Tahiti, le 27 octobre 2022 – Pour la première fois de l'histoire de leur archipel, les six Hakaiki de Nuku Hiva, Hiva Oa, Ua Pou, Ua Huka, Fatu Hiva et Tahuata ont décidé de porter un projet commun d'évolution statutaire vers une “communauté d'archipel” dotée de compétences nouvelles. Souhaitant s'appuyer sur la prochaine révision constitutionnelle, les six maires ont présenté jeudi leur projet au haut-commissaire et au président du Pays.
D'une seule voix. Les six Hakaiki des Marquises, constituant les six membres du bureau exécutif de la communauté de communes des îles Marquises (Codim), se sont lancés jeudi à Papeete dans une série de trois rendez-vous pour porter un même message. D'abord devant le haut-commissaire, Éric Spitz. Ensuite devant le président du Pays, Édouard Fritch. Et enfin devant l'ensemble des médias de Polynésie française réunis pour une conférence de presse dans leur bureau de la Codim à Papeete.
Ce message commun, c'est la présentation d'un projet d'évolution statutaire de l'archipel des îles Marquises en une “communauté d'archipel”. Un “stade supérieur ”, par rapport à celui de la communauté de communes, qui répond à une demande des maires marquisiens de disposer de plus grandes compétences juridiques “pour développer [leur] archipel”.
“À maturité”
Comme l'ont rappelé les six Hakaiki de Nuku Hiva, Hiva Oa, Ua Pou, Ua Huka, Fatu Hiva et Tahuata, ce projet de création d'une collectivité des îles Marquises remonte déjà aux années 1990 avec les démarches de Guy Rauzy et Lucien Kimitete. “À l'époque, ils étaient allés à Paris rencontrer les instances nationales. Mais ils n'étaient pas beaucoup écoutés. C'était l'époque de Gaston Flosse, c'était un peu difficile”, explique la fille de Guy Rauzy, Joëlle Frébault, actuelle maire de Hiva Oa. “Depuis c'est resté lettre morte. Au niveau des six maires, chacun avait son parti et c'était difficile. Mais là, depuis deux ans, on a pu fédérer tous les six maires autour d'une même demande. Ça a facilité les choses.”
Les six Hakaiki martèlent cette idée d'unité. Ils ont aujourd'hui “mis de côté (leurs) différences politiques”, affirme le maire de Nuku Hiva, Benoît Kautai. “Nous étions unis à la présidentielle, unis aux législatives. Nous serons unis aux territoriales”, confirme le premier magistrat de Ua Pou, Joseph Kaiha. “L'unité des Hakaiki, c'est ce qui fait la différence aujourd'hui”, reprend le maire de Tahuata, Félix Barsinas. Pour se différencier des autres archipels et pour asseoir la légitimité de leur demande, les six maires aiment à dire que leur position commune sur cette question statutaire est arrivée à “maturité politique”.
Révision constitutionnelle
De quoi parle-t-on exactement ? D'une révision constitutionnelle et d'une évolution de la loi organique régissant le statut de la Polynésie française pour permettre de donner une existence juridique à cette “communauté d'archipel”. Les contours juridiques exacts de ce statut sont encore un peu flous. “On laisse nos juristes faire le travail”, glisse Joseph Kaiha. Mais la méthode pour arriver à cette évolution statutaire est toute trouvée… Les maires ont expliqué avoir d'abord annoncé leur démarche au dernier congrès des communes organisé à Paea. Aujourd'hui, ils ont rencontré les autorités du Pays et de l'État au fenua. Et ils s'attacheront, le 18 novembre prochain, à porter leur projet à Paris à l'occasion du congrès des maires. Mais surtout, ils entendent profiter de la révision constitutionnelle prévue en 2023 au niveau national pour faire passer leur projet.
Les Hakaiki veulent surfer sur la “différenciation” des territoires ultra-marins prônée par le président Emmanuel Macron. Mais là où la Constitution permet la différenciation entre les différentes collectivités d'outre-mer, les Marquisiens veulent une modification de la Constitution pour instaurer la possibilité d'une différenciation “au sein” des collectivités d'outre-mer. “Le législateur sera ainsi obligé d'en tirer les conséquences, en autorisant la création de ce statut de communauté d'archipel”, explique-t-on au sein de la Codim. Fermement attachés à la France, les Hakaiki estiment appliquer l'exacte volonté du président de la République. “On est au sein de la Polynésie. On veut rester au sein de la Polynésie. Mais tout en restant avec la France. Nos deux dernières élections ont bien démontré que ce n'était pas le vœu pieu de l'archipel des Marquises d'aller vers l'indépendance. Je pense que le choix des électeurs marquisien est clair là-dessus”, détaille Joseph Kaiha.
