Légende de Rua-ta’ata et de l’arbre à pain


Légende du Tumu Uru par Sarahina.
PAPEETE, le 18 décembre 2015. Cette semaine, Tahiti Heritage vous présente la légende de l’origine de l’arbre à pain. Une belle histoire d’amour familial – un père se sacrifie pour permettre à sa famille de survivre à la disette – qui devrait nous faire réfléchir en cette période de crise !

Il y a fort longtemps, la famine s’installa à Raiatea, pendant le règne du roi Noho-ari’i et on disait alors en parlant de Uturoa (Raiatea) :
•Uturoa qui court au fara (le pandanus qui servait de nourriture)
•Uturoa à la terre rouge (la terre rouge qui servait de nourriture)
•Uturoa réduit à l’âcre teve (variété de ape)
•Uturoa au crabe de terre au dos amer

Rua-ta’ata et son épouse Rumau-ari’i se lamentaient sur le sort de leurs quatre enfants affamés qui étaient contraints de manger de la terre rouge et les conduisirent à une caverne dans la montagne pour y manger des fougères. Un soir, Rua-ta’ata dit à son épouse : "O Rumau-ari’i, lorsque tu t’éveilleras le matin, va dehors et tu verras mes mains qui sont devenues des feuilles, regarde le tronc et ses branches, ce sera mon corps et mes jambes, et le fruit rond que tu verras sera mon crâne ; le cœur du fruit sera ma langue. Fais rôtir le fruit, laisse-le tremper dans l’eau puis enlève la peau en le battant et manges-en, puis donnes-en à nos enfants ; ainsi vous n’aurez plus faim." Puis Rua-ta’ata partit laissant sa femme dans la grotte avec les enfants.

Le lendemain Rumau-ari’i se leva de bonne heure et constata que l’entrée de la caverne était ombragée par un arbre splendide, et que des fruits mûrs étaient tombés sur le sol. Tout se passait comme son mari l’avait prédit et elle nomma cette petite vallée Tua-uru (place de l’Arbre à pain). C’est alors qu’elle saisit le sens des paroles de son mari, et, tout en pleurant, elle ramassa les fruits, les fit cuire et en nourrit ses enfants et en mangea elle-même.

Un jour, les serviteurs du roi pénétrèrent cette vallée pour y chercher des anguilles et des chevrettes et aperçurent des peaux du fruit de l’arbre à pain qui descendaient le courant. Ils les ramassèrent et ayant goûté les morceaux qui y étaient fixés, s’écrièrent : "Comme cette nourriture est bonne ! D’où vient-elle ?" Ils se mirent alors à la recherche de ce fruit dans le fond de la vallée et arrivés à la petite clairière, aperçurent l’arbre merveilleux.

Rumau-ari’i était auprès de l’arbre et ils l’interrogèrent : "Quel est ce fruit ?"
Elle répondit : "C’est le ’uru."
"D’où vient-il ?"
"D’ici, de mon mari Rua-ta’ata qui se changea en arbre à pain par chagrin de nous voir sans nourriture mes enfants et moi."
Ils admirèrent tous l’arbre, avec ses branches penchées vers la terre et couvertes de fruits.

RAIATEA, TAHA’A PUIS BORA BORA

Un homme de Taha’a arracha une des racines de l’arbre et l’emmena à Taha’a où il la planta. Elle poussa et donna un arbre à pain. Les serviteurs du roi ramassèrent des fruits mûrs et en remplirent la pirogue qui leur servait pour les cérémonies, et ils soufflèrent dans le pu (conque) pour annoncer l’arrivée des premiers fruits et pagayèrent jusqu’à Opoa, le grand lieu où la famille royale inaugurait la fête des premiers fruits du pays. Le roi Noho-ari’i ayant trouvé la nourriture très bonne envoya ses serviteurs pour déplanter l’arbre et le replanter à Opoa et ramener également les propriétaires de l’arbre. Ils s’en furent et, revenant avec les propriétaires, plantèrent l’arbre en présence du roi. Une femme, nommée Toea-nui-oe-hau (Grand reliquat sensationnel), supplia qu’on lui donnât un paquet de racines qu’elle alla planter dans une vallée située loin à l’intérieur, cette vallée s’appela Maio-re (Presque sans). Ce nom fut utilisé pour désigner le fruit après que le roi Mahuru de Raiatea eût pris le nom d’Uru et par la suite les têtes humaines furent appelées upo’o au lieu d’’uru par déférence pour le roi qui avait adopté ce nom. La première tête (fruit) produite à Porapora (Bora Bora), il y a bien longtemps, fut appelée Teiti, du nom de la femme qui prit une racine à Opoa et la planta à Porapora.

Ru-mau-ari’i et ses enfants pleurèrent la disparition de l’arbre, mais au bout de peu de temps des rejets sortirent, issus des racines restées sous terre et formèrent un bouquet d’arbres qui, bientôt, porta de nombreux fruits.

Cette légende de Raiatea fut écrite en 1887 par Tupaia, maître d’école à Raiatea, sous la dictée de son grand-père Tataura.

Utilisations culinaires du ‘uru

L’usage principal de l’arbre à pain est alimentaire puisque son fruit comestible, le ‘uru, était la base de l’alimentation des Polynésiens. Il se prépare bouilli, rôti ou cuit à l’étouffé ou plus simplement sur un feu de bois ou un bec de gaz. Aux temps anciens, il était généralement mangé fermenté après conservation pendant plusieurs mois dans des silos de pierre. Le ‘uru s’est adapté à la cuisine moderne et se prépare en frites et en gratin dauphinois. Depuis peu est proposée de la farine de ‘uru qui permet de réaliser du pain ou des gâteaux sans gluten. Les graines confites font de délicieux bonbons.
‘uru cuit au feu de bois.

Autres utilisations du ‘uru

En médecine traditionnelle, le latex, les bourgeons, les jeunes pousses, les pédoncules des fruits, les pétioles, la pulpe moisie ou encore l’écorce interne des jeunes branches étaient utilisés pour des traitements médicinaux. Les fleurs, par exemple, sont grillées et frottées sur les gencives pour soulager les maux de dents. Le latex blanc qui s’écoule de l’écorce servait tel quel de gomme à mâcher, ou, mélangé avec du mono’i, comme fixateur pour les cheveux. Il était également utilisé pour attraper les oiseaux. Mélangé à de la fibre de coco, le latex servait aussi de poix pour calfater les pirogues. L’écorce des jeunes branches servait à la confection de tapa (tissus végétaux) de couleur beige. Le bois était utilisé pour la confection de pirogues, d’armes, d’instruments de musique et de meubles.

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Rédigé par TAHITI HERITAGE le Vendredi 18 Décembre 2015 à 12:49 | Lu 2789 fois