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Législatives aux Fidji: Bainimarama conteste sa défaite, l'armée déployée


Crédit SAEED KHAN / AFP
Crédit SAEED KHAN / AFP
Suva, Fidji | AFP | jeudi 21/12/2022 - Le Premier ministre fidjien sortant Frank Bainimarama a annoncé jeudi la mobilisation de l'armée pour maintenir "la loi et l'ordre" aux Fidji après sa défaite électorale, qu'il conteste, contre l'opposition menée par Sitiveni Rabuka. 

"Aussi longtemps que nous aurons la responsabilité d'être au gouvernement, nous ferons notre devoir pour la sécurité de tous les Fidjiens", a déclaré M. Bainimarama à l'occasion de sa première prise de parole depuis le 14 décembre, jour de l'élection. 

Il a notamment invoqué des rapports, qui restent à confirmer, de violences inter-ethniques consécutives au vote pour justifier le déploiement des militaires. 

L'élection s'est soldée par la conclusion d'un accord dans l'opposition entre le parti social-démocrate et Sitiveni Rabuka, qui a permis à ce dernier d'obtenir la majorité au Parlement.  

La nouvelle avait été accueillie avec joie, notamment dans la capitale, Suva, où des Fidjiens célébraient la fin de l'ère Bainimarama, longue de 16 ans et qualifiée de semi-autoritaire. 

Arrivé au pouvoir après un putsch et à la tête des Fidji depuis 16 ans, M. Bainimarama n'a pas reconnu sa défaite.

Ses alliés au gouvernement n'ont toujours pas convoqué la Parlement pour nommer M. Rabuka Premier ministre. 

La petite république du Pacifique a connu quatre coups d'Etat au cours des 35 dernières années. Le recours à l'armée, dont le spectre planait sur le scrutin, fait craindre un nouveau putsch. 

Le commissaire de police Sitiveni Qiliho, proche de M. Bainimarama, avait révélé plus tôt que l'armée serait appelée en renfort, évoquant des "renseignements" non spécifiés sur des "troubles civils organisés".

Les militaires disposent de larges pouvoirs d'intervention dans la sphère politique, prévus par la Constitution fidjienne. 

Ils ont notamment la "responsabilité générale" d'assurer à tout moment "la sécurité, la défense et le bien-être des Fidji et de tous les Fidjiens". 

Le chef de l'armée fidjienne, Jone Kalouniwai, aurait toutefois assuré à des diplomates étrangers qu'un coup d'Etat n'était pas envisagé.

Il était notamment resté sourds aux appels de Sitiveni Rabuka, qui souhaitait que les militaires interviennent après des "anomalies" lors du vote.

Mais ces garanties exprimées par l'armée "doivent être très sérieusement questionnées", selon le professeur à l'Université Victoria de Wellington, Jon Fraenkel, qui revient des Fidji.

Frank Bainimarama n'est pas considéré comme un autocrate absolu bien qu'il ait régulièrement utilisé l'arsenal légal fidjien pour faire taire les critiques, museler les médias et écarter ses opposants.

"Aucune preuve de troubles"

Dès la signature de l'accord dans l'opposition marquant sa défaite, la police a exprimé des inquiétudes quant à des "jets de pierre" et des violences à l'encontre de la minorité indo-fidjienne, qui soutient plutôt M. Bainimarama.

L'institution a ensuite reconnu que ces incidents présumés n'avaient pas fait l'objet d'une enquête, mais le commissaire Qiliho est revenu à la charge jeudi, affirmant que "les minorités vivent maintenant dans la peur".

Ces déclarations ont été balayées par Mahendra Chaudhry, leader du parti travailliste et premier Premier ministre d'origine indo-fidjienne, renversé par un putsch en 2000. 

"Je ne vois aucune preuve de troubles ici, les gens sont calmes et attendent que le président convoque le Parlement pour élire le Premier ministre", a-t-il dit à l'AFP. 

"L'opposition a recueilli le plus de votes et la Constitution est très claire sur la marche à suivre dans cette situation", a-t-il poursuivi. 

"Nous encourageons toutes les parties à laisser libre cours au processus constitutionnel", a déclaré à l'AFP un porte-parole du ministère des Affaires étrangères de la Nouvelle-Zélande voisine, qui a appelé à la retenue. 

Sitiveni Rabuka, qui devrait remplacer Frank Bainimarama au poste de Premier ministre, a quant à lui qualifié de "dérangeants" les rapports de la police sur d'éventuelles violences. 

"Je demande au peuple fidjien de respecter la loi", a-t-il dit jeudi dans un communiqué, en précisant que la coalition victorieuse dont il est le leader aspirait à une "passation de pouvoir pacifique".

le Jeudi 22 Décembre 2022 à 05:23 | Lu 723 fois