Fritch pas très chaud
Reste à savoir comment cette demande sera accueilli à Paris ? Tandis qu'on sait déjà à peu près comment elle l'a été à Tahiti… “Pas de gaieté de cœur”, s'est amusé Joseph Kaiha en évoquant la réaction du président Édouard Fritch en matinée. “C'est la première fois que je le vois, en pleine réunion, fumer deux cigarettes”, raconte le maire de Fatu Hiva, Henri Tuieinui. Jeudi soir, un communiqué de la présidence résumait en ces termes la réponse du Pays aux demandes des maires marquisiens : “Cette responsabilité accrue se manifestera par des solutions juridiques adaptées, réalistes et proportionnées par rapport à la volonté légitime exprimée.” Rien de plus.
Aux Marquises, les Hakaiki n'excluent pas de conforter leur démarche par une consultation populaire. Qu'il s'agisse d'une forme de référendum ou du résultat d'une élection, précisent-ils. À quelques mois des territoriales, les maires se défendent de faire monter les enchères pour rallier la liste qui leur promettra son soutien. “Mais l'intérêt c'est que ça puisse devenir un enjeu des prochaines territoriales”, ne cachait pas un des acteurs du dossier à la Codim. D'ores et déjà, les six maires se sont assurés du soutien de leurs conseils municipaux et ont fait voter un “vœu” allant dans le sens de leur projet. Seul le conseil municipal de Ua Pou n'a pas encore voté et doit se prononcer le 3 novembre prochain sur le sujet.
Le pourquoi ?
Une fois détaillé le “comment”, restait encore pour les élus marquisiens à expliquer le “pourquoi”. Réfutant toute velléité “séparatiste”, les maires ont expliqué qu'après 12 ans de fonctionnement en communauté de communes, leurs projets se sont trop souvent heurtés à des lacunes en termes de dotations de compétences. Ils demandent donc à pouvoir gérer eux-mêmes certaines affaires touristiques, agricoles ou encore par exemple culturelles de leurs communes. “À chaque fois qu'on monte des projets, on fait des études pendant 10 ans pour finir par entendre le trésorier payeur général nous dire : 'je ne verserai pas les fonds, vous n'avez pas les compétences pour ces projets'”, se désole Joseph Kaiha.
Autre problématique, les Marquisiens veulent avoir voix au chapitre sur les relations, et surtout les dotations, entre l'État et le Pays. “On peut dire qu'il y a un constat d'échec”, ajoute même Joseph Kaiha, en évoquant la centralisation des affaires de la Polynésie française à Tahiti. Comme entendu à Tureia et Rikitea ces derniers jours, les Marquisiens ne veulent plus que “Papeete” arbitre seul la répartition des dotations versées par l'État. Mais pas question pour autant d'évoquer un isolement, notamment financier, par rapport à Tahiti. Les maires ne voient pas pourquoi ils cesseraient de “partager” les richesses de la Polynésie. “Ce n'est pas une agression, c'est une construction”, souligne et conclut le maire de Ua Pou.
D'une seule voix. Les six Hakaiki des Marquises, constituant les six membres du bureau exécutif de la communauté de communes des îles Marquises (Codim), se sont lancés jeudi à Papeete dans une série de trois rendez-vous pour porter un même message. D'abord devant le haut-commissaire, Éric Spitz. Ensuite devant le président du Pays, Édouard Fritch. Et enfin devant l'ensemble des médias de Polynésie française réunis pour une conférence de presse dans leur bureau de la Codim à Papeete.
Ce message commun, c'est la présentation d'un projet d'évolution statutaire de l'archipel des îles Marquises en une “communauté d'archipel”. Un “stade supérieur ”, par rapport à celui de la communauté de communes, qui répond à une demande des maires marquisiens de disposer de plus grandes compétences juridiques “pour développer [leur] archipel”.
“À maturité”
Comme l'ont rappelé les six Hakaiki de Nuku Hiva, Hiva Oa, Ua Pou, Ua Huka, Fatu Hiva et Tahuata, ce projet de création d'une collectivité des îles Marquises remonte déjà aux années 1990 avec les démarches de Guy Rauzy et Lucien Kimitete. “À l'époque, ils étaient allés à Paris rencontrer les instances nationales. Mais ils n'étaient pas beaucoup écoutés. C'était l'époque de Gaston Flosse, c'était un peu difficile”, explique la fille de Guy Rauzy, Joëlle Frébault, actuelle maire de Hiva Oa. “Depuis c'est resté lettre morte. Au niveau des six maires, chacun avait son parti et c'était difficile. Mais là, depuis deux ans, on a pu fédérer tous les six maires autour d'une même demande. Ça a facilité les choses.”
