Les Marquisiens ont battu le pavé contre le projet de pêche "industrielle"


PAPEETE, le 28 octobre 2017 - Le collectif "A Pakaihi Te Tai Nui… A Tu !" a organisé une marche, samedi matin, à Papeete, pour manifester contre le projet de pêche industrielle aux Marquises. En même temps, les citoyens aux îles marquisiennes sont, eux aussi, sortis pour marquer leur désaccord.

Samedi matin, les Marquisiens ont fait trembler la ville de Papeete au son de leurs chants et de leurs pu et de leurs pahu. Petits et grands s'étaient réunis à 9 h devant l'ancien hôpital de Mamao pour marcher contre le projet de pêche d'Eugene Degage et de Tutu Tetuanui aux îles Marquises.

Au rythme des haka et des chants marquisiens, les manifestants ont parés les rues de Papeete de rouge et jaunes. "Non à la pêche industrielle! oui à la pêche artisanale!" scandaient les près de cinq cents marcheurs, s'interrompant de temps à autres pour lancer un spectacle de danse.

C'est vers 11 qu'ils sont arrivés devant le haut-commissariat où de nouveau la foule s'est mise à chanter et à danser.
Vaimana est originaire de Ua Pou, elle est venue avec ses sœurs et ses enfants, tous affichent les couleurs marquisiennes pour exprimer leur opposition au projet de pêche, "nous sommes contre ce projet de pêche industrielle. Pour nous enfants Marquisiens c'était important d'être présents. C'est un rassemblement de toutes les marquises. C'était génial au son des pahu, nous avons su montrer notre union face à un projet dangereux." raconte-t-elle en surveillant du regard ces deux garçons. " C'était important que mes enfants soient là parce qu'ils sont l'avenir. D'ailleurs, ma banderole disait union et avenir et j'avais mis des mains d'adultes et d'enfants parce que nous garantissons le futur de nos enfants qui sont l'avenir. Nos aïeux ont protégé notre océan et nous l'ont transmis pour que nous puissions en vivre, faisons de même pour les nôtres."

Pareu rouge, t-shirt jaune et lèvres rouges sang, c'est entre éclats de rires et quelques pas de danse que Fina Pautehea de Ua Huka accepte de répondre à nos questions "je suis Marquisienne et ce qu'il se passe actuellement nous concerne totalement, même si nous vivons à Papeete. Le projet de Degage n'est pas tout à fait clair. Ils disent qu'ils vont faire des embauches marquisiennes, mais pour faire des embauches, il faut des formations, entre autres... J'ai vu un certain Tutu qui s'est exprimé… Il doit savoir que nous ne sommes pas dupes par rapport au nombre de bateaux qu'il annonce. Nous ne sommes pas d'accord, nous pensons aux générations futures. Nous ne voulons pas nous retrouver à manger des conserves ", elle éclate de rire et s'éclipse pour rejoindre la danse générale.

Serge Balducci, commandant du service de renseignement de l'État s'est présenté devant les manifestants vers 11 h 30. Le collectif "A Pakaihi Te Tai Nui… A Tu !" lui a remis une lettre adressée au Président de la République où ils l'interpellent concernant le projet de pêche industrielle et ses engagements pour la préservation de l'environnement. Il assiste au spectacle de danse des marcheurs marquises fiers de leurs culture et qui tiennent absolument à préserver leur grenier qu'est l’Océan pacifique.


Les membres du collectif seront d'ailleurs, reçus dès lundi par le Haut-Comissaire. Par ailleurs, ils comptent demander un entretien avec le président du Pays afin de pouvoir leur signifier leurs arguments contre le projet de pêche d'Eugene Degage et de Tutu Tetuanui.
"Tant que ce projet ne sera pas abandonné, nous continuerons de nous battre!", lâche Pierre Tehotu, porte-parole du collectif des Marquisiens de Tahiti, grisé par leur succès de la manifestation.

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Pierre Tehotu représentant du collectif " Des emplois durables ou des emplois juste pour dix ans? "

Pierre Tehotu, représentant du collectif "A Pakaihi Te Tai Nui"
Es-tu satisfait de la marche aujourd'hui ?
Je suis plus que satisfait. Je suis comblé. Le collectif s'est monté il y a moins d'une quinzaine de jours ici à Tahiti. Nous avons réussi à mobiliser plus de 700 personnes, peut-être plus, nous attendons les chiffres du Haut-Commissariat.
Nous avons consacré beaucoup de temps, de soirées à préparer nos banderoles à programmer des réunions publiques et je pense que c'est une satisfaction aujourd'hui.
Toutes les îles des Marquises ont marché en simultanée avec nous avec une demi-heure de décalage. J'ai des premiers retours des Marquises, à Nuku Hiva, ils ont été plus de 400, c'est pas mal. Faire une marche ensemble le même jour, je pense que c'est de bon augure. Maintenant le gros du travail c'est de travailler ensemble avec les institutions et d'abord et surtout continuer d'informer la population du danger que peut représenter ce genre de projet suicidaire dans nos eaux. Si on laisse faire et que ça se met en place dans un archipel, nous sommes persuadés que les autres archipels seront pillés aussi. Le combat ne fait que commencer. Tant que ce projet ne sera pas abandonné, nous continuerons de nous battre.

Qu'est-ce qui vous dérange dans ce projet ?
Ce qui nous pose problème dans ce projet, c'est que le peuple n'a pas été consulté. Ensuite, nous ne souhaitons pas que notre soit pillé de cette manière-là. Nous ne sommes pas contre la pêche. Nous sommes pour la pêche en thonier, mais en dehors de la zone économique exclusive, en concurrence avec les autres thonniers étrangers. Ces armateurs disent que ce sont les pécheurs internationaux le problème et qu'ils pillent nos eaux, ces pêcheurs locaux pourront être des veilleurs pour surveiller notre zone économique.

D'aucuns parlent de 600 créations d'emplois aux Marquises grâce à ce projet, vous n'y croyez pas ?
Des emplois oui, mais seront-ils durables ? Des emplois durables ou des emplois juste pour dix ans? Il y a des poti marara, des poti ohopu, des petits pêcheurs traditionnels qui travaillent depuis plusieurs décennies. Nous avons pu préserver la pêche traditionnelle en ne préservant que ce dont on a besoin. Il me semble qu'en mettant 76 thoniers dans les eaux marquisiennes ce ne sera pas de la pêche, mais plutôt du pillage. Quand bien même, ils scanderont que ce ne sont que des bonitiers ou des petits thoniers, il n'en demeure pas moins qu'ils ont des longline qui font 180 voire 200 kilomètres. Les poti marara n'ont qu'une petite ligne qui fait 30 mètres, mais pas 150 hameçons ou 400 hameçons.


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Rédigé par Marie Caroline Carrère le Samedi 28 Octobre 2017 à 14:03 | Lu 7335 fois