Les artistes professionnels polynésiens vont être encartés


Les groupes de danse du Heiva qui se produisent pour des hôtels ont parfois beaucoup de mal à être payés pour leurs prestations. (Crédit Photo : Ch. Durocher- P.Duboureau)
PAPEETE, le 17 mai 2016. En fin de semaine dernière, les élus de l'assemblée de la Polynésie ont adopté à l'unanimité la loi du Pays reconnaissant les professions artistiques. Cette loi instaure le statut de l'artiste via une carte d'artiste professionnel.

Formulée par la communauté des artistes lors des Etats Généraux de 2009, la demande d’un véritable statut de l’artiste professionnel a été répétée encore en 2014, lors de la consultation Honorahu’a. Cette consultation a permis de recueillir les attentes des acteurs du monde de la culture et des arts et de formuler des propositions visant à donner un nouveau souffle à notre politique culturelle. Pour autant, il a fallu encore attendre pour avancer.

A l'origine de ce texte, des situations complexes pour les artistes pour se faire payer leurs prestations. Heremoana Maamaatuaiahutapu, le ministre de la culture l'a rappelé devant les élus territoriaux : "sur ce statut de l'artiste je suis enfin content qu'on en arrive aujourd'hui à cette loi du Pays. Tout n'est pas parfait j'en conviens et on ajustera les choses régulièrement. Jusqu'à présent c'était difficile d'organiser des concerts avec des artistes locaux, tout simplement parce qu'on ne pouvait pas les payer, on ne peut pas faire de bons de commande quand les artistes n'ont pas de patente. Donc souvent on ne faisait pas à moins de trouver une association relais mais parfois cela posait des problèmes parce que c'est un moyen détourné. Et c'est comme ça depuis des années. Tous les groupes qui dansent dans les hôtels ou font des prestations sont obligés de monter une association pour se faire rémunérer". La loi du Pays sur le statut des artiste doit permettre de mettre fin à ce système parallèle.

Le texte adopté par les élus prend en considération aussi bien les activités artistiques traditionnelles que contemporaines : "les arts visuels et graphiques, les arts audio et sonores, la littérature, les arts multidisciplinaires et interdisciplinaires, les arts du spectacle" précise le rapport présenté à l'assemblée de la Polynésie. "Il traduit une réelle volonté, d’une part, de conserver les pratiques artistiques traditionnelles et, d’autre part, d’accompagner nos jeunes artistes dans l’enrichissement de leur connaissance compte tenu de l’évolution et de l’innovation constante dans le domaine de l’art".

Cette loi du Pays sur le statut de l'artiste n'est qu’une première étape. Une prochaine délibération devrait instituer un fonds pour la promotion de l’expression artistique et transposera localement le dispositif national du "1 % artistique" qui permet d’assurer une promotion de l’art et de la culture à l’occasion des grands travaux publics. Le fonds sera destiné à promouvoir les arts polynésiens, via notamment la création d’un portail de la création artistique. De même, le chantier de la consolidation du code de la propriété intellectuelle dans sa partie littéraire et artistique "est le prochain texte qui nous sera présenté" précisait Nicole Bouteau, rapporteur de la loi du Pays.


Emma Maraea (groupe RMA) :
"Cette réglementation vise à professionnaliser les différentes disciplines artistiques en les encourageant à se fédérer, à mieux cerner leurs besoins mais aussi à apporter une meilleure visibilité sur ces professions. Le Pays disposera désormais d'un répertoire d'artistes polynésiens".

Antony Géros (groupe UPLD) :

"Il est difficile voire impossible de proposer une définition standardisée de l'artiste. Il y a une ambiguïté dans la définition : aussi il aurait fallu que des précisions sémantiques soient introduites dans le projet de loi du Pays. A être trop vague dans une définition fourre-tout des arts, nous nous exposons au risque de la subjectivité que je vois poindre dans la délivrance des cartes professionnelles et des aides qui les accompagnent. Cette délivrance n'est pas neutre puisqu'elle donne la possibilité à son détenteur d'être exonéré du droit de la patente et de la TVA".

Elise Vanaa (groupe Tahoera'a) :
"L'absence de professionnalisation de la sphère artistique a eu pour effet de réduire ces activités au simple folklore, au bénéfice exclusif des touristes, sans offrir, en contrepartie aux artistes, de véritables garanties sociales ou juridiques. Il est donc question aujourd'hui, de mettre en place ce statut afin que les artistes polynésiens puissent bénéficier d'une protection juridique et sociale ainsi que de dispositifs d'aides financières dédiés".

Que met en place la loi du Pays ?

"On entend par «artiste», la personne physique qui, à titre principal ou secondaire, crée ou participe par son interprétation à la création ou à la recréation d’œuvres d’art et ainsi contribue significativement au développement de l’art et de la culture, à titre professionnel. La liste des activités artistiques est fixée par arrêté pris en conseil des ministres" (Article LP 1).

"La reconnaissance de la qualité d’artiste se traduit par la délivrance d’une carte professionnelle" (Article LP2). Cette carte professionnelle, dont la demande écrite doit être faite auprès du service chargé de la culture, est délivrée aux personnes physiques justifiant d'une "activité significative dans le domaine artistique et d’en tirer des revenus depuis trois ans au minimum" ; d'être en règle avec les obligations déclaratives "relatives à l’activité au titre de la patente" ; justifier d'une affiliation à un régime de protection sociale et justifier d’une résidence en Polynésie française. La carte d'artiste professionnel doit être renouvelée tous les cinq ans.

Les titulaires de la carte professionnelle figurent dans un répertoire professionnel intitulé "Répertoire des artistes de la Polynésie française" qui est tenu à jour par le service de la culture et est consultable sur le site internet du service de la culture et du patrimoine. La liste des activités artistiques pouvant donner lieu à la délivrance de la carte professionnelle sera fixée par arrêté en conseil des ministres.

Rédigé par Mireille Loubet le Mardi 17 Mai 2016 à 09:52 | Lu 2590 fois