Les six Hakaiki martèlent cette idée d'unité. Ils ont aujourd'hui “mis de côté (leurs) différences politiques”, affirme le maire de Nuku Hiva, Benoît Kautai. “Nous étions unis à la présidentielle, unis aux législatives. Nous serons unis aux territoriales”, confirme le premier magistrat de Ua Pou, Joseph Kaiha. “L'unité des Hakaiki, c'est ce qui fait la différence aujourd'hui”, reprend le maire de Tahuata, Félix Barsinas. Pour se différencier des autres archipels et pour asseoir la légitimité de leur demande, les six maires aiment à dire que leur position commune sur cette question statutaire est arrivée à “maturité politique”.
Révision constitutionnelle
De quoi parle-t-on exactement ? D'une révision constitutionnelle et d'une évolution de la loi organique régissant le statut de la Polynésie française pour permettre de donner une existence juridique à cette “communauté d'archipel”. Les contours juridiques exacts de ce statut sont encore un peu flous. “On laisse nos juristes faire le travail”, glisse Joseph Kaiha. Mais la méthode pour arriver à cette évolution statutaire est toute trouvée… Les maires ont expliqué avoir d'abord annoncé leur démarche au dernier congrès des communes organisé à Paea. Aujourd'hui, ils ont rencontré les autorités du Pays et de l'État au fenua. Et ils s'attacheront, le 18 novembre prochain, à porter leur projet à Paris à l'occasion du congrès des maires. Mais surtout, ils entendent profiter de la révision constitutionnelle prévue en 2023 au niveau national pour faire passer leur projet.
Les Hakaiki veulent surfer sur la “différenciation” des territoires ultra-marins prônée par le président Emmanuel Macron. Mais là où la Constitution permet la différenciation entre les différentes collectivités d'outre-mer, les Marquisiens veulent une modification de la Constitution pour instaurer la possibilité d'une différenciation “au sein” des collectivités d'outre-mer. “Le législateur sera ainsi obligé d'en tirer les conséquences, en autorisant la création de ce statut de communauté d'archipel”, explique-t-on au sein de la Codim. Fermement attachés à la France, les Hakaiki estiment appliquer l'exacte volonté du président de la République. “On est au sein de la Polynésie. On veut rester au sein de la Polynésie. Mais tout en restant avec la France. Nos deux dernières élections ont bien démontré que ce n'était pas le vœu pieu de l'archipel des Marquises d'aller vers l'indépendance. Je pense que le choix des électeurs marquisien est clair là-dessus”, détaille Joseph Kaiha.
Fritch pas très chaud
Reste à savoir comment cette demande sera accueilli à Paris ? Tandis qu'on sait déjà à peu près comment elle l'a été à Tahiti… “Pas de gaieté de cœur”, s'est amusé Joseph Kaiha en évoquant la réaction du président Édouard Fritch en matinée. “C'est la première fois que je le vois, en pleine réunion, fumer deux cigarettes”, raconte le maire de Fatu Hiva, Henri Tuieinui. Jeudi soir, un communiqué de la présidence résumait en ces termes la réponse du Pays aux demandes des maires marquisiens : “Cette responsabilité accrue se manifestera par des solutions juridiques adaptées, réalistes et proportionnées par rapport à la volonté légitime exprimée.” Rien de plus.
Aux Marquises, les Hakaiki n'excluent pas de conforter leur démarche par une consultation populaire. Qu'il s'agisse d'une forme de référendum ou du résultat d'une élection, précisent-ils. À quelques mois des territoriales, les maires se défendent de faire monter les enchères pour rallier la liste qui leur promettra son soutien. “Mais l'intérêt c'est que ça puisse devenir un enjeu des prochaines territoriales”, ne cachait pas un des acteurs du dossier à la Codim. D'ores et déjà, les six maires se sont assurés du soutien de leurs conseils municipaux et ont fait voter un “vœu” allant dans le sens de leur projet. Seul le conseil municipal de Ua Pou n'a pas encore voté et doit se prononcer le 3 novembre prochain sur le sujet.
Le pourquoi ?
Une fois détaillé le “comment”, restait encore pour les élus marquisiens à expliquer le “pourquoi”. Réfutant toute velléité “séparatiste”, les maires ont expliqué qu'après 12 ans de fonctionnement en communauté de communes, leurs projets se sont trop souvent heurtés à des lacunes en termes de dotations de compétences. Ils demandent donc à pouvoir gérer eux-mêmes certaines affaires touristiques, agricoles ou encore par exemple culturelles de leurs communes. “À chaque fois qu'on monte des projets, on fait des études pendant 10 ans pour finir par entendre le trésorier payeur général nous dire : 'je ne verserai pas les fonds, vous n'avez pas les compétences pour ces projets'”, se désole Joseph Kaiha.
Autre problématique, les Marquisiens veulent avoir voix au chapitre sur les relations, et surtout les dotations, entre l'État et le Pays. “On peut dire qu'il y a un constat d'échec”, ajoute même Joseph Kaiha, en évoquant la centralisation des affaires de la Polynésie française à Tahiti. Comme entendu à Tureia et Rikitea ces derniers jours, les Marquisiens ne veulent plus que “Papeete” arbitre seul la répartition des dotations versées par l'État. Mais pas question pour autant d'évoquer un isolement, notamment financier, par rapport à Tahiti. Les maires ne voient pas pourquoi ils cesseraient de “partager” les richesses de la Polynésie. “Ce n'est pas une agression, c'est une construction”, souligne et conclut le maire de Ua Pou.
Joseph Kaiha, maire de Ua Pou : “Nous pouvons monter d'un cran”
Pourquoi et comment en arrivez-vous à cette demande ?
“Dans l'histoire de la vie communale de notre Polynésie, il y a 50 ans de vie des communes, 12 ans de vie de communauté de commune. Nous engageons une démarche pour la mise en place d'une communauté d'archipel. L'expérience et le constat fort que nous faisons, c'est la faiblesse de l'exercice des compétences pour le développement de notre archipel. Je citerai le domaine de l'artisanat, le domaine de la pêche, du tourisme, de la culture… Pour tout cela, nous avons travaillé depuis une dizaine d'années sur des actions à mettre en place. Mais nous avons été confrontés au fait que nous ne pouvions réaliser ces actions parce que les compétences ne relevaient pas de la communauté de communes. Nous estimons aujourd'hui que, de par notre unité, de par la voix des Hakaiki, de par la voix des Marquises, nous pouvons monter d'un cran et aller vers une communauté d'archipel.”
Vous insistez pour dire qu'il ne s'agit pas d'une séparation ?
“Il y a des choses aussi qui existent. En Nouvelle-Calédonie, il n'y a pas que le Congrès, il y avait à l'époque une situation qui a fait naître les Provinces. Nous avons cinq archipels au sein de la Polynésie. Ce que nous faisons, ce n'est pas du tout une scission, une division, un éclatement de la Polynésie. Non, nous estimons que c'est une démarche légitime. Celle de renforcer nos archipels par l'exercice de nos compétences. On ressent une certaine crainte de la part des dirigeants du Pays, ce qui est tout à fait légitime. Mais nous essayons de rassurer. Et notre unité ne fléchit pas.”
“Dans l'histoire de la vie communale de notre Polynésie, il y a 50 ans de vie des communes, 12 ans de vie de communauté de commune. Nous engageons une démarche pour la mise en place d'une communauté d'archipel. L'expérience et le constat fort que nous faisons, c'est la faiblesse de l'exercice des compétences pour le développement de notre archipel. Je citerai le domaine de l'artisanat, le domaine de la pêche, du tourisme, de la culture… Pour tout cela, nous avons travaillé depuis une dizaine d'années sur des actions à mettre en place. Mais nous avons été confrontés au fait que nous ne pouvions réaliser ces actions parce que les compétences ne relevaient pas de la communauté de communes. Nous estimons aujourd'hui que, de par notre unité, de par la voix des Hakaiki, de par la voix des Marquises, nous pouvons monter d'un cran et aller vers une communauté d'archipel.”
Vous insistez pour dire qu'il ne s'agit pas d'une séparation ?
“Il y a des choses aussi qui existent. En Nouvelle-Calédonie, il n'y a pas que le Congrès, il y avait à l'époque une situation qui a fait naître les Provinces. Nous avons cinq archipels au sein de la Polynésie. Ce que nous faisons, ce n'est pas du tout une scission, une division, un éclatement de la Polynésie. Non, nous estimons que c'est une démarche légitime. Celle de renforcer nos archipels par l'exercice de nos compétences. On ressent une certaine crainte de la part des dirigeants du Pays, ce qui est tout à fait légitime. Mais nous essayons de rassurer. Et notre unité ne fléchit pas.”