencontrer le plus grand nombre d'habitants afin de leur expliquer la nécessité de mettre en place un référendum sur le nucléaire. Si aujourd'hui, elles ont récolté 35 000 signatures pour leur pétition, "on est sûrs qu'on va recueillir encore quelques milliers d'ici le 2 juillet, si ce n'est pas plus", conclut le père Auguste.

Père Auguste,
Président de l'association 193

"On paraît face aux autres nations et surtout face à la France, comme des tāparu moni"


"Vous demandez pardon ?", la question a été posée au président de la République par les médias internationaux et il ne l'a pas fait ?


"Il a évité même parce, qu'il sait ce que ça signifie et par définition, parce que je peux aussi comprendre que le pardon dérange, on dit souvent que c'est une connotation chrétienne mais en même temps, le pardon fait partie des relations humaines. Tous les grands leaders d'ici et là qui ont travaillé pour leur pays, que ce soit Nelson Mandela, Martin Luther King, ils sont passés par la notion de pardon, ce n'est pas une chose chrétienne. C'est simplement une réalité qui peut libérer et pacifier un peuple. Et en même temps pardon pour nous ça ne signifie pas oublier ? Il y a une réparation dans le pardon et ça part d'abord dans une considération fondamentale. On est conscients et convaincus que ce Pays va mal avec les essais nucléaires. Donc tant qu'on ne passe pas par cette étape-là, pour nous, ce sont des ajustements."

L'affaire du nucléaire, c'est quelque chose pour brasser de l'argent, selon vous ?


"J'ai l'impression que c'est une question pour nos élus pour pouvoir revendiquer un peu plus d'argent. Donc on paraît face aux autres nations et surtout face à la France, comme des tāparu moni (mendiants) pour avoir un peu plus d'argent, on met en avant le nucléaire et la souffrance des gens. Je trouve que c'est une honte d'utiliser la souffrance des personnes qui sont touchées directement ou indirectement pour pouvoir avoir un petit peu plus d'argent. Je crois que la logique n'est pas bonne du tout."


Rédigé par Corinne Tehetia le Jeudi 25 Février 2016 à 18:04 | Lu 3361 